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avec le temps; la coutume fait toute l'équité, par cela seul qu'elle est reçue; c'est le fondement mystique de son autorité. Qui la ramène à son principe, l'anéantit; rien n'est si fautif que ces lois qui redressent les fautes: qui leur obéit, parce qu'elles sont justes, obéit à la justice qu'il imagine, mais non pas à l'essence de la loi : elle est toute ramassée en soi; elle est loi, et rien davantage. Qui voudra en examiner le motif le trouvera si foible et si léger, que, s'il n'est accoutumé à contempler les prodiges de l'imagination humaine, il admirera qu'un siècle lui ait tant acquis de pompe et de révérence. L'art de bouleverser les états, est d'ébranler les coutumes établies, en sondant jusque dans leur source pour y remarquer leur défaut d'autorité et de justice. Il faut, dit-on, recourir aux lois fondamentales et primitives de l'état, qu'une coutume injuste a abolies, et c'est un jeu sûr pour tout perdre rien ne sera juste à cette balance. Cependant le peuple prête aisément l'oreille à ces discours : il secoue le joug dès qu'il le reconnoît; et les grands en profitent à sa ruine, et à celle de ces curieux examinateurs des coutumes reçues. C'est pourquoi le plus sage des législateurs disoit, que pour le bien des hommes, il faut souvent les piper; et un autre, bon politique: Cùm veritatem quả liberetur ignoret, expedit quod fallatur. Il ne faut pas qu'il sente la vérité de l'usurpation : elle

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a été introduite autrefois sans raison; il faut la faire regarder comme authentique, éternelle, et en cacher le commencement, si on ne veut qu'elle prenne bientôt fin.

NOTE. I Se peut-il rien de plus plaisant, etc. Plaisant n'est pas le mot propre ; il falloit démence exécrable. (Voltaire.)

OBSERVATION. 1. Il ne s'agit pas ici de ce qu'une telle institution peut avoir d'exécrable et d'atroce, mais de ce qu'elle a de révoltant pour la raison, lorsqu'on la considère en elle-même et dépouillée de toutes les circonstances. C'est ce que Pascal explique plus amplement, art. IX, no. III. «Pourquoi me tuez-vous?—Et quoi, ne » demeurez-vous pas de l'autre côté de l'eau ? Mon ami, » si vous demeuriez de ce côté, je serois un assassin, >> cela seroit injuste de vous tuer de la sorte; mais puis» que vous demeurez de l'autre côté, je suis un brave, » et cela est juste. » Ainsi n'en déplaise à Voltaire, plaisant est bien le mot propre. Pascal est toujours dans son sujet; Voltaire affecte continuellement d'en sortir pour avoir le plaisir de le critiquer. C'est ce qu'on verra par les observations sur la note suivante.

NɔTE. 2 On ne manquera pas d'accuser l'éditeur qui a rassemblé ces pensées éparses, d'être un athée, ennemi de toute morale; mais je prie les auteurs de cette objection, de considérer que ces Pensées sont de Pascal, et non pas de moi; qu'il les a écrites en toutes lettres; que si elles sont d'un athée, c'est Pascal qui étoit athée, et non pas moi ; qu'enfin, puisque Pascal est mort, ce seroit peine perdue que de le calomnier.

Il est beau de voir dans cet article M. de Voltaire prendre contre Pascal la défense de l'existence de Dieu; mais que diront ceux à qui il en coûte tant pour convenir qu'un vivant puisse avoir raison contre un mort? (Condorcet.)

OBSERVATION. Quelle perfidie dans cet éditeur ! Le reproche d'athéisme n'est pas ce qu'il craignoit, personne né l'a plus désiré que lui: on sait qu'il se faisoit gloire de hair Dieu. Mais il falloit décrier Pascal; et pour cela il tâche d'insinuer malignement que ce grand-homme étoit un athée, ou plutôt un hypocrite ou un sot. Si Condorcet avoit eu quelque bonne foi, il se seroit épargné cette infâme note qui après tout ne déshonore que lui. La plupart des pensées contenues dans ce paragraphe, sont dè Montaigne qui s'en sert pour établir le systême de scep ticisme universel qu'il avoit embrassé. Pascal qui trouvoit dans cet auteur un talent rare pour humilier la raison humaine, comme il le déclare dans son discours sur Epictète et Montaigne, a adopté ces pensées ainsi que plusieurs autres, mais, semblable à ces plantes qui absor bent un air corrompu et infect pour rendre ensuite un air pur et vivifiant, il a changé le poison de Montaigne en un aliment salutaire. Condorcet ne pouvoit pas l'igno rer il savoit très-bien que, quelqué mauvaise que soit dans Montaigne cette tirade où il ne voit que le langage d'un athée et d'un ennemi de toute morale, elle a dans Pascal un sens très-beau et très-vrai. On découvre ce sens trés-facilement il suffit pour cela de compléter le raisonnement de Pascal à l'aide de ses principes connus. Nous allons nous en occuper.

