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les algues et les coquillages coloriés qu'on trouve au fond des baies solitaires. Les nuages y paraissent sans couleur, et la joie même y est un peu triste; mais des fontaines d'eau froide y sortent du rocher, et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines où, sur des fonds d'herbes ondulées, se mire le ciel.

Mes pères, aussi loin que nous pouvons remonter, étaient voués aux navigations lointaines, dans des mers que tes argonautes ne connurent pas. J'entendis, quand j'étais jeune, les chansons des voyages polaires; je fus bercé au souvenir des glaces flottantes, des mers brumeuses semblables à du lait, des îles peuplées d'oiseaux qui chantent à leurs heures et qui, prenant leur volée tous ensemble, obscurcissent le ciel.

Des prêtres d'un culte étranger, venu des Syriens de Palestine,

du peintre Ary Scheffer. En 1860-1861, il accomplit une mission archéologique en Phénicie, où il perdit sa sœur Henriette. En 1862, il fut nommé professeur d'hébreu au Collège de France; mais après sa première leçon, où il avait appelé Jésus « un homme incomparable », son cours fut suspendu, puis supprimé jusqu'en 1870. Les événements de 1870-1871 lui inspirèrent la Réforme intellectuelle et morale (1871). En 1879, l'Académie française l'élut, en remplacement de Claude Bernard; en 1884, enfin, il devenait administrateur du Collège de France.

Philologue, Renan a traité les questions les plus diverses: Histoire générale des langues sémitiques (1848). Philosophe et moraliste, ses principaux livres sont : Averroès et l'Averroïsme (1852); Etudes d'histoire religieuse (1857); de l'Origine du langage (1857); les Essais de morale et de critique (1860); les Questions contemporaines (1868); Dialogues et Fragments philosophiques (1876). Enfin il a composé ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse (1883), ses Feuilles détachées (1892) et l'opuscule Ma sœur Henriette (1882), une de ses plus belles œuvres, et s'est diverti sur le tard à exprimer sous forme de Drames philosophiques, dans Caliban, l'Eau de Jouvence, le Prêtre de Némi, l'Abbesse de Jouarre (1878-1896), un scepticisme délié, subtil et chatoyant. Quant à ses œuvres historiques, elles comprennent, outre plusieurs volumes d'essais, les Origines du christianisme [la Vie de Jésus (1863), les Apôtres (1866), Saint Paul (1869), l'Antéchrist (1873), les Evangiles (1878), l'Eglise chrétienne (1879), Marc-Aurèle (1881)] et l'Histoire du peuple d'Israël (18871892).

Philologue et historien, Renan a, comme Michelet, une aptitude merveilleuse à ressusciter les siècles morts. Quant à son style, il est incomparable; on n'avait rien lu de plus gracieux, de plus souple, de plus transparent, de plus précis aussi depuis le meilleur Chateaubriand. Cet art se montre avec tout son charme dans les Souvenirs d'enfance, qui sont, dans son œuvre, ainsi que l'a dit Anatole Franoe, comme la fleur d'or sur les rochers de sa Bretagne.

prirent soin de m'élever. Ces prêtres étaient sages et saints. Ils m'apprirent les longues histoires de Cronos, qui a créé le monde, et de son fils qui a, dit-on, accompli un voyage sur la terre. Leurs temples sont trois fois hauts comme le tien, ô Eurythmie, et semblables à des forêts; seulement ils ne sont pas solides; ils tombent en ruine au bout de cinq ou six cents ans ; ce sont des fantaisies des barbares, qui s'imaginent qu'on peut faire quelque chose de bien en dehors des règles que tu as tracées à tes inspirés, ô Raison. Mais ces temples me plaisaient; je n'avais pas étudié ton art divin; j'y trouvais Dieu. On y chantait des cantiques dont je me souviens encore : « Salut, Étoile de la mer..., Reine de ceux qui gémissent en cette vallée de larmes, » ou bien : « Rose mystique, Tour d'ivoire, Maison d'or, Étoile du matin... » Tiens, déesse, quand je me rappelle ces chants, mon cœur se fond, je deviens presque apostat. Pardonne-moi ce ridicule ; tu ne peux te figurer le charme que les magiciens barbares ont mis dans ces vers, et combien il m'en coûte de suivre la raison toute nue.

