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lettres, et n'aurait répandu aucune lumière! C'est une étrange assertion. L'écrit où elle était développée n'a pas vu le jour; mais il n'y a rien de perdu on vient d'imprimer une brochure anonyme qui contient des révélations bien plus merveilleuses. Comme ce nouveau docteur va infiniment plus loin que tous les déclamateurs qui l'avaient précédé, je ne compte venir à lui qu'à la fin de cet article, parce qu'il faut toujours finir par ce qu'il y a de plus curieux.

Il est à propos d'abord d'écarter un des sophismes les plus spécieux et les plus trompeurs dont se servent les ennemis de Despréaux. Ils rangent hardiment à leur parti des écrivains renommés, qui, en admirant notre poëte, lui ont pourtant refusé quelques avantages que d'autres croient devoir reconnaître. C'est pour leur enlever ces appuis illusoires, et confondre leur mauvaise foi, que je me permettrai de discuter l'opinion d'un de nos plus célèbres académiciens, dont je fais profession d'aimer et d'honorer la personne et les talents. L'auteur des Éléments de littérature, ouvrage qui doit être mis au rang de nos bons livres classiques, et qui contient la théorie la plus lumineuse et la plus savamment approfondie de tous les arts de l'imagination, M. Marmontel, a trop d'esprit et de lumières pour ne pas reconnaître le mérite de Despréaux; aussi lui rend-il un hommage aussi authentique que légitime. Il voit en lui un critique judicieux

et solide, le vengeur et le conservateur du goût, qui fit la guerre aux mauvais écrivains, et déshonora leurs exemples; fit sentir aux jeunes gens les bienséances de tous les styles; donna de chacun des genres une idée nette et précise; connut ces vérités premières, qui sont des règles éternelles, et les grava dans les esprits avec des traits ineffaçables. Ce sont ses termes; c'est le témoignage qu'il rend à l'auteur de l'Art poétique; et je n'aurai qu'à étendre et développer ce texte pour rendre compte de cette influence qu'on veut contester. Il y a loin de ce langage au mépris qu'ont affecté ceux qui ont dit ce plat Boileau, le nommé Boileau, le froid versificateur Boileau; ceux qui lui ont reproché, ainsi qu'à Racine d'avoir perdu la poésie française. J'ai pris la liberté, il y a déja long-temps, d'en rire avec le public, et cela ne mérite pas d'autre réponse. Mais il peut être intéressant d'examiner les reproches et les restrictions qu'un écrivain tel que M. Marmontel mêle à ses éloges. Je ne prétends point le juger: ce sont des objections que je lui propose. Dans cette discussion, d'ailleurs, se trouveront naturellement placées les preuves que je crois faites pour constater tout le bien que Boileau a fait aux lettres, tout l'honneur qu'il a fait à la France; et c'est en ce moment le principal objet dont je dois m'occuper.

<< Boileau n'apprit pas aux poëtes de son temps « à bien faire des vers; car les belles scènes de

« Cinna et des Horaces, ces grands modèles de << la versification française, étaient écrites lorsque << Boileau ne faisait encore que d'assez mauvaises << satires. » Élém. de littérat.

Quoiqu'il y ait de très-beaux vers, des vers sublimes dans Cinna, dans le Cid, dans les Horaces; quoique ces belles scènes aient été les premiers modèles du style tragique, ceux où Corneille enseigna le premier, comme je l'ai dit ailleurs, quel ton noble, élevé, soutenu, devait distinguer le langage de Melpomène, je ne crois pas que ce fussent encore les grands modèles de la versification française. Il aurait fallu pour cela que ces belles scènes fussent écrites avec une élégance continue; que la propriété des termes, l'exactitude des constructions, la précision, l'harmonie, toutes les convenances du style, y fussent habituellement observées; et il s'en faut de beaucoup qu'elles le soient. Le premier ouvrage de poésie où le mécanisme de notre versification ait été parfaitement connu, où la diction ait toujours été élégante et pure, où l'oreille et la langue aient été constamment respectées, ce sont les sept premières satires de Boileau, qui parurent avec le discours adressé au roi, en 1666, un an avant Andromaque. M. Marmontel trouve ces satires assez mauvaises: on peut trouver ce jugement bien rigoureux. Ces satires doivent être considérées sous différents rapports. S'il s'agit de l'intérêt du sujet, la difficulté de la rime, les embar

ras de Paris, un mauvais repas, les Sermons de Cassaigne et de Cotin, et la Pucelle de Chapelain, peuvent n'être pas des objets fort, attachants pour la postérité, et c'est en ce sens que Voltaire a dit qu'elle n'y arréterait point ses regards. Mais il s'agit ici de versification et de style, et sous ce point de vue notre langue n'avait encore rien produit d'aussi parfait. Que m'importe, a dit Voltaire en comparant les sujets des satires de Boileau à ceux qu'a traités Pope, que m'importe

Qu'il peigne de Paris les tristes embarras,

Ou décrive en beaux vers un fort mauvais repas? Il faut d'autres objets à notre intelligence.

Ce jugement, comme l'on voit, ne porte que sur la comparaison des matières plus ou moins importantes. Mais il est ici question de vers, de goût, de style, et Voltaire avoue que ses vers sont beaux, et c'était un très-grand mérite dans un temps où il fallait épurer et former la langue poétique. Aussi ces satires, qui aujourd'hui nous intéressent moins que les autres écrits du même auteur, eurent un succès prodigieux et ce n'était pas seulement parce que c'étaient des satires; c'est que personne n'avait encore écrit si bien en vers. Les pièces de Molière, si remplies de vers heureux, ne pouvaient pas être des modèles du style soutenu: d'abord, parce que le genre comique admet le familier; et de plus, parce qu'elles fourmillent de fautes de langage et de versifica

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tion. On convient que celles de Corneille, dans un autre genre, méritent le même reproche. C'était donc la première fois que nous avions un ouvrage en vers écrit avec toute la perfection dont il était susceptible. Boileau nous apprit donc le premier à chercher toujours le mot propre, à lui donner sa place dans le vers; à faire valoir les mots par leur arrangement; à relever et ennoblir les plus petits détails; à se défendre toute construction irrégulière, toute locution basse toute consonnance vicieuse; à éviter les tournures louches, ou prosaïques, ou recherchées, les expressions parasites et les chevilles; à cadencer la période poétique, à la suspendre, à la varier; à tirer parti des césures; à imiter avec les sons; à n'user des figures qu'avec choix et sobriété : et qu'est-ce que tout cela, si ce n'est apprendre aux poëtes à bien faire des vers? On peut apprendre cet art même à ceux qui font des ouvrages de génie. Corneille et Molière en avaient fait, car le génie devance toujours le goût. Mais Boileau, qui n'aurait fait ni le Cid ni le Misanthrope, fut précisément l'homme qu'il fallait pour donner à notre langue ce qui lui manquait encore, un systême parfait de versification. Il s'occupait particulièrement à étudier la nôtre; il avait un tact juste, une oreille délicate, un discernement sûr. Il travailla toute sa vie sur le vers français; il en perfectionna le mécanisme, en surmonta les difficultés, en indiqua les effets et les ressources, en

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