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» une force et une confusion, qui me jetèrent dans » un désordre inexprimable ; je sentis ma tête prise >> par un étourdissement semblable à l'ivresse: une >> violente palpitation m'oppressa, souleva ma poi>trine; ne pouvant plus respirer en marchant, » je me laissai tomber sous un arbre de l'avenue, » et j'y passai une demi-heure dans une telle agi»tation, qu'en me relevant j'aperçus tout le » devant de ma veste mouillé de mes larmes, sans » avoir senti que j'en répandois. Ce fut l'effet que >> produisit sur moi la lecture d'une question pro» posé par l'académie de Dijon : Le rétablisse» ment des sciences et des arts, a-t-il contribué » à épurer ou à corrompre les mœurs ? » (Lett. à M. de Malesherbes.)

Plusieurs philosophes admirèrent. Diderot se cachoit pour rire. Qu'avez-vous donc ? lui dit un de ses voisins. Qui ne riroit, lui répondit tout bas Diderot, de l'éloquente description que Rousseau vient de faire de son extase? Elle eût lieu en effet dans le bois de Vincennes; mais voici de quelle manière : Un jour que Rousseau s'y promenoit avec moi, il me fit part de l'intention où il étoit de traiter la question de l'académie de Dijon. Quel parti prendrez-vous? lui demandai-je. -Le parti de l'affirmative, me répondit-il.—C'est le pont aux ânes, prenez le parti contraire, et vous verrez quel bruit vous ferez. Vous avez raison, dit-il, après y avoir réfléchi un

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moment, je suivrai votre conseil. (Mém. de Marm., l. 7., t. 2, p. 240. Cours de litt. de La Harp., t. 16, p. 256, et Dict. hist., art. Rouss.)

Rousseau avoit cessé de parler; l'illustre Robinet vint à son tour, et dit : Vous venez d'entendre quelques pages du livre de la nature; en voici d'autres qui ne sont pas moins curieuses.

Descartes disoit; donnez-moi de la matière et du mouvement, et je ferai un monde : La nature qui est une ouvrière bien plus habile, n'en a pas tant demandé. Il ne lui a fallu qu'un point; heureusement elle l'a eu ce point, je ne sais comment; mais enfin elle l'a eu. Vous allez voir comment elle l'a mis en œuvre.

Ce point en a pondu un autre, ceux-ci un troisième et ainsi de suite: par ces pontes multipliées et qui continueront éternellement, nous avons obtenu le soleil, les étoiles, les planètes, et tous les corps qui existent. C'est ainsi, qu'au commencement du dix-septième siècle ont paru subitement sur notre horison étonné, les satellites de Jupiter et ensuite ceux de Saturne. Ces planètes longtemps stériles venoient enfin de les pondre péniblement; le fait est incontestable, puisque ce fut alors pour la première fois, qu'à l'aide d'une lunette, on commença à les apercevoir : voilà déjà l'univers produit, et comme vous le voyez à bien peu de frais.

Maintenant, tournez le feuillet du grand livre;

vous y verrez le mystère de l'homme aussi heureusement expliqué : son entendement est produit par des fibres ovales, sa mémoire par des fibres ondulées ou spirales, sa volonté par des fibres guillochées, ses sensations par des faisceaux de sensibilité, et son érudition par des protubérances d'entendement. (De la nat., t. 1, t. 4, c. 11.) Et c'est d'un point primitif que tout cela est sorti ! yous en conviendrez ; il n'est pas possible d'être plus fécond. J'ai dit.

Ensuite, parut un disciple de Telliamed ; j'ai appris de mon maître, dit-il, que le soleil et la terre alternativement obscurs, lumineux, sont comme deux pelotons de lumière qui se dévident successivement, et dont l'un se grossit tandis que l'autre diminue. Quant aux hommes, il est constant qu'originairement ils ont été des poissons. Le sublime livre de la nature, nous répète à chaque page cette grande vérité. Combien d'animaux on a surpris et on surprend encore tous les jours, dans leur passage de l'état de poisson à celui d'homme D'ailleurs, nous portons sur nousmêmes la preuve de cette merveilleuse transformation: regardons notre peau à travers un microscope, nous la verrons écaillée; c'est le cachet indélébile de la nature, qui n'a pas voulu que dans aucun temps nous pussions méconnoître notre première origine.

Voltaire étouffoit de rire, en entendant débiter

toutes ces rêveries: «malgré les imaginations de >> Maillet, dit-il à ses voisins, il y a peu de gens > aujourd'hui qui croient descendre d'un turbot ♦ ou d'une morue, malgré l'extrême passion » qu'on a depuis peu pour les généalogies. Pour » étayer ce systême, il faut absolument que toutes » les espèces et tous les élémens se changent les » uns et les autres ; les métamorphoses d'Ovide, » deviennent le meilleur livre de physique qu'on ait jamais écrit.» (Quest. sur l'Enc., art. coquilles.)

Mais c'étoit là des concepts, bien intéressants pour Diderot : il étoit tout occupé de leur dépouil lement et du grand acte de la généralisation ; il s'agitoit avec violence pour faire évanouir les spectres corporels, qui empêchoient ces notions d'entrer dans son entendement. Enfin, elles y entrèrent. Jeune homme ! cria-t-il alors d'une voix de tonnerre, ces grandes vérités t'accablent sois comme moi l'interprète de la nature; elles t'éclaireront. Tu verras que, << il n'y a » jamais eu qu'un animal prototype de tous les > animaux dont la nature n'a fait qu'allonger > raccourcir, transformer, multiplier, oblitérer > certains organes. Qu'on imagine en effet les » doigts de la main réunis, et la matière des. > ongles si abondante, que, venant à s'étendre et » à se gonfler, elle enveloppe et couvre le tout,

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au lieu de la main d'un homme, on aura le pied

» d'un cheval.» (Int. de la nature, p. 33.) Maine tenant, t'étonneras-tu d'avoir été poisson avant que d'être homme ? Tu aurois pu aussi bien être fourmi ou éléphant. Quelles transformations les élémens de l'animalité, ne peuvent-ils pas éprouver dans le cours de plusieurs millions d'années? (Ibid., p. 191 et suiv.) Au reste, je soumets ces savantes interprétations aux lumières de notre illustre chef.

Aussitôt, tous les yeux se tournèrent sur Voltaire; on sembloit le prier de décider par son au torité la grande question de l'identité de l'homme et de la bête, qui, pour la première fois, venoit de se présenter à l'esprit humain. J'ai réfléchi longtemps sur cet objet, dit le grand homme, et la force de mon génie m'a fait enfin découvrir que, << selon toutes les apparences, Archimède et une > taupe sont de la même espèce, quoique d'un » genre bien différent; de même qu'un chêne et un » grain de moutarde, sont formés. par les mêmes

principes, quoique l'un soit un grand arbre, » et l'autre une petite plante. » (26°. Lett. phil.) Il y a ici plus que de l'apparence, dit Helvétius; << n'est-il pas vrai que si la nature au lieu de doigts >> flexibles, eût terminé nos poignets par un pied » de cheval, les hommes seroient encore errants » dans les forêts, comme des troupeaux fugitifs? >> Entre l'homme et l'animal, il n'y a donc qu'une > différence accidentelle, celle qui vient de l'or

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