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déréglée, plus qu'on ne saurait le dire... Si l'on regarde les athées dans la disposition de leur «< cœur, on trouve que, n'étant ni retenus par la << crainte d'aucun châtiment divin, ni animés par « l'espérance d'aucune bénédiction céleste, ils doi« vent s'abandonner à tout ce qui flatte leurs pas«<sions. » Un prédicateur chrétien parlerait-il autrement? Il faut que les athées de nos jours, qui se plaignent si haut du mépris que leur marquent les auteurs vivants, n'aient jamais lu les morts; ou, s'ils les ont lus, de quel nom appeler des hommes qui nous disent formellement qu'il n'y a de philosophes que les athées? en sorte que, depuis Socrate jusqu'à Bayle, et depuis Bayle jusqu'à Montesquieu, il faut rayer du nombre des philosophes tous les grands esprits qui n'ont parlé de l'athéisme qu'avec autant d'horreur que de dédain.

A l'égard des Pensées sur la comète, la plupart des vérités qu'elles contiennent sont devenues si communes, qu'aujourd'hui, soit qu'on les soutînt, soit qu'on les combattît, on ne se ferait guère écouter. Il épuise sa logique à prouver que les comètes ne peuvent avoir aucune influence, ni morale, ni physique, sur notre globe. Il ne peut y avoir ici de difficulté que sur le physique: à l'égard du moral, la chose est hors de doute; et pourtant l'on croyait alors très-communément que cette espèce de phénomène présageait des évènements sinistres, des révolutions dans les 28

Cours de Littérature. VII.

empires, des guerres, des désastres publics, la mort de quelque grand personnage; et de nos jours encore, un grand seigneur, qui apparemment savait gré à sa destinée d'avoir quelque rapport avec les comètes, disait à un particulier qui riait de ces terreurs puériles: Vous en parlez bien à votre aise, vous autres que cela ne regarde jamais! Et remarqueż que cet homme, qui croyait aux influences morales des comètes et à cent autres superstitions aussi plates, ne croyait pas à l'Évangile; et ce contraste est ce qu'il y a au monde de plus commun.

SECTION II.

Morale.

FÉNÉLON, NICOLE, DUGUET, LA ROCHEFOUCAULD,
LA BRUYERE, SAINT-ÉVREMOND.

En passant de la métaphysique à la morale, nous retrouvons d'abord ce même Fénélon, qui orna cette morale des graces de son imagination, comme il avait animé la métaphysique de la douce chaleur du sentiment. Les leçons qu'il donnait à son royal disciple sont celles que suivront tous les rois qui voudront être bons et aimés; et il les fondit toutes dans un ouvrage d'une espèce unique, et qui jusqu'ici est demeuré le seul de sa classe, le Télémaque. Il y a long-temps que tout est dit sur ce livre, et je ne répèterai point ce que j'ai écrit lorsque j'eus le bonheur de rendre

à la mémoire de Fénélon un hommage solennel. J'oserai seulement remarquer que les critiques qu'on a faites de ce chef-d'oeuvre sont, pour la plupart, outrées et injustes. Voltaire a dit:

tel

J'admire fort votre style flatteur,

Et votre prose, encor qu'un peu traínante.

Il me semble que cette prose ne l'est point, qu'elle est en général ce qu'elle doit être. Ce n'est pas la précision qui doit caractériser un ouvrage que le Télémaque, qui, sans être un véritable poëme, puisqu'il n'est pas écrit en vers, se rapproche pourtant des principaux caractères de l'épopée, par l'étendue, par les fictions, par le coloris poétique. Ce qui doit y dominer, c'est une abondance facile et pourtant sage, un style nombreux et liant plutôt que serré ou coupé ; et c'est celui du Télémaque. Il est vrai que, dans la police de Salente établie par Idoménée, l'auteur descend à des détails qui paraissent trop petits, parce qu'ils sont de nature à ne pouvoir être relevés que par l'élégance des vers et la grace de la mesure, comme nous en voyons de fréquents exemples chez les anciens, et chez les modernes qui ont su les imiter. C'est un des avantages propres à la poésie, de pouvoir ennoblir certains objets que la meilleure prose ne peut faire valoir. Il s'ensuit que ces détails, qui d'ailleurs occupent peu de place, sont un défaut particulier dans l'ouvrage de Fénélon, et nullement un vice gé

néral de style. Il me paraît même qu'il a su, dans son Télémaque, se garantir de la diffusion qu'on peut lui reprocher ailleurs : c'est là que, heureux émulateur des anciens, dont il était si rempli, il s'est rapproché en même temps de la richesse d'Homère et de la sagesse de Virgile.

D'autres critiques auraient voulu qu'il eût plus de profondeur dans ses idées morales et politiques : ils ne se sont pas souvenus que l'auteur du Télémaque ne devait pas écrire comme celui de l'Esprit des Lois. Je ne veux pas dire qu'il l'eût fait s'il l'eût voulu : je dis que, quand même il l'aurait pu, il ne l'aurait pas fait et n'aurait pas dû le faire. Chaque genre doit avoir un caractère de style analogue à son objet. Ce qui n'est que solide et fort dans un livre sur les lois paraîtrait sec dans un ouvrage mêlé de morale et d'imagination. L'un doit donner à la raison toute sa force: il ne veut qu'instruire et faire penser. L'autre doit songer sur-tout à donner de l'agrément et du charme à ses instructions: il veut plaire afin de persuader. Des principes de droit public, de politique et de législation, doivent avoir de la profondeur dans un traité didactique; mais ces premiers principes de justice et de bienveillance universelle, qui sont la base de tout bon gouvernement, très-heureusement pour nous, ne demandent point de profondeur de pensée. La conscience les reconnaît, le sentiment les saisit; et ils n'ont de profond que leur racine, que la na

ture a mise dans tous les coeurs. Le devoir et le dessein de Fénélon étaient de les inspirer à un jeune prince né pour régner; et, dans ce genre d'instruction, celui qui réussit le mieux est sans contredit celui qui la fait aimer. Quand tous les lecteurs ne rendraient pas ce témoignage à Fénélon, c'en serait un, qui seul tiendrait lieu de tous les autres, que le succès rare et presque unique de ses préceptes et de ses leçons. Pour apprécier le maître, il suffit de voir ce qu'il fit de son élève, d'où il le ramena, et jusqu'où il le conduisit. Il suffit de savoir (et de fidèles traditions nous l'apprennent) ce qu'était devenu le duc de Bourgogne, quel règne il promettait à la France, et quels regrets le suivirent lorsque tant d'espérances s'en allèrent avec lui dans le même tombeau.

Écartons toujours cette espèce de critique qui demande à un écrivain le mérite qu'il n'a pas dû avoir. Je ne chercherai pas plus dans Télémaque la force et la profondeur de Montesquieu que dans l'Esprit des Lois les graces et la douceur de Fénélon. Rendons hommage à la nature, qui en sait plus que tous les critiques, et qui, déterminant toujours les hommes qu'elle a doués vers le genre de travail où elle les appelle, leur donne les qualités propres à y réussir.

Voltaire rapporte qu'après la mort du duc de' Bourgogne, Louis XIV, qui n'aimait pas l'auteur de Télémaque, brûla tous les manuscrits du pré

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