Oldalképek
PDF
ePub

tère et son esprit, et que tous deux la font aimer. C'est Saint-Évremond qui fit pour elle ces quatre vers, à peu près les seuls qu'on ait retenus de lui:

L'indulgente et sage nature

A formé l'ame de Ninon

De la volupté d'Épicure

Et de la vertu de Caton.

On peut cependant y joindre ceux-ci, qu'il adresse à cette même Ninon.

Je vis éloigné de la France,
Sans besoin et sans abondance,
Content d'un vulgaire destin.
J'aime la vertu sans rudesse;
J'aime le plaisir sans mollesse;

J'aime la vie, et n'en crains pas la fin.

Si les Mémoires pour la duchesse de Mazarin, imprimés dans les OEuvres de Saint-Évremond, étaient de lui, il y aurait de quoi s'étonner que cet homme, qui professait la galanterie, écrivît mieux comme avocat que comme galant. Mais il est avéré qu'ils sont d'Erard (1), célèbre avocat de ce temps, et qui méritait sa réputation, à n'en juger que par ces Mémoires. On les crut longtemps de Saint-Évremond, parce qu'ils étaient

(1) C'est une erreur. Cet avocat, loin de défendre la duchesse de Mazarin, plaida contre elle. Voyez les Causes célèbres, tome XIV, page 395. (Note, 1821.)

d'un style piquant et d'une tournure légère; ce qui prouvait seulement que l'avocat, homme d'esprit, avait quitté le style du barreau pour prendre celui de son sujet.

Il serait superflu de s'étendre sur les autres bagatelles de ce recueil; elles prouvent à tout moment l'extrême incertitude de son goût. Cependant les pièces réunies à ses œuvres, comme lui ayant été attribuées, prouvent aussi son mérite; et quand un abbé Picque et un La Valterie veulent faire du Saint-Évremond, ils sont encore fort loin de lui. Mais il n'en est pas de même de la conversation si connue du Père Ganaye et du maréchal d'Hocquincourt. Ce morceau, qui est de Charleval, est connu comme un modèle de finesse, de gaieté et de bonne plaisanterie, et je ne serais pas surpris qu'on aimât mieux l'avoir fait que tous les ouvrages de Saint-Évremond.

Littérature mêlée.

SECTION PREMIÈRE..

Romans.

Les bons romans sont l'histoire du cœur hu main, et ce n'est pas ce qu'ils furent d'abord parmi nous. Les plus anciens, tels que le Roman de la Rose, ont pu n'être pas inutiles à notre langue naissante, dans un temps où on ne la croyait pas encore digne des ouvrages sérieux. J'avoue franchement que jamais je n'ai pu les lire, non plus que l'Astrée, quoique beaucoup plus moderne, et malgré la vogue prodigieuse qu'elle avait encore au commencement du dernier siècle. Quelques traits de naïveté, quelques images pastorales que l'on pouvait rechercher dans un temps où l'on manquait de meilleurs modèles, ne peuvent aujourd'hui faire supporter le verbiage et le galimatias, si ce n'est aux philologues de profession, aux érudits, aux étymologistes, qui se font un plaisir d'habiter dans les ténébreuses antiquités de notre langue, de deviner notre vieux jargon, et qui se croient assez payés de leur patience quand ils ont déterré quelques origines, ou qu'ils peuvent citer un mot

1

heureux : chacun se nourrit de ce qu'il aime. On s'est même avisé de faire revivre ce vieil idiome dans des productions modernes, et d'écrire au dix-huitième siècle comme on parlait au douzième. On a employé dans des romans de nos jours le style de la belle Maguelone et de Pierre de Provence. Il y a des gens qui trouvent dans cette sorte de pastiche une invention merveilleuse : moi, qui n'y entends pas finesse, je n'y vois qu'un moyen facile de se passer de style et d'esprit.

Je n'ai pas lu non plus, du moins jusqu'au bout, la Clélie ni le Cyrus, dont Boileau s'est tant moqué et avec tant de raison, ni l'Ariane de Desmarets, qui vaut encore moins, et qui n'eut pas moins de réputation : ce n'est pas faute de bonne volonté; mais il m'est impossible de lire ce qui

m'ennuie.

Il faut toujours en revenir à ce que disait Voltaire : Oh! qu'il fait bon venir à propos! Mademoiselle de Scudéry, avec ses grands romans, se fit une grande renommée, du moins jusqu'au moment où Despréaux les eut réduits à leur valeur. On avait alors la manie des portraits, et cette demoiselle ne manquait pas de faire celui de tous les personnages célèbres de son temps sous des noms anciens. On était flatté de se voir encadré dans cette galerie. Mademoiselle de Rambouillet y parut sous le nom d'Arténice, qu'elle conserva toujours, jusque dans l'oraison funèbre que l'on

fit en son honneur; et la modestie des solitaires de Port - Royal ne put résister à la petite vanité de se voir désignés avec éloge dans ces productions mensongères, que d'ailleurs leur goût rejetait, et que réprouvait le rigorisme janséniste. On fit venir au Désert ces livres que l'on traitait de poison, quoiqu'en vérité il n'y eût d'autre poison que l'ennui; et il est sûr au moins que l'amour - propre était assez puissant pour mêler un peu de son miel à ce qu'ils appelaient du venin. Le chef-d'œuvre de ces sortes de romans (si l'on peut se servir de ce terme dans un si mauvais genre) est sans contredit Cléopátre, malgré son énorme longueur, ses conversations éternelles, et ses descriptions, qu'il faut sauter à pieds joints; la complication de vingt différentes intrigues qui n'ont entre elles aucun rapport sensible, et qui échappent à la plus forte mémoire; ses grands coups d'épée qui ne font jamais peur, et que madame de Sévigné ne haïssait pas; ses résurrections qui font rire, et ses princesses qui · ne font pas pleurer. Avec tous ces défauts, que l'on retrouve dans Cassandre et dans Pharamond, La Calprenède a de l'imagination: ses héros ont le front élevé; il offre des caractères fièrement dessinés, et celui d'Artaban a fait une espèce de fortune, car il a passé en proverbe. Il est vrai que ce proverbe même prouve le ridicule de l'exagération; mais enfin les ouvrages de cet auteur respirent l'héroïsme, quoique le plus

« ElőzőTovább »