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elle est en même temps le fondement et la sancton de toutes les vérités morales, puisque, sans un Dieu, il ne peut y avoir dans les actions des hommes de moralité réelle. Elle est aussi la seule explication satisfaisante de tous les phénomènes physiques; puisque leur première cause est le mouvement, et que le mouvement en lui-même, de l'aveu de Newton, qui en a expliqué les lois, est inexplicable sans un premier moteur. Il s'ensuit que la vraie philosophie est inséparable de la religion, au moins de celle qui est, pour ainsi dire, le premier instinct des hommes les plus bornés, comme elle a été la doctrine des esprits les plus transcendants, de Platon, de Socrate, d'Aristote, de Cicéron, chez les anciens; et, parmi les modernes, de Descartes, de Leibnitz, de Locke et de Fénélon, qui ont fait voir que cette religion primitive, que rejettent les athées, conduit à la nôtre, que rejettent les incrédules; et c'est ce qui fait que les philosophes du siècle passé les ont souvent fait marcher de front, et se sont servis de l'une pour appuyer l'autre.

Mais aussi la curiosité est inséparable de la raison humaine; et c'est parce que celle-ci a des bornes que l'autre n'en a pas. Cette curiosité en elle-même n'est point un mal; elle tient à ce qu'il y a de plus excellent dans notre nature; car s'il n'est donné de tout savoir qu'à celui qui a tout fait, l'homme s'en rapproche du moins autant qu'il le peut en désirant de tout connaître; et

l'on sait que ce grand et beau désir a été, dans les sages de tous les temps, le sentiment de leur noblesse, et le pressentiment de leur immortalité.

Sans doute ce désir, qui ne peut être rempli que dans un autre ordre de choses, sera toujours trompé dans celui-ci ; mais du moins nous lui devons ce que nous avons pu acquérir de connaissances spéculatives; et les illusions qui ont dû s'y mêler sont celles de l'amour-propre, et prouvent seulement que la raison a besoin d'un guide supérieur qui lui trace la carrière hors de laquelle elle ne peut que s'égarer.

C'est en méconnaissant ce guide que la curiosité en tout genre devient fanatisme; et le fanatisme, soit religieux, soit philosophique, n'est, quoi qu'on en ait dit, ni l'enfant de la religion, ni celui de la philosophie; il est l'enfant de l'orgueil, puissance violente et terrible. La raison, au contraire, même quand elle se trompe, est par elle-même une puissance tranquille qui ne se passionne point, et pour laquelle les hommes ne se battent pas. Le fanatisme ment quand il parle au nom du ciel ou de la raison; la philosophie et la religion le désavouent également : il les outrage et les dénature toutes les deux, et toutes les deux le détestent. Il prend de l'une des arguments dont il fait des sophismes, et de l'autre des dogmes dont il fait des hérésies; et de cet alliage impur sont sortis tous les maux qui ont désolé le monde, depuis l'arianisme qui ensan

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glanta les conciles, jusqu'au philosophisme (1) de ce siècle qui a fait de la France le théâtre de tous les crimes.

A la tête de tous ceux qui, dans le dernier siècle, ont vraiment mérité le nom de philosophes, il faut sans doute placer Descartes. Sa Dioptrique, et l'application de l'algèbre à la géométrie, découverte qui l'a mis au rang des inventeurs en mathématiques, n'appartiennent qu'aux sciences exactes qui sont étrangères à notre objet. Mais personne n'ignore les obligations que nous lui avons sous des rapports bien plus étendus, puisque, par la révolution qu'il opéra dans la philosophie spéculative, il fut véritablement le réformateur de l'esprit humain. On doit à son heureuse hardiesse d'avoir pu briser enfin le lourd sceptre du pédantisme scolastique, qui avait produit depuis plusieurs siècles un très-mauvais

(1) On est obligé d'adopter ce mot, devenu nécessaire pour prévenir toute méprise, et qui signifie l'amour du sophisme, l'amour du faux, comme philosophie veut dire amour de la sagesse, amour du vrai. Dans le génie de la langue grecque, les mots de sophisme et de sophistes suffisaient pour marquer l'abus; dans la nôtre, ce n'est pas assez, parce que nos sophistes ne ressemblent point à ceux de l'antiquité. Ceux-ci n'ont jamais troublé la terre; les autres ont voulu l'asservir, et ont été au moment de ramener le chaos. Il y a donc ici amour du mal, et, par conséquent, beaucoup plus qu'erreur; c'est ce qui doit faire admettre le mot de philosophisme.

effet, celui de n'éveiller la dispute qu'en assoupissant la raison. L'époque où l'on avait découvert les ouvrages d'Aristote étant celle de l'ignorance, il avait imprimé tant d'étonnement et de respect, que l'on crut avoir trouvé la science universelle et infaillible; et ce qu'on avait alors d'esprit étant plutôt tourné vers une finesse fri-.. vole que vers le jugement solide, la physique générale d'Aristote, toute composée d'hypothèses gratuites, mais substituant, aux faits, des définitions, des divisions et des subdivisions fort régulières, et sa métaphysique presque toute formée d'abstractions très - savamment chimériques, furent embrassées avec avidité par des hommes qui avaient assez d'esprit pour argumenter sur des mots, et pas assez pour chercher les choses. Ainsi l'on n'avait pris d'abord que les erreurs d'un grand homme; et ce ne fut que long-temps après, que l'on sut profiter de ce qu'il avait fait de beau et de bon, en régularisant les notions essentielles du raisonnement, de l'éloquence et de la poésie. Aristote avait pris dans toute l'Europe un tel ascendant, qu'il y était presque regardé comme un père de l'Église sa philosophie était une religion; ses décisions étaient des oracles; et l'on n'oubliera jamais ce mot qui servait de réponse à tout, ce mot reçu constamment dans les écoles modernes, comme il l'avait été autrefois dans celle de Pythagore, ce mot qui est le sceau de l'esclavage des esprits: Le maître l'a dit. Des

cartes ne voulut de maître que l'évidence; il la chercha par son doute méthodique, aussi sensé que le doute des pyrrhoniens était extravagant. Il apprit aux hommes à n'affirmer sur chaque objet que ce qui était clairement renfermé dans l'idée même de cet objet. C'est ainsi qu'il trouva les meilleures preuves que l'on eût encore données de l'existence d'un premier être, de l'immatérialité des esprits et de l'immortalité de l'ame; et son excellent livre de la Méthode réduisit en démonstration des vérités de sentiment. Il lui fallait, pour achever cette révolution, non-seulement le courage de l'esprit, mais celui de l'ame; car quoiqu'il n'ait jamais été persécuté par le gouvernement, comme on l'a prétendu, il le fut par ceux qu'il contredisait, et qui trouvèrent des protecteurs de leurs thèses dans les magistrats qui condamnaient celles de Descartes. Le ministère lui offrit même des places et des pensions; mais il aima mieux philosopher en liberté chez l'étranger. Il eut de bonne heure des disciples et des admirateurs; il fit même des martyrs, puisque ceux qui osèrent les premiers enseigner sa philosophie dans les classes furent destitués de leurs places. Les tribunaux s'armèrent en faveur d'Aristote, et prohibèrent le cartésianisme, qui ensuite eut à son tour le sort du péripatétisme, car il domina dans les écoles, et y établit tout ensemble la vérité et l'erreur. On crut à la mauvaise physique de Descartes, parce qu'il était bon métaphysicien,

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