Et puis si tu savais combien il est devenu difficile de te servir ! Toute noblesse a disparu. Les Scythes ont conquis le monde. Il n'y a plus de république d'hommes libres; il n'y a plus que des rois issus d'un sang lourd, des majestés dont tu sourirais. De pesants hyperboréens appellent légers ceux qui te servent... Une pambéotie redoutable, une ligue de toutes les sottises, étend sur le monde un couvercle de plomb, sous lequel on étouffe. Même ceux qui t'honorent, qu'ils doivent te faire pitié ! Te souviens-tu de ce Calédonien qui, il y a cinquante ans, brisa ton temple à coups de marteau pour l'emporter à Thulé? Ainsi font-ils tous... J'ai écrit selon quelques-unes des règles que tu aimes, ô Théonoé, la vie du jeune dieu que je servis dans mon enfance; ils me traitent comme un Evhémère ; ils m'écrivent pour me demander quel but je me suis proposé; ils n'estiment que ce qui sert à faire fructifier leurs tables de trapézites. Et pourquoi écrit-on la vie des dieux, ô ciel ! si ce n'est pour faire aimer le divin qui fut en eux, et pour montrer que ce divin vit encore et vivra éternellement au cœur de l'humanité?

Te rappelles-tu ce jour, sous l'archontat de Dionysidore, où un laid petit Juif, parlant le grec des Syriens, vint ici, parcourut les parvis sans te comprendre, lut tes inscriptions tout de travers et crut trouver dans ton enceinte un autel dédié à un dieu qui serait le Dieu inconnu? Eh bien, ce petit Juif l'a emporté; pendant mille ans on t'a traitée d'idole, & Vérité ; pendant mille

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ans, le monde a été un désert où ne germait aucune fleur. Durant ce temps, tu te taisais, ô Salpinx, clairon de la pensée. Déesse de l'ordre, image de la stabilité céleste, on était coupable pour t'aimer, et, aujourd'hui qu'à force de consciencieux travail nous avons réussi à nous rapprocher de toi, on nous accuse d'avoir commis un crime contre l'esprit humain en rompant des chaînes dont se passait Platon.

Toi seule es jeune, ô Cora ; toi seule es pure, ô Vierge; toi seule es sainte, ô Hygie; toi seule es forte, ô Victoire. Les cités, tu les gardes, ô Promachos; tu as ce qu'il faut de Mars, ô Aéra; la paix est ton but, ô Pacifique, Législatrice, source des constitutions justes; Démocratie, toi dont le dogme fondamental est que tout bien vient du peuple, et que, partout où il n'y a pas de peuple pour nourrir et inspirer le génie, il n'y a rien, apprendsnous à extraire le diamant des failles impures. Providence de Jupiter, ouvrière divine, mère de toute industrie, protectrice de travail, ô Ergané, toi qui fais la noblesse du travailleur civilisé et le mets si fort au-dessus du Scythe paresseux; Sagesse, toi que Zeus enfanta après s'être replié sur lui-même, après avoir respiré profondément; toi qui habites dans ton père, entièrement unie à son essence; toi qui es sa compagne et sa conscience; Énergie de Zeus, étincelle qui allumes et entretiens le feu chez · -les héros et les hommes de génie, fais de nous des spiritualistes accomplis. Le jour où les Athéniens et les Rhodiens luttèrent pour le sacrifice, tu choisis d'habiter chez les Athéniens, comme plus sages. Ton père cependant fit descendre Plutus dans un nuage d'or sur la cité des Rhodiens, parce qu'ils avaient aussi rendu hommage à sa fille. Les Rhodiens furent riches; mais les Athéniens eurent de l'esprit, c'est-à-dire la vraie joie, l'éternelle gaieté, la divine enfance du cœur.

Le monde ne sera sauvé qu'en revenant à toi, en répudiant ses attaches barbares. Courons, venons en troupe. Quel beau jour que celui où toutes les villes qui ont pris des débris de ton temple, Venise, Paris, Londres, Copenhague, répareront leurs larcins, formeront des théories sacrées pour rapporter les débris qu'elles possèdent, en disant : « Pardonne-nous, déesse ! c'était pour les sauver des mauvais génies de la nuit, » et rebâtiront tes murs au son de la flûte, pour expier le crime de l'infâme Lysandre! Puis ils iront à Sparte maudire le sol où fut cette maîtresse d'erreurs sombres, et l'insulter parce qu'elle n'est plus.

Ferme en toi, je résisterai à mes fatales conseillères; à mon scepticisme, qui me fait douter du peuple; à mon inquiétude

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