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Osez les conquérir par d'utiles largesses.

Ils ne demandent point d'orgueilleuses richesses;
Ils laissent à Plutus le faste et les grandeurs.
Que faut-il à l'abeille? un asile et des fleurs.
Ah! s'il est quelque bien qui flatte leur envie,
C'est l'honneur: aux talents lui seul donne la vie.
Louis, qui, rassemblant tous les arts sous sa loi,
Du malheur de régner se consoloit en roi;
Louis, de ses regards récompensoit leurs veilles:
Un coup d'oeil de Louis enfantoit les Corneilles.
Citoyen généreux, ainsi ton souverain,
T'égalant aux héros, ennoblit ton destin (').
Trop souvent le hasard dispense ce beau titre :
Hélas! si la vertu des rangs étoit l'arbitre,

Peut-être un malheureux, mourant sur son fumier,
Du dernier des humains deviendroit le premier.
Tes talents, du hasard ont réparé l'outrage;
Ton nom n'est dû qu'à toi ; ta gloire est ton ouvrage.
D'autres feront parler d'antiques parchemins:
Ces monuments fameux qu'ont élevés tes mains,
Ces chefs-d'œuvre brillants, ces fruits de ton génie,
Tant d'utiles travaux qu'admira ta patrie;

Voilà de ta grandeur les titres glorieux:

Là, ta noblesse éclate et frappe tous les yeux.

Que font de plus ces grands, dont la fière indolence Dévore lâchement une oisive opulence?

(') M. Laurent avoit été fait chevalier de Saint-Michel.

Que laissent, en mourant, à leur postérité,
Ces mortels corrompus par la prospérité?
Des exemples honteux, de coupables richesses,
Un nom jadis sacré, souillé par leurs bassesses.
Tes enfants, plus heureux, hériteront de toi
L'exemple des talents, le zèle pour leur roi.

T. I. POÉS. FUG.

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ÉPITRE

SUR L'UTILITÉ DE LA RETRAITE,

POUR LES GENS DE LETTRES.

1761.

Toi qui, malgré nos mœurs, nos écrits et ton âge, A ton cinquième lustre es déja vieux et sage, Tendre et fidéle ami, quel attrait dangereux T'arrache à la retraite où tu vivois heureux? Tu vas donc, égaré sur l'océan du monde, Affronter cette mer, en naufrages féconde! Ah! souffre que, plaignant l'erreur où je te vois, La sincère amitié te parle par ma voix.

« Ce monde si vanté, que ton cœur idolâtre, Est, dis-tu, des talents l'école et le théâtre : Là, je médite l'homme, et lis au fond des cœurs; Là, je viens, pour les peindre, étudier les mœurs. » Sans doute, si tu veux, élève de Thalie, Crayonner le tableau de l'humaine folie, Permets-toi dans ce monde un séjour passager;

Observe nos erreurs, mais sans les

mais sans les partager.

Au ton fade ou méchant, qu'on nomme l'art de plaire,

Y viendrois-tu plier ton mâle caractère?

Voudrois-tu t'y glacer dans de froids entretiens,

Orner la médisance, et discuter des riens;

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.Applaudir un roman, décrier une femme,
Abjurer le bon sens pour la folle épigramme?
Dans nos cercles oisifs, dans ce vain tourbillon,
Transporte Mallebranche, ou Pascal, ou Newton:
Vois leur étonnement, vois leur sombre silence;
Ils regrettent l'asile où l'ame vit et pense.

Viendras-tu te soumettre aux petits tribunaux
Où, la navette en main, président nos Saphos;
Où ce sexe, autrefois content de nous séduire,
Jusque sur les talents exerce son empire;
Effémine à-la-fois les esprits et les mœurs,
Étouffe la nature en la chargeant de fleurs;
Et, bornant des beaux-arts la carrière infinie,
Veut réduire à ses jeux les élans du génie?
Mets à leurs pieds ton cœur, et non pas tes écrits:
L'aigle altier n'est point fait pour le char de Cypris.
Je sais que du bon ton le vernis et la grace
Prête, même à des sots, une aimable surface;
Donne aux propos légers ce feu vif et brillant,
Qui luit sans échauffer, et meurt en petillant:
Mais ces foudres brûlants d'une mâle éloquence,
Ce sentiment profond que nourrit le silence,
Ce vrai simple et touchant, ces sublimes pinceaux,
Dont le chantre d'Abel anime ses tableaux,
Veux-tu les demander à ces esprits futiles?
Sybaris étoit-il le berceau des Achilles?

Dans ce monde imposteur, tout est couvert de fard ; Tout, jusqu'aux passions, est esclave de l'art :

Ces transports effrénés, dont le rapide orage
Bouleverse le cœur, se peint sur le visage,
Sous les dehors trompeurs de la sérénité,
Y cachent leur tumulte et leur férocité;
La haine s'y déguise en amitié traîtresse ;
La vengeance y sourit, et la rage y caresse;
L'ardente ambition, l'orgueil présomptueux,
Y rampent humblement en replis tortueux;
L'amour même, ce dieu si terrible et si tendre,
L'impérieux amour s'y fait à peine entendre:
Tu ne l'y verras pas, plein de joie ou d'horreur,
Palpiter de plaisir, ou frémir de fureur;

Il gémit de sang-froid, avec art il soupire...
Va, fuis; cherche des cœurs que la nature inspire!
Un autre écueil t'attend: ce tyran
des esprits,

La mode, ose régler nos mœurs et nos écrits.
Veux-tu subir le sort du bel esprit vulgaire,
Qui dégrade son siècle, en vivant pour lui plaire;
Qui, consacrant sa plume à la frivolité,
Pour briller un instant, perd l'immortalité?
Oui; du siècle où tu vis respecte les suffrages:
Mais, placé dans ce point, embrasse tous les âges;
Rassemble autour de toi les Grecs et les Romains;
Sois l'émule et l'ami des plus grands des humains;
Allume ton génie aux rayons de leur flamme;
Qu'ils revivent pour nous, reproduits dans ton ame;
Et, citoyen savant de cent climats divers,
Du fond de ta retraite habite l'univers.

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