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ment à faire acte, pour ainsi dire, de sa dépendance d'un Être supérieur? en sorte que là même où l'absence d'un pouvoir public le laisse sous les seules lois de la famille, chaque famille, ou, si l'on veut remonter à un état plus imparfait encore, chaque individu a son culte, souvent, à la vérité, bizarre, extravagant, parce qu'à mesure que l'homme s'isole, la connoissance et l'autorité des traditions s'affoiblissent, et il devient plus dépendant de sa raison particulière, qui dès lors se montre nécessairement avec ses caractères propres, la foiblesse, l'inconséquence, l'obscurité.

Mais, malgré les erreurs de son esprit, l'homme partout a le sentiment d'une puissance souveraine, sage, prévoyante, qui entend sa voix, qui juge ses actions et dispose de ses destinées. S'il désire, s'il craint, s'il souffre, il l'invoque. Que ne fait-il point pour la fléchir, pour se la rendre propice ? Le danger des fausses religions tient uniquement à l'énergie de ce sentiment, quelquefois supérieur à l'amour même de la vie. Universel comme la pensée, comme elle et plus sensiblement qu'elle, il est le signe distinctif de l'homme, que les anciens, par cette raison, n'avoient pas cru pouvoir mieux définir qu'en l'appelant un animal religieux. Qu'on me nomme en effet la contrée où ce trait de sa nature soit entièrement effacé, où le malheureux, l'innocent opprimé, la mère alarmée sur son enfant, ne lève au ciel des yeux et des mains suppliantes merveilleux mouvement que déterminent, non la disposition des organes ni aucune impulsion

physique, mais les lois de l'espérance, et l'éternelle gravitation de notre intelligence vers Dieu.

On ne sauroit non plus assigner d'autre cause du besoin que nous éprouvons d'un bien parfait, infini, vers lequel notre volonté tend avec une force invincible. Nous voulons être heureux, et ne pouvons le devenir que par la possession de ce bien, qui est Dieu même. Hors de lui nous ne trouvons qu'inquiétude, ennui, dégoût, une stérile fatigue de l'âme épuisée par le travail du désir. Soyons de bonne foi dans notre misère : aussi bien comment nous la déguiser? Une prompte expérience nous apprend qu'aucun objet terrestre n'est le bien où nous aspirons, et qu'en vain nous le cherchons ici-bas autour de nous. Tous les siècles retentissent de cette maxime. Nous voyageons, il est vrai, dans un monde d'illusions, mais le temps se hâte de rompre le charme; les fantômes séduisans, auxquels nos vœux prêtent une réalité imaginaire, s'évanouissent au milieu de notre cœur. Dieu ne l'a fait si grand que parce qu'il y vouloit habiter. Il s'est préparé en nous comme une demeure immense, où tout ce qui n'est pas lui se perd et disparoît.

Le désir naturel d'un bonheur infini, le remords, la prière, le culte, prouvent donc que tous les hommes ont le sentiment de Dieu. Or s'il étoit possible que le genre humain sentît ce qui n'est pas, ou se trompât sur ce qu'il sent, à plus forte raison chaque homme en particulier pourroit-il être trompé par ce qu'il sent, ou se tromper sur ce qu'il croit sentir; et le sentiment que nous avons de nous-même, nul en comparaison

du sentiment unanime des hommes dans tous les siècles, loin d'être une preuve de notre existence, ne lui fourniroit même pas en sa faveur une simple présomption.

Passons maintenant à l'évidence: selon la force du mot, elle consiste dans une vue claire de la vérité d'un principe ou d'une proposition. Mais comme il arrive souvent que l'esprit croit voir avec clarté ce qu'il ne voit réellement point, car l'erreur n'est pas visible; ou, en d'autres termes, comme il y a des évidences trompeuses, la certitude des vérités évidentes repose uniquement sur l'autorité ou le témoignage d'un certain nombre d'hommes, qui attestent que leur esprit est affecté de la même manière par la même proposition et si le témoignage est unanime ou l'autorité universelle, la certitude est la plus complète que nous puissions obtenir.

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Cela posé, je soutiens que cette proposition : L'univers est l'ouvrage d'un Etre intelligent, est aussi évidente pour tous les hommes qu'aucun principe quel qu'il soit, et plus évident même que cet axiome regardé comme incontestable: Deux choses identiques avec une troisième, sont identiques entre elles (1); car beaucoup d'esprits hors d'état de concevoir cette maxime comprendront aisément l'autre proposition.

