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L'athéisme n'est donc pas, à proprement parler, une doctrine, une opinion, mais un désordre mental, le terme extrême de l'égarement de l'esprit, ou l'extrême folie; et l'on ne doit pas plus argumenter contre celui qui nie Dieu, ou se fait Dieu, car c'est au fond la même erreur (1), que contre l'insensé qui se croit roi. Dès qu'on oppose sa raison à la raison de tous les hommes, qu'on nie le témoignage du genre humain, il n'y a plus rien de commun entre les intelligences, plus de base sur laquelle on puisse asseoir un raisonnement; et si l'athée étoit conséquent, s'il pouvoit l'être, sa raison, sans point d'appui, essaieroit vainement de sortir de sa stupide immobilité.

Enfin voilà où l'homme en peut venir à force d'orgueil. Il prendra l'auteur de la vie et la vie même en haine. Aveugle et lâche jusqu'à se flatter de vaincre ses immortelles destinées, on le verra, s'isolant de tout ce qui est, travailler ardemment dans les ténèbres à se creuser un sépulcre éternel. Misère infinie d'un être dont toutes les pensées, toutes les espérances relèvent du néant! mais désordre plus effroyable! De là cette épouvante qui saisit les peuples, cette horreur profonde qu'ils manifestent à la vue d'un homme sans Dieu; horreur aussi naturelle que celle du meurtre :

(1) Aussi l'athéisme pratique, ou l'oubli de Dieu, et l'athéisme dogmatique ou la négation de Dieu, conduisent-ils très promptement à l'adoration de l'homme. L'idolâtrie en est un exemple; mais rien n'approche en ce genre de ce que nous avons vu de nos jours, et le culte de la déesse Raison passe de bien loin toutes les extravagances et tous les crimes qui étoient connus jusqu'alors.

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et l'athéisme n'est, en effet, que le désespoir d'une raison aliénée, et le suicide de l'intelligence.

Certes, jamais crime plus grand ne put être conçu : il renferme en soi une perversité si étonnante, que la Religion seule l'explique par ses dogmes. Oui, sans doute, il y a ici quelque chose de surnaturel; l'action d'un être mauvais sur un être dégradé, d'un tyran sur son esclave, est trop visible pour être méconnue : car aucun être ne peut tendre naturellement à sa destruction. Que l'âme tue le corps, on le comprend; elle agit hors de soi sur un sujet qui lui est soumis; mais que l'âme même, l'intelligence se détruise volontairement, cela n'est pas seulement incompréhensible, mais contradictoire; et jamais on ne rendra raison de ce mouvement désordonné d'un être intel

ligent vers la mort, qu'en le supposant dominé par une force étrangère, par un esprit plus puissant qui le séduit ou l'opprime.

Nous avons prouvé que l'existence de Dieu, unanimement attestée par le genre humain, réunit au plus haut degré tous les genres de certitude, de sorte qu'on ne peut la nier que par une opposition violente à la nature, qui nous porte à déférer au témoignage universel, et en ruinant la base de la raison, dès lors éternellement impuissante à s'assurer d'aucune vérité. Considérant donc l'existence du souverain Être comme un fait incontestable, et plus incontestable que notre existence même, nous exposerons, dans le chapitre suivant, les conséquences qui s'en déduisent relativement à l'origine et à la certitude de nos con

noissances, et peut-être ne verra-t-on pas sans étonnement combien ce seul fait, si grand et si simple, répand de lumière sur les lois de notre intelligence, et à quelle hauteur il l'élève.

CHAPITRE XV.

Conséquences de l'existence de Dieu par rapport à l'origine et à la certitude de nos connoissances.

EN entrant dans l'immense carrière que nous nous proposons de parcourir, l'homme est le premier objet qui a dû fixer nos regards. Placé en tête de la création qu'il domine par sa pensée, nous ne pouvions alors chercher plus haut la lumière. Cependant, chose étrange, tandis que nous l'avons considéré seul, il ne nous a offert que ténèbres et contradictions. Incapable naturellement de parvenir à la certitude, contraint de douter de tout et de lui-même, sa raison l'entraîne invinciblement dans le pyrrhonisme absolu; de sorte que la plus noble de ses facultés lui seroit une cause de mort, s'il n'existoit en lui je ne sais quel principe énergique de foi qui le conserve, en le forçant de déférer à l'autorité générale, règle immuable de ses croyances, et loi universelle du monde moral, comme l'attraction, ou l'autorité du Créateur agissant par sa volonté sur la matière, est la loi du monde physique.

Or, puisque les êtres intelligens ne sont unis que par cette loi, ne subsistent qu'en vertu de cette loi, donc elle est conforme à leur nature car il est dans la nature des êtres qu'ils subsistent et qu'ils soient unis; et

à cause de leurs rapports réciproques, leur existence même dépend de leur union. Donc toute philosophie qui, au lieu d'établir les droits de l'autorité et de recueillir docilement ses décisions, les soumet à la raison individuelle, est contraire à la nature des êtres intelligens, et tend à les détruire en détruisant toute croyance, et en ramenant, si je puis le dire, l'homme intellectuel à cet état de nature où l'on a voulu ramener l'homme social; état d'isolement, de foiblesse, d'indépendance et de guerre de chacun contre tous, où l'homme physique même ne peut vivre, parce que l'homme moral ne peut ni s'y développer ni s'y con

server.

Et ceci nous explique l'apparente contradiction que nous avons remarquée entre la raison de l'homme qui l'arrête dans le doute, et le penchant irrésistible qui le force de croire. Certes la raison, qui est aussi dans la nature, ou plutôt qui est la nature même de l'homme, ne sauroit être naturellement opposée à ce penchant, ne sauroit tendre naturellement à la destruction de l'homme, ou à sa propre destruction; et si néanmoins nous avons observé en elle cette tendance, c'est que, sitôt qu'elle s'isole, elle est dans un état contre nature, et manque d'une condition nécessaire à son existence.

Aussi le développement de la raison, nul dans l'individu séparé dès le premier âge de la société de ses semblables, extrêmement borné dans les sauvages, parmi lesquels on remarque à peine quelques grossiers élémens de société, se proportionne toujours

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