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qui s'est passé dans l'assemblée de ses illustres fondateurs.

La cinquième séance venoit de s'ouvrir : déjà même les esprits s'étoient fortement échauffés, lorsqu'un de nos sages entre avec précipitation et en riant aux éclats. Tous les yeux se fixent sur lui ; il se hâte de se placer sur son siége, et il demande qu'on fasse silence. Ensuite, «<il raconte >> en pouffant de rire, que son coiffeur lui avoit > dit tout en le poudrant. Voyez-vous, Monsieur, » quoique je ne sois qu'un misérable carabin, je » n'ai pas plus de religion qu'un autre ; à ces mots, » toute l'assemblée se lève, la salle retentit » d'acclamations et de cris de joie. La révolution » que nous méditons ne tardera pas à se con> sommer, s'écrie-t-on de toutes parts, il faut absolument que la superstition et le fanatisme » fassent place à la philosophie.» ( Euv. chois. de La Harpe,.t. 1.)

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A bas les prêtres ! disoient les uns. - A bas les rois crioient les autres. A bas toutes les religions!— A bas la Bible !

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Cette Bible, plus que tout le reste, les jetoient dans une fureur dont ils n'étoient pas les maîtres. << Toujours des livres, s'écria Rousseau avec hu» meur, quelle manie! je les ai tous refermés. » Il en est un seul ouvert à tous les yeux : c'est » celui de la nature; c'est dans ce grand et su>> blime livre que j'apprends à servir et à adorer

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» son divin auteur, Nul n'est excusable de n'y pas lire, parce qu'il parle à tous les hommes >> un langage intelligible à tous les esprits, » (Prof, de foi.)

Rousseau dit vrai, crièrent tous les philosophes; la nature Į voilà notre seul livre, nous n'en voulons pas d'autres j'y ai lu, dirent-ils tous à la fois, l'histoire inconnue jusqu'à nous du premier état de l'homme, que nous appelons le pur état de nature. J'y ai vu le système de la nature.-La nature. Le code de la nature. La philo sophie de la nature. — L'interprétation de la na ture, etc. (*) -Peuples que nous venons éclairer, écoutez donc ce qu'une lecture approfondie de ce grand livre nous a enfin découvert !

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« O homme dit Rousseau, en donnant à sa voix un ton qui commandoit le respect et la soumission, de quelque contrée que tu sois » quelles que soient tes opinions, écoute; voici > ten histoire telle que j'ai cru la lire, non dans » les livres de tes semblables qui sont menteurs, » mais dans la nature qui ne ment jamais, Les > temps dont je vais parler sont bien éloignés. >> Combien tu as changé de ce que tu étois ! Jeté » d'abord parmi les animaux dans d'immenses

forêts, tu as observé et imité leur industrie ; il » t'a été donné de t'élever ainsi jusqu'à l'instinct

(*) Ce sont les titres de plusieurs livres de nos philosophes,

» des bêtes. Bientôt tu as surpassé tes maîtres >> en te nourrissant habilement de la plupart des >> alimens que les bêtes se partagent entre elles. >> Ensuite, perfectionnant de plus en plus tes fa» cultés intellectuelles, tu es devenu un animal » sociable, intelligent, raisonnable, savant et en > même temps méchant et corrompu. Aussi pour» quoi t'es tu mis à penser ? je l'ai dit ; l'homme > qui réfléchit est un animal dépravé : quelquefois > tu tombes dans l'imbécillité. De tous les animaux,

tu es le seul sujet à cet accident. N'est-ce point » que tu retournes ainsi dans ton état primitif, état digne de l'auteur qui t'a donné l'être ? » (Disc. sur l'inég.)

On écoutoit Rousseau avec attention, et on alloit l'applaudir ; mais malheureusement pour lui, il eût l'inadvertance de parler de Dieu et de la religion. Aussitôt, plusieurs de ses auditeurs témoignèrent leurs mécontentemens par une grimace d'humeur; d'autres firent entendre des murmures: à force de philosophie, ils étoient venus à bout de reconnoître que c'étoit par une erreur grossière que Descartes, Newton et tous les philosophes anciens et modernes avoient lu le nom de Dieu dans le livre de la nature. Selon eux, ce nom ne s'y trouve pas. Telle est l'opinion d'un homme fameux qui, après avoir observé soixante ans la marche régulière des astres, n'a cessé de se glorifier jusqu'à sa mort, de ne re

connoître aucun ordonnateur de cette marche et qui a prétendu que la scélératesse ou l'imbécillité peuvent seule nous y montrer autre chose qu'un pur hasard, ou une fatale nécessité. Telle est aussi l'opinion de l'auteur des Ruines, qui a corrigé si heureusement la philosophie de Rousseau, sur l'origine et sur la nature de l'homme; ce grand philosophe ne parle que d'une puissance secrète qui anime l'univers.

Quand cette puissance, dit-il, forma le globe » que l'homme habite; elle imprima aux êtres qui » le composent des propriétés essentielles qui » devinrent la règle de leurs mouvemens indivi> duels, (cela est clair du moins.) Voulant » exposer l'homme au choc de tant d'êtres divers » et cependant préserver sa vie fragile, elle lui » donna la faculté de sentir.» (Ruin., t. 5.) Il est bien évident en effet, qu'être organisé de manière à recevoir et à sentir un coup de griffe que me donne le lion, c'est avoir le moyen de m'en défendre; grâces soient rendues à la puissance secrète de l'arme puissante dont elle m'a muni contre le danger.

<< Long-temps automate, continue le sublime >> philosophe, l'homme subit l'action des êtres de » la nature sans en rechercher la cause; dans » l'état brut où il étoit, il falloit que des essais » répétés et lents lui apprissent l'usage de ses or» ganes ; il étoit sans idée de la morale, de la

divinité, des lois, etc. Nous ignorons l'époque » où il s'avisa de faire quelques réflexions sur le

soleil qui l'éclairoit, sur le feu qui brûloit: ce » qu'il y a de certain, c'est qu'il ne commença à » y penser qu'après avoir parcouru une longue carrière dans la nuit de l'histoire. Alors voulant se rendre compte de l'action puissante et irré>sistible que tous les êtres exerçoient sur lui, il » tomba dans l'étonnement; et, passant de la sur » prise d'une première pensée, à la rêverie de la curiosité, il forma une série de raisonnements.» (Ibid. c. 22.)

C'est, comme on voit, une riche mine pour la philosophie que ce pur état de nature qu'elle a imaginé: nos sages l'exploitèrent vigoureusement. Quelles richesses immenses et extraordinaires ils en firent sortir! Nos lecteurs, dirent-ils, ne dou teront pas que nous n'ayons enfin éclairci le mystère de l'homme et expliqué à fond l'origine, les, développemens, l'usage et l'abus de ses facultés. Je l'ai dit, et je le répète, ajouta Rousseau ; ils apprendront sur-tout, comment l'homme étant essentiellement bête et bon, les hommes sont devenus spirituels et méchans! O! l'heureuse extase, poursuivit-il en élevant les yeux au ciel, que celle que j'ai eue dans le bois de Vincennes où ces grandes vérités m'ont été révélées : « je me sentis >> tout-à-coup l'esprit ébloui de mille lumières; des

foules d'idées vives s'y présentèrent à la fois avec

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