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son Télémaque, mais dans tous ses écrits et dans tous ses discours, la doctrine d'un enfer à laquelle il ne croit pas; et il a pour lui une vénération si profonde que pour mériter d'être son valet de chambre, il chercheroit à être son laquais : humilité bien touchante sans doute dans un précepteur du genre humain. « Lecteurs attentifs, ne vous » pressez pas, je vous prie, d'accuser ici de contra>> diction un rêveur tel que lui, il n'a pu l'éviter » dans les termes, vu la pauvreté de la langue; >> mais attendez: (Em., t. 4. et cont. soc., l. 2., c. 4.) » le bon Jean-Jacques avoit un esprit très-phi>>losophique ; quoiqu'il ait voulu, pour ainsi dire, >> à tout prix se ranger parmi les ennemis de la >> philosophie ; » (Rap. du phys. et du mor., t. 1, p. 272.) ce que vous prenez pour inconséquence est le dernier effort d'une dialectique profonde et nerveuse, heureusement échauffée par la sensibilité la plus vive. On sait que << le » grand rêveur a écrit avec la tête froide d'un » homme, et le coeur brûlant d'une femme. Il » est le plus philosophe des orateurs, et le plus >> orateur des philosophes.» (nouv. édit. des lettres de Sév., t. 1, p. 1.)

Cependant Rousseau, promène sur ses auditeurs des regards attendris. « Vous êtes émus, >> leur dit-il, vous croyez entendre le divin Orphée >> chanter les premières hymnes, et apprendre >> aux hommes le culte des dieux. Emportez

» mes discours dans vos cœurs; méditez-les, et » si vous en demeurez aussi convaincus. que moi, >> regardez-moi comme votre dernier apôtre et » soyez mes prosélytes jusqu'à la mort. Mais je >> ne veux point vous ouvrir mon cœur à demi. » J'achèverai de vous dire ce que je pense, bien >> sûr que vous et tous l'univers vous gagnerez à >> penser comme moi. (Ém., t. 3. Prof. de foi.) >> Quoique je craigne que tout ce que je dis ne >> soit qu'un tissu de rêveries. » (3°. lett. de la mont.)

Après ce court préambule, Rousseau débita au milieu des applaudissemens la seconde partie de sa profession de foi, dans laquelle il travestit avec tant de sincérité la doctrine et les preuves du christianisme. Cependant, dit-il, il ne faut pas renoncer à l'Évangile; « c'est un livre que je >> regarde comme l'ouvrage de Dieu même, quoi» qu'il soit plein des choses incroyables, de » choses qui répugnent à la raison, et qu'il est >> impossible à tout homme sensé de concevoir >> ni d'admettre. » (Ibid.)

Ces idées parurent très-raisonnables aux adorateurs de Rousseau. Elle ne doivent pas avoir de contradicteurs, s'écrièrent-ils. Si elles en ont, dit un poëte qui étoit présent, (l'auteur des Mois.) j'ai un argument tout prêt pour les réduire au silence. Je leur dirai.... Taisez-vous. Et moi, reprit Rousseau, je ne cesserai de crier qu'ils

ne

ne m'entendent pas. Ce sera ma réponse à tous mes adversaires.

Barbarus his ego sum, quia non intelligor illis.

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Je ne cite pas, ajoute-t-il, les choses contraires à la raison, dont l'Évangile est plein, parce que cela est inutile, et que « je n'écris pas pour ceux >> à qui il faut tout dire. (Ém., t. 2.) Toutefois » j'admets la révélation, quoiqu'elle ne soit pas >> beaucoup près démontrée pour moi, je suis » pénétré de respect pour Jésus-Christ. Son his» toire ne peut pas être celle d'un homme : sa vie >> et sa mort sont d'un Dieu, c'est une chose »> néanmoins qu'il ne faut pas assurer trop positi>>vement. Que savons-nous? Il est dans le cas de » tous les fondateurs de cultes, qui peuvent avoir » été des envoyés de Dieu, mais qui peut-être » aussi n'ont été que des visionnaires à qui la » tête peut avoir tourné, et qui n'ont pas vu les >> choses comme elles sont.» (Prof. de foi et lett. à M. de Beaumont.)

