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cessairement imparfait, pût éviter le sort de ces esprits superbes, si réellement il possédoit l'infaillibilité. Sa nature fléchiroit sous le poids de cette divine prérogative.

Mais veut-on voir tout ensemble et la force de la raison particulière et ses limites, que l'on considère Bossuet, Descartes, Malebranche, Fénelon, Pascal, pénétrant dans les profondeurs des dogmes chrétiens, et recueillant, pour ainsi dire, tous les rayons qui s'échappent de leur sainte obscurité, afin qu'ainsi réunis ils pussent frapper les yeux les plus foibles. Quelle rigueur de raisonnement! quelle fécondité! quelle sublimité de vues! Est-il rien qui montre davantage la grandeur de l'esprit humain? Et cependant ces puissans génies ne s'appuyoient que sur la foi, pour s'élever à cette hauteur qui nous étonne; et l'autorité, leur juge et leur règle, les assuroit seule qu'ils ne s'égaroient pas dans l'espace immense en croyant s'approcher de la source de la lumière, et qu'en développant les conséquences de vérités certaines, en cherchant les rapports qui les unissent, ils ne s'écartoient point, à leur

insu, de ces vérités. Car, du reste, tous pouvoient se tromper, et il n'est pas un d'eux qui ne se soit en effet trompé bien des fois, et n'est-ce pas Bossuet qui a dit de lui-même : «< A peine crois-je voir ce que je vois, et tenir >> ce que je tiens, tant j'ai trouvé souvent ma >> raison fautive (1)! » Après cela nous pouvons tous, je pense, faire le même aveu sans rougir.

Il nous reste à rendre compte de cette nouvelle édition de notre ouvrage. On s'est plaint qu'il manquoit quelquefois de développemens nécessaires, et nous sommes déjà convenus, dans notre Défense, de la justice de ce reproche. Nous avions trop abrégé ce qui devoit être traité avec plus d'étendue, et la clarté en a souffert. Pour réparer, autant qu'il est en nous, ce défaut très réel, nous avons étendu le texte en beaucoup d'endroits, et ajouté un grand nombre de notes, soit pour éclaircir ce qui a paru obscur, soit pour montrer, par des passages des Pères et d'autres écrivains anciens, que notre doctrine n'est pas aussi nou

(1) Sermon pour la fête de Tous les Saints; tom. I, pag. 70, édit. de Versailles.

A

velle qu'elle avoit d'abord semblé l'être à quelques personnes. Nous aurions pu aisément multiplier ces citations, mais c'eût été une surcharge à peu près inutile; et d'ailleurs elles trouveront leur place, au moins les plus importantes, dans le volume suivant.

Deux théologiens étrangers, aussi savans que modestes, ont bien voulu nous indiquer, dans le chapitre XIII, deux passages où l'expression n'étoit pas assez exacte. Ils nous ont fait observer, avec une parfaite raison, qu'en parlant de la nature divine, il ne suffisoit pas que la pensée fût orthodoxe; mais qu'en un sujet si élevé, et où la moindre erreur pouvoit être si dangereuse, il falloit encore avoir soin de ne s'écarter en aucune façon du langage théologique consacré, et qui est comme la sauvegarde de la pureté du dogme. Nous avons corrigé les passages qui avoient donné lieu à cette juste observation; et nous aimons à offrir ici l'hommage de notre reconnoissance aux hommes respectables qui, par leurs doctes conseils, nous ont aidés à nous réformer.

ESSAI

SUR L'INDIFFÉRENCE

EN MATIÈRE

DE RELIGION.

CHAPITRE XIII.

Du fondement de la certitude.

RIEN ne subsiste que par la vérité, car la vérité est l'être, et hors d'elle il n'y a que le néant. Le désir de connoître, inné dans l'homme, n'est que le désir même d'exister, et comme l'effort naturel de l'intelligence vers la vie. De là cette ardente recherche du vrai, et cette joie vive et pure que nous éprouvons à sa vue. Ce sentiment a des racines si profondes en nous, que rien ne le peut détruire, pas même la passion dépravée de l'erreur. On ne hait la vérité, et l'on n'aime l'erreur, que lorsqu'à force de travail on est parvenu à se représenter l'erreur comme vraie, et la vérité comme fausse; que lorsqu'on a, pour ainsi dire, recouvert le néant d'un vain simulacre de l'être, comme on entoure un cercueil d'images de la vie, et d'emblèmes d'immortalité.

TOME 2.

1

Cependant, quand nous venons à porter la main sur l'édifice de nos connoissances, à en sonder curieusement la base, nous ne trouvons que des abîmes, et le doute ténébreux sort des fondemens de l'édifice ébranlé. L'homme ne peut, par ses seules forces, s'assurer pleinement d'aucune vérité, parce qu'il ne peut, par ses seules forces, se donner ni se conserver l'être. Il ne voit, dit Montaigne, le tout de rien; et voilà pourquoi la philosophie, qui veut tout voir et tout comprendre, la philosophie qui rend la raison de chaque homme seul juge de ce qu'il doit croire, aboutit au scepticisme universel (1), ou à la destruction absolue de la vérité et de l'intelligence.

Nul moyen d'éviter cet écueil, dès qu'on cherche en soi la certitude; et c'est ce qu'il faut montrer à l'homme pour humilier sa confiance superbe : il faut le pousser jusqu'au néant, pour l'épouvanter de luimême; il faut lui faire voir qu'il ne sauroit se prouver sa propre existence, comme il veut qu'on lui prouve celle de Dieu: il faut désespérer toutes ses croyances, même les plus invincibles, et placer sa raison aux abois dans l'alternative, ou de vivre de foi, ou d'expirer dans le vide.

Mais ôtons d'abord l'équivoque de ce mot de raison, par lequel on désigne deux facultés totalement

(1) C'est ce que nous avons déjà prouvé par le fait, en montrant que l'hérétique, le déiste et l'athée, partant tous du principe de la souveraineté de la raison individuelle, ou n'admettant comme vraj (toute foi et toute autorité mise à part) que ce qui est clair, évident, démontré à leur raison, sont inévitablement conduits, d'erreur en erreur, au doute absolu.

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