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CHAPITRE VII.

Du théisme et du christianisme de Rousseau. -Enthousiasme qu'il produit.

CEPENDANT Rousseau étoit déjà loin du lieu de l'assemblée. Alors se tournant vers ses partisans ; «< fuyez, leur dit-il, ceux qui sous prétexte d'ex»pliquer la nature, sèment dans les cœurs des >> hommes de désolantes doctrines, et dont le >> scepticisme apparent est cent fais plus affirmatif > et plus dogmatique que le ton décidé de leurs > adversaires. Sous le hautain prétexte qu'eux > seuls sont éclairés, vrais, de bonne foi, ils > nous soumettent impérieusement à leurs déci» sions tranchantes, et prétendent nous donner, » pour les vrais principes des choses, les inintelli

gibles systèmes qu'ils ont bâtis dans leur ima> gination. Du reste, renversant, détruisant, >> foulant aux pieds tout ce que les hommes res» pectent, ils ôtent aux affligés la dernière conso» tion de leur misère, aux puissans et aux riches, » le seul frein dé leurs passions; ils arrachent du » fond des cœurs le remords du crime, l'espoir » de la vertu, et se vantent encore d'être les >> bienfaiteurs du genre humain. Jamais, disent» ils, la vérité n'est nuisible aux hommes : je le » crois comme eux; et c'est, à mon avis, unę

> grande preuve que ce qu'ils enseignent n'est pas » la vérité.» (Prof. de foi.)

Cette preuve en effet est sans réplique; mais ce que Rousseau n'a eu garde de dire, c'est qu'appliquée à ses propres écrits, elle est aussi concluante que contre ceux des philosophes ses ennemis ou ses confrères. Ces écrits ont du bon sans doute : les derniers traits que j'ai cités en font foi. Il n'étoit pas même impossible qu'ils eussent constamment ce mérite. Que falloit-il pour cela? Que leur auteur moins possédé de la manie de se singulariser, s'efforçât de se renfermer dans le vrai. Il seroit grand aux yeux de la postérité : mais il auroit fait moins de bruit dans son temps.

<< Osez, continua-t-il, confesser Dieu chez les >> philosophes ; vous serez seul de votre parti > peut-être ; » (Ibid.) mais qu'importe? Ne suis-je pas seul et cependant je compte publier ma profession de foi, dans laquelle «<je combattrai » le moderne matérialisme, et j'établirai l'exis»tence de Dieu et la religion naturelle avec » toute la force dont je serai capable.» (lett. à M. de Beaumont.) Quelle sera simple, mes amis, quelle sera grande et imposante cette profession de foi ! Écoutez-là, pour votre instruction.

Ensuite, Rousseau se mettant à discourir sur l'existence de Dieu, sur l'immatérialité et l'immortalité de l'ame, sur la liberté, sur la loi naturelle, répéta avec une éloquence qu'il poussa

quelquefois jusqu'à l'emphase, quelques preuves de ces vérités qu'on trouve dans tous les livres, et dans tous les cahiers de philosophie. Voilà, poursuivit-il, tout triomphant, ce que j'ai enfin découvert à force de recherches et de méditations profondes. Devenu ainsi, exclusivement le défenseur de la cause de Dieu, je révélerai aux hommes plusieurs vérités d'une très-haute importance, auxquelles sa gloire est intéressée. Bon père de famille, dirai-je, je vous recommande de ne pas faire connoître Dieu à vos enfans avant qu'ils aient atteint l'âge de quinze ou dix-sept ans. << S'ils l'apprennent plutôt, ils risquent de >> ne le savoir jamais. » (Ém., t. 2. Did. Pens. phil.) Pour moi, ce n'est qu'après bien des années de méditation que j'ai pris le parti d'admettre irrévocablement cette vérité. Oh combien il m'en a coûté pour m'élever jusque-là !

Quoique j'aie souvent éprouvé de plus grands » maux, je n'ai jamais mené une vie aussi cons>> tamment désagréable que dans ces temps de >> troubles et d'anxiétés, où sans cesse errant de » doute en doute, je ne rapportois de mes longues » méditations qu'incertitude, obscurité, contra>> diction sur la cause de mon être et sur la règle » de mes devoirs. » (Prof. de foi.) Conversez » toujours avec Dieu, attendrissez-vous à ses >> bienfaits bénissez-le de ses dons; mais ne le » priez pas. Que lui demanderiez-vous ? sur-tout

:

>> point de génuflexion. Hé ! mon ami, reste de >> toute ta hauteur, tu seras toujours assez près » de terre.» (Ibid.)

Quant à ses attributs, gardez-vous de les trop multiplier et de les étendre à l'infini. «S'il a créé >> la matière, les corps, les esprits, le monde, je » n'en sais rien. Y a-t-il un principe unique des » choses? y en a-t-il deux ou plusieurs, et quelle » est leur nature? je n'en sais rien encore; et que » m'importe ?... Dieu est éternel sans doute; mais » mon esprit peut-il embrasser l'idée de l'éternité? >> Pourquoi me payer de mots sans idées ? Ce que >> je conçois, c'est qu'il est avant les choses, qu'il >> sera tant qu'elles subsisteront, et qu'il seroit » même au-delà, si tout devoit finir un jour. » N'allons pas plus loin. Dieu est juste: de là, je conclus qu'il existe des peines et des récompenses futures. « Mais ne me demandez pas >> si les tourmens des méchans seront éternels : » je l'ignore et n'ai point la vaine curiosité d'é>> claircir des questions inutiles. Que m'importe » ce que deviendront les méchans? Je prends » peu d'intérêt à leur sort. Toutefois j'ai peine à » croire qu'ils soient condamnés à des tourmens » sans fin. Si la suprême justice se venge, elle se >> venge dès cette vie. (*) Vous et vos erreurs,

(*) Sans doute une expérience journalière, vient à l'appui de cette assertion de Rousseau. Remarquez que celui qui tient ce langage est le même qui vient de reprocher justement aux athées, d'ôter aux puissances et aux riches le seul frein de leurs passions

» ô nations, êtes ses ministres. Qu'est-il besoin. » d'aller chercher l'enfer dans l'autre vie? Il est » dès celle-ci dans le cœur du méchant. Hélas ! >> combien de fois j'ai été tenté de lui ressembler, » qu'il soit donc heureux ainsi que moi. N'est-il » pas mon frère ?!(Prof. de foi.) Les ames aimantes » et douces, ajouta-t-il avec l'accent de la sensi»bilité, ne croient guère à l'enfer; et l'un des » étonnemens dont je ne reviens pas est de voir » le bon Fénélon, en parler dans son Télémaque » comme s'il y croyoit tout de bon. Mais j'espère » qu'il mentoit alors; car enfin, quelque véri>> dique qu'on soit, il faut bien mentir quelquefois » quand on est évêque.» (Confes.) Je fais cette observation pour sa gloire: car nul homme ne l'admire plus que moi. «S'il vivoit encore, je » chercherois à être son laquais pour mériter » d'être son valet de chambre. » (Étude de la nat., t. 3, n. 607.)

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« Le défenseur de la cause de Dieu, le bon » Jean-Jacques avoit parlé avec véhémence, il » étoit ému.» (Prof. de foi.) On le voit par suite qui règne dans ses discours. Il reconnoît des peines futures, et en examinant si ces peines sont éternelles, ils nie nettement qu'elles existent. Le sort des méchans lui est indifférent, bientôt après ce méchant est son frère et un frère tendrement aimé. Il voit en Fénélon un menteur et un hypocrite, qui enseigne non-seulement dans

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