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cer d'interrompre ce travail. On ne dispose pas toujours de soi-même suivant ses désirs dans ces temps de désordre et de tempêtes.

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Nous avons traité une question d'une importance extrême, la question la plus générale que la raison puisse se proposer. De sa solution dépend toute vérité, tout ordre et toute paix car il n'y a de paix pour l'intelligence que lorsqu'elle est certaine de posséder la vérité, et il n'y a de paix pour les peuples que lorsqu'ils sont certains d'obéir à l'ordre. La société n'est si agitée, si calamiteuse, que parce que tout est incertain, religion, morale, lois, pouvoir; et l'incertitude vient de ce que les esprits ne reconnoissent plus d'autorité qui ait sur eux le droit de commandement. Le monde est la proie des opinions: chacun ne veut croire que soi, et dès lors n'obéir qu'à soi. Plus de dépendance, plus de devoirs, plus de liens. L'édifice social, réduit en poussière, ressemble au sable du désert, où rien ne croît, où rien ne vit et qui, emporté par les vents, ensevelit les voyageurs sous ses montagnes brûlantes.

Rétablissez l'autorité : l'ordre entier renaît,

la vérité se replace sur sa base immuable, l'anarchie des opinions cesse, l'homme entend l'homme; les intelligences, unies par une même foi, viennent se ranger autour de leur centre, qui est Dieu, et se ranimer à la source de la lumière et de la vie.

Ou la raison humaine n'est qu'une chimère, ou elle dérive d'une raison supérieure, éternelle, immuable car la vérité, si elle existe, a nécessairement existé toujours, et toujours la même. Aucune raison créée ne peut donc être qu'un écoulement, une participation de cette raison première et souveraine, mère et maîtresse de tous les esprits. Vivre, pour eux, c'est l'écouter, c'est lui obéir, et la plus parfaite obéissance constitue le plus haut degré de raison, puisque refuser d'obéir au-delà de certaines bornes, c'est rejeter une partie du témoignage par lequel la vérité infinie nous est manifestée. Ainsi le genre humain atteste l'existence d'un Dieu souverainement juste, sage, puissant : la raison qui admet en entier ce témoignage, possédant plus de vérité, est plus étendue, plus complète que celle

qui nie quelqu'un des attributs de Dieu; elle est aussi plus conséquente, puisque le motif de croire ou de déférer à l'autorité a, quoi qu'elle enseigne, toujours la même force. Sortez de là, vous ne sauriez éviter le scepticisme qu'en vous déclarant infaillible, c'est-à-dire que, de manière ou d'autre, vous êtes contraint d'abjurer la raison.

Nier le témoignage général, lui préférer sa raison particulière, est en effet le caractère propre de la folie; et tout homme qui ne reconnoît point d'autorité ayant droit de commander à son esprit, est fou, soit involontairement, si sa folie a une cause physique, soit volontairement, si elle n'en a pas. Voilà l'unique différence qui existe entre les insensés qu'on enferme et ceux à qui on laisse l'usage de leur liberté; et l'erreur sur les objets que nous pouvons et devons connoître, l'erreur sur les devoirs, soit de la raison, soit du cœur, n'est qu'une folie volontaire, et c'est parce qu'elle est volontaire qu'elle est un crime.

Qu'un habitant de Charenton soutienne qu'il est roi de France, c'est un fou, l'on en con

vient; mais est-il fou précisément parce qu'il soutient qu'il est roi de France? Non; car il existe un autre homme qui dit aussi, Je suis roi de France, et qui seroit fou s'il ne le disoit pas. Mais tout le monde dépose en faveur de la royauté de celui-ci; il a pour lui le témoignage général dès lors plus de doute. L'autre contredit obstinément ce témoignage, c'est un fou; cette preuve suffit, et même il n'y en a pas d'autre preuve certaine. A la place de ce malheureux, supposons un homme qui dise: Je suis souverain; nous aurons un exemple de la folie volontaire.

Il arrive souvent que la folie, même physique, a pour cause l'obstination avec laquelle l'esprit s'attache à certaines idées fausses. On doit donc trouver plus de fous de cette espèce dans les pays où, le principe d'autorité étant affoibli, les esprits sont moins défendus contre eux-mêmes. Effectivement, l'expérience prouve qu'il en est ainsi. Sous le règne d'Henri VIII le nombre des fous augmenta prodigieusement en Angleterre, et depuis il a toujours été croissant. I augmente de même chaque année en

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France (1). Nous sommes persuadés qu'il y a trente ans l'Espagne étoit le pays de l'Europe où il y en avoit le moins; ils s'y multiplieront,

(1) Cela est si marqué, qu'en beaucoup de lieux les conseils de département demandent qu'on forme de nouveaux établissemens pour les recevoir. La note suivante, qu'un des plus habiles médecins de Paris à bien voulu nous communiquer, confirme d'une manière frappante ce que nous disons de la folie. Il est si vrai qu'elle consiste à refuser obstinément de reconnoître une autorité supérieure à notre raison individuelle, que le seul moyen de guérir le fou est de le forcer de se soumettre à cette autorité qu'il méconnoît.

D

« L'insuffisance de tous les moyens tirés de l'hygiène et de la > thérapeutique pour la guérison de la folie, est depuis long-temps >> reconnue des médecins. La saignée, les vomitifs, les purgatifs, » les bains, les douches font bien quelquefois cesser des accidens purement physiques qui accompagnent l'aliénation de l'esprit et qui troublent la santé corporelle de l'aliéné, ou le ren» dent plus difficile à contenir. Mais ces remèdes ne produisent » que bien rarement une amélioration réelle dans les fonctions » de l'intelligence. Aussi les médecins qui s'occupent avec le plus de succès du traitement de la folie n'emploient-ils ces

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» sortes de moyens que comme accessoires. Leur moyen princi

pal est ce qu'ils appellent le traitement moral.

>> Ce traitement moral consiste à contraindre le malade, par un juste mélange de fermeté et de persuasion, à reconnoître l'au» torité, à lui soumettre ses actions, sa volonté et son propre ju»gement. Lorsque ce dernier point est obtenu, le malade agit et >> raisonne comme un autre homme; il est guéri. Les moyens que » l'on emploie pour arriver à ce but, sont de séparer le malade de

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