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peuple pauvre et mécontent; qu'elles ne comptent pas très-souvent sur l'impossibilité de faire la guerre dans cet état de détresse, et qu'elles ne sachent pas y proportionner les sacrifices qu'elles exigent avec un orgueil insultant? De là, les humiliations qu'il faut dévorer, la perte d'une considération nationale, si importante sous tous les rapports; de là une foule de disgraces dont le regard sévère et perçant de l'histoire apercevra la cause dans le désordre des finances, et dans le système funeste de porter les impositions jusqu'au dernier degré du possible. Mais aujourd'hui sur-tout que, la guerre étant si dispendieuse et si peu décisive, il ne s'agit presque plus que de savoir quel est celui qui pourra la payer le plus long-temps, on y regarderait à deux fois avant d'attaquer ou d'offenser un prince qu'on saurait avoir à sa disposition le cœur, le bras, la bourse de vingt-cinq millions de sujets heureux, dont on oserait troubler le bonheur. Toutes ces considérations sont renfermées implicitement dans le paragraphe que je viens de citer. L'auteur ne s'échauffe pas souvent, mais ordinairement il raisonne bien. Un des endroits (et il y en a peu) où il a quelque véhémence, encore en s'aidant de l'Écriture et des prophètes, c'est celui où il montre à quel revers s'expose un monarque qui a fait craindre aux autres son orgueil et son ambition. « Il excite la jalousie et la défiance des princes « voisins, qui s'unissent pour réprimer son ambi

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<< tion, qui l'obligent à se défendre au lieu de les << attaquer, et qui tâchent de le réduire à un tel « état qu'il ne puisse les intimider. Il est contraint << d'acheter la paix qu'il avait lui-même troublée, <«< de restituer pour cela des places usurpées, et << d'en raser d'autres qu'il avait fortifiées avec des dépenses infinies. Il est forcé de passer les der<<< nières années de sa vie dans la guerre, au lieu << du repos qu'il s'y était promis: elle devient plus générale et plus animée lorsqu'il en est las, et qu'on sait bien qu'il désire de la terminer, même « à des conditions honteuses. On commence à le mépriser lorsqu'il n'est plus en état de mépriser « les autres; on lui demande plus qu'il n'a pris. << On veut lui enlever son ancien héritage pour le «< faire repentir de ses usurpations; et il éprouve << dans une triste vieillesse la vérité des impré<< cations que l'Écriture fait contre les princes qui << s'imaginent être grands parce qu'ils sont orgueil<«<leux et injustes: Malheur à vous, dit-elle à l'un « d'entre eux, qui ravissez ce qui n'est point à « vous! Pensez-vous donc que vous ne serez pas « vous-même la proie d'un autre, et qu'après « avoir méprisé les autres, vous ne tomberez pas « vous-même dans le mépris? Il viendra un temps « où vous cesserez d'usurper ce qui n'est point à « vous, et où vous serez la proie des autres; où « vous serez las de traiter les autres avec mépris, « et où vous en serez méprisé. L'idée fastueuse « qu'un prince s'était efforcé de donner de lui

« même disparaît alors. On lui insulte dès qu'on << ne le craint plus, et il est contraint de souffrir qu'on dise hautement de lui ce qui est marqué << dans un prophète : Quoi! est-ce donc là cet « homme qui troublait toute la terre, qui ébran<< lait les royaumes, qui désolait l'univers, et qui « ruinait les villes? »

Quand on ne saurait pas que le livre de Duguet a été composé dans les dernières années de Louis XIV, et dans les temps de la malheureuse guerre de la succession d'Espagne et des conférences trop mémorables de Gertruidenberg, il serait impossible de ne pas reconnaître dans ce tableau le prince que l'on y désigne si clairement. Le tableau n'est que trop fidèle dans tous les points; et il n'est pas étonnant que les écrivains jansénistes, dont la persécution aigrissait la sévérité naturelle, aient été si odieux à ce monarque, qui les haïssait comme sectaires, et les craignait comme censeurs; que les plus célèbres aient été forcés, sous son règne, de vivre et d'écrire dans les pays étrangers; et que plusieurs de leurs ouvrages, particulièrement celui-ci, n'aient été imprimés en France qu'après la mort du roi. L'on ne peut nier que la leçon ne fût vraie; mais il eût mieux valu, je pense, la laisser à la justice de l'histoire. Il était peu généreux et peu décent d'insulter à l'infortune d'un roi septuagénaire, qui d'ailleurs la soutenait avec tant de courage et de grandeur d'ame. Au reste, à cette

leçon que donne Duguet on peut en ajouter une autre c'est que ceux mêmes qui voulaient punir un monarque long-temps victorieux, d'avoir abusé de sa prospérité, abusaient à leur tour de la leur à un excès capable de tourner contre eux l'indignation qu'ils avaient d'abord excitée contre lui, et qu'à leur tour encore ils furent bientôt punis de leur aveugle et imprudente animosité. Il n'y avait pas plus de politique que de noblesse à rejeter avec une dureté outrageante les conditions les plus avantageuses qu'ait pu jamais offrir aucun traité. Quelle petitesse, et quelle erreur de l'esprit de vengeance, de rebuter les demandes d'un ennemi abattu, plutôt que de profiter des avantages durables et solides qu'il vous assure! Quoi de plus heureux que de pouvoir se donner les honneurs de la modération en consultant ses propres intérêts! Au lieu de répéter, avec une hauteur méprisante, aux négociateurs français, Hé bien! vous dites donc que le grand roi propose.... il eût mieux valu écouter avec attention, et accepter avec sagesse les énormes sacrifices que le grand roi proposait. L'éloquent Polignac, qui soutint avec tant de dignité un ministère humiliant, avait raison de leur dire : On voit bien que vous n'êtes pas accoutumés à vaincre. Et lorsque, trois ans après, l'ascendant de Villars, la journée de Denain, et la prudente neutralité de l'Angleterre, eurent rétabli l'équilibre; quand l'Empire et la France traitèrent avec égalité, et

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« même disparaît alors. On lui insulte dès qu'on << ne le craint plus, et il est contraint de souffrir qu'on dise hautement de lui ce qui est marqué << dans un prophète : Quoi! est-ce donc là cet «< homme qui troublait toute la terre, qui ébran<< lait les royaumes, qui désolait l'univers, et qui « ruinait les villes? »

Quand on ne saurait pas que le livre de Duguet a été composé dans les dernières années de Louis XIV, et dans les temps de la malheureuse guerre de la succession d'Espagne et des conférences trop mémorables de Gertruidenberg, il serait impossible de ne pas reconnaître dans ce tableau le prince que l'on y désigne si clairement. Le tableau n'est que trop fidèle dans tous les points; et il n'est pas étonnant que les écrivains jansénistes, dont la persécution aigrissait la sévérité naturelle, aient été si odieux à ce monarque, qui les haïssait comme sectaires, et les craignait comme censeurs; que les plus célèbres aient été forcés, sous son règne, de vivre et d'écrire dans les pays étrangers; et que plusieurs de leurs ouvrages, particulièrement celui-ci, n'aient été imprimés en France qu'après la mort du roi. L'on ne peut nier que la leçon ne fût vraie; mais il eût mieux valu, je pense, la laisser à la justice de l'histoire. Il était peu généreux et peu décent d'insulter à l'infortune d'un roi septuagénaire, qui d'ailleurs la soutenait avec tant de courage et de grandeur d'ame. Au reste, à cette

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