Et, de fait, c'est partout la première réponse que font les hommes, lorsqu'on interroge leur raison sur l'existence de Dieu; et l'unanimité de cette réponse en constate tellement l'évidence, que celui qui la (1) Quæ sunt eadem uni tertio, sunt cadem inter se.

nieroit s'ôteroit par cela seul tout moyen de discerner une évidence réelle d'une évidence fausse, par conséquent tout droit de rien affirmer comme évident (1), ou la possibilité de raisonner, puisqu'on ne raisonne qu'en partant d'un principe qu'on suppose évidemment certain.

Ce principe admis, nous ne sommes assurés de la justesse des conséquences que nous en déduisons, que lorsqu'elles sont elles-mêmes admises généralement, c'est-à-dire lorsque le témoignage des autres hommes nous apprend que, sur ce point, leur raison s'accorde avec la nôtre; et plus cet accord est universel, plus la certitude est grande. Or, en aucun temps, en aucun pays, la raison humaine n'a varié sur l'importante question de l'existence d'un premier être. Les plus forts argumens par lesquels on l'établit, consignés dans les monumens de la philosophie de tous les

(1) Si tout ce qui semble évident à chaque esprit étoit vrai, il n'existeroit aucune erreur; car l'erreur n'est jamais qu'une chose crue évidente et qui ne l'est pas. A cet égard il n'y a point de différence entre ce qu'on appelle les premiers principes et d'autres principes quels qu'ils soient, entre les principes en général et les conséquences que l'on en déduit, ces conséquences n'étant non plus admises comme certaines ou comme vraies, que lorsqu'on les suppose évidentes. Ainsi, dans les jugemens de la raison individuelle, l'évidence est toujours la raison d'affirmer ou le motif de certitude; et cette raison, identiquement la même dans toutes les circonstances, n'a pas dès lors plus de force pour établir la vérité d'un principe que la vérité d'une conséquence. D'où il résulte qu'il suffit que la raison individuelle puisse se tromper sur un seul principe, sur une seule conséquence, sur un seul point quelconque, pour que tout ce qui lui paroît évident devienne douteux. Que sera - ce donc si on suppose que ce qui a paru évident ou vrai à toutes les raisons puisse être faux ?

peuples, ont produit constamment la même impression sur les esprits (1). A quelle époque de ténèbres, en

(1) Les preuves particulières de l'existence de Dieu n'étant que des moyens de mettre cette grande vérité à la portée de la raison Individuelle, et comme un secours offert à sa foiblesse pour lui aider à s'élever à la hauteur de la raison générale, il n'entre pas dans notre plan de les exposer. Cependant, en faveur de ceux qui croiroient avoir besoin de ce secours, nous indiquerons trois preuves de l'existence du souverain Être, tirées chacune d'un ordre d'idées différent, afin de mieux montrer comment l'homme, entouré d'effets et effet lui-même, est, pour ainsi dire, ramené, de tous les points de son être, à la cause première et universelle.

Preuve métaphysique. Pour démontrer évidemment l'existence de la Divinité, il suffiroit d'observer que l'athéisme, ou la proposition qui l'énonce, Il n'y a point de Dieu, est contradictoire dans les termes. Qu'est-ce en effet que Dieu ? L'idée la plus juste à la fois et la plus générale qu'on s'en puisse former, est celle de l'Être par excellence; et c'est ainsi que, dans l'Écriture, il se définit luimême: Je suis celui qui suis. Dieu est l'ètre sans bornes, l'être infini, l'ètre nécessaire, en un mot l'Être; car tout ce qu'on ajoute à ce nom en altère la simplicité, et semble en restreindre le sens. L'athéisme se réduit donc à cet axiome : L'Étre n'est pas; axiome qui renferme une contradiction telle que tous les hommes ensemble, durant l'éternité entière, ne parviendroient jamais à en imaginer de plus monstrueuse.

Quelque chose existe, donc quelque chose a toujours existé, donc quelque chose existe nécessairement. L'athée lui-même convient de ceci, mais il veut que la matière soit cet être nécessaire (1); et c'est ici qu'égaré par une imagination malade, il tombe dans un abime d'absurdités. En effet, exister nécessairement, c'est exister de telle sorte que la non-existence implique contradiction; ces deux idées sont identiques. Et, pour expliquer ceci par un exemple, il est nécessaire qu'un triangle ait trois angles, et n'en ait que trois, c'est-à-dire qu'il implique contradiction qu'un triangle ait plus ou moins de trois angles; et comme ce qui implique contradiction, ce

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1) On nous dit gravement qu'il n'y a point d'effet sans cause; on nous répète à tout moment que le monde ne s'est pas fait lui-même. Mais le monde est une cause, il

» n'est point un effet, il n'est point un ouvrage, il n'a point été fait, parcequ'il étoit im

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possible qu'il le fùt. Le monde a toujours été, son existence est nécessaire. Il est sa cause » à lui-même. Le bon sens puisé dans la nature, tome I, page 39.

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