<< Je pense donc qu'il faut conserver l'Évangile, » mais il faut en même temps conserver mes » écrits ; l'Évangile comme la règle du maître, et >> mes écrits comme le commentaire de l'écolier. >> (4. lett. de la mont.) O hommes ! lisez-les ces écrits vous verrez avec quelle force je m'élève contre des vices malheureusement trop autorisés dans notre siècle; tels que le duel, l'adultère, le

libertinage, etc. Oui

je déteste la débauche.

«Que ne puis-je à ses horreurs, substituer les >> charmes de la volupté!» (lett. à M. de Beaum.) C'est pour remplir ce vœu que j'ai fait ma Julie. (*) Les jeunes filles y apprendront l'art nouveau de se livrer à ceux qui les séduisent et même de les prévenir, si cela est nécessaire, sans cesser pour cela d'être honnêtes et sages, et les précepteurs, celui de se rendre maîtres du cœur de leurs écolières, et d'en disposer à leur gré à l'insçu de leurs parens sans cesser d'être vertueux et philosophes ! O volupté ! c'est à toi que j'ai sacrifié toute ma vie ; et dans ma vieillesse, lorsque je ne pourrai plus jouir de toi, j'écrirai mes Confessions pour avoir au moins le plaisir de savourer à longs traits les doux souvenirs que tu auras laissés dans mon ame.

Le bon Jean-Jacques ! s'écrièrent plusieurs de ses partisans.

Son cœur seul guide son pinceau.

Qui sait aimer avec ivresse

Doit être l'ami de Rousseau.

Disposons donc, ajouta ce grand-homme, les jeunes cœurs à la volupté. Je n'imagine rien de

(*) C'est sans doute une philosophie bien sublime que celle qui dit aux hommes : « la vertu consiste à vous arrêter à tel degré de » corruption : ne descendez pas plus bas, ou vous cessé d'être » vertueux. » Cette philosophie est celle de Rousseau et des philosophes appelés déistes. Quoique assez commode elle n'a pas prévalu, on a quelque chose de mieux.

plus propre pour y réussir, que les principes d'é ducation que je me propose de publier. « Figurez» vous d'un côté un élève de ma façon, et de >> l'autre un polisson de collége lisant le quatrième >> livre de l'Énéide, ou Tibulle, ou le banquet >> de Platon; quelle différence! combien le cœur » de l'un est remué de ce qui n'affecte pas même >> l'autre ! O bon jeune homme ! arrête, suspends » ta lecture, je te vois trop ému je veux bien » que le langage de l'amour te plaise, mais non >> pas qu'il t'égare. Sois homme sensible; mais >> sois homme sage.» (Én., t. 3.) (*)

Le bon Jean-Jacques s'arrêta quelques momens pour calmer son émotion, et il continua en ces

termes':

<< Jeune homme, recevez dans votre ame, » encore flexible, le cachet de la vérité.» (Prof. de foi.) Écoutez votre ami, votre maître. Apprenez de lui ce que vous permet, ce que vous prescrit la nature. Si quelqu'un vous insulte, ne vous battez pas en duel contre lui, vous feriez une

(*) S'étonnera-t-on maintenant que Rousseau appelle les colleges de risibles établissemens? On n'y apprenoit point aux jeunes gens sentir les beautés de Tibulle, ni à prendre goût au langage de l'amour. L'objet de cette éducation gothique étoit d'en faire, non des hommes sensibles, mais des hommes sages. On avoit la sottise de penser que s'ils étoient sages, ils seroient toujours assez sensibles, ou du moins qu'ils le seroient comme doivent l'être des hommes vertueux : ce qui paroissoit suffisant avant que nous fussions éclairés des lumières de la philosophie.

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