Le larcin, l'inceste, le meurtre des enfans et des pères, etc. Le larcin, lorsqu'il étoit fait avec adresse, étoit en honneur chez les Lacédémoniens; les mariages incestueux des frères avec les sœurs sont un devoir religieux chez les Guèbres; les Massagètes tuoient leurs pères lorsqu'ils étoient accablés de vieillesse, et en cela ils croyoient faire un acte de piété filiale; dans les anciennes républiques on a comblé de louanges certains meurtres dés enfans et des pères : tout a eu sa place entre les

actions vertueuses. Où trouverons-nous donc une règle invariable et universellement reconnue pour discerner le bien et le mal, le juste et l'injuste, d'une manière certaine et inébranlable? Il y a sans doute des lois naturelles ces lois, nous les trouvons gravées dans nos cœurs par la main de Dieu même : rien n'est plus facile à démontrer, mais cette belle raison corrompue a tout corrompu. Si elle n'a pas éteint les principes, elle nous a égarés, et elle nous égare encore tous les jours sur les conséquences et sur les applications. Ce n'est donc pas notre raison dans l'état où elle est qui peut nous donner cette règle; elle a besoin elle-même d'être épurée, rectifiée, et affermie dans sa marche. Encore un pas ; et voilà la nécessité d'une révélation démontrée. Ce n'est pas tout notre raison est corrompue; on vient d'en voir la preuve. Mais pourquoi l'est-elle certainement cette corruption n'est pas dans la nature primitive de l'homme: il faut donc reconnoître un péché originel.

Se peut-il rien de plus plaisant qu'un homme, etc. Pour éclaircir cette pensée, joignez-y celle déjà rapportée de l'art. IX, no. III. « Pourquoi me tuez-vous ?

- «

-Eh quoi! ne demeurez-vous pas de l'autre côté de > l'eau ? Mon ami si vous demeuriez de ce côté, je serois » un assassin, cela seroit injuste de vous tuer de la sorte; » mais puisque vous demeurez de l'autre côté, je suis » un brave, et cela est juste. » Vous trouverez dans cette pensée un principe de justice d'après lequel le monde se gouverne, et que personne ne pense à révoquer en doute; qu'on l'examine néanmoins sans prévention: se peut-il rien de plus plaisant? Içi la raison humaine est à bout: niera-t-elle la vérité de ce principe? Que devient ce qu'on appelle le droit de la guerre et la sûreté des nations? Accordera-t-elle que ce même principe est incontestable? Il faudra le prouver, et c'est ce qu'elle est

dans l'impuissance de faire. Car enfin, comment la différence de territoire et de domination peut-elle faire changer de nature à l'action d'un homme qui en tue un autre? C'est, dira-t-on, que le genre humain est partagé en différens corps de nations de nations, dont chacun a son chef qui exerce par lui-même ou par ses délégués, le droit de vie et de mort sur ses sujets et même sur ses voisins en cas de guerre. C'est très-bien: mais qui a établi cet ordre de choses? Qui l'a rendu légitime? qui a donné aux princes ce droit de vie et de mort dont ils se prétendent revêtus ? C'est Dieu, dira-t-on : je conviens qu'en effet l'intervention de la divinité est ici nécessaire, sans quoi tout est radicalement injuste, et il n'existe plus d'autre droit que celui du plus fort. Mais il s'agit de savoir si cette intervention a eu lieu je consulte ma raison; elle me laisse sans réponse: il me faut donc d'autres lumières que celles qu'elle peut me donner. Et d'où tireraije ces lumières ? de la révélation: elle seule peut éclaircir toutes mes difficultés, et me montrer dans une volonté positive de Dieu, les bases solides et légitimes sur lesquelles les sociétés sont fondées, et l'origine du droit qui les régit. Elle seule peut me dire : « c'est par Dieu » que les rois règnent, que les grands commandent, que » les princes ordonnent ce qui est juste; (Prov, c. 8.) » il n'y a point de puissance qui ne vienne de Dieu, et » c'est lui qui a établi toutes celles qui sont sur la terre : » celui donc qui s'oppose aux puissances, s'oppose à » l'ordre de Dieu. » ( Ep. aux Rom. c. 15.) Si on sort de là, on tombe dans un cahos inextricable d'idées. La raison éclairée par ces salutaires maximes, ne tarde pas d'en sentir toute la vérité et toute la justice; mais livrée à elle-même, elle n'auroit eu ni assez de lumières pour les découvrir, ni assez de force pour s'y fixer, ni assez d'autorité pour les persuader aux hommes.

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