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geassent à détrôner leur roi, ni à renverser la monarchie; et en effet, personne n'y songeait. Le résultat vraisemblable était donc un accommodement, soit que Mazarin fût chassé, soit qu'il ne le fût pas; et Gondi pouvait-il présumer que la régente, dès qu'elle serait maîtresse, ou le roi, dès qu'il serait majeur, pardonnât à un archevêque de Paris d'avoir été le boute-feu de la sédition, et d'avoir soulevé la capitale? Lui-même ne s'aveuglait pas sur le sort qui l'attendait. A peine fut-il engagé dans la carrière, qu'il vit le précipice au bout; il vit que son existence était dépendante et secondaire. Il fallut d'abord s'attacher au parlement, ensuite à Gaston; et il n'ignorait pas que c'étaient là de ces appuis qui bientôt vous laissent tomber. Enfin, il prophétisa véritablement lorsqu'il dit à Monsieur : Vous serez fils de France à Blois, et moi cardinal à

Vincennes.

On sait ce qui lui arriva quand la paix fut faite, les rigueurs de sa détention, les périls et les accidents de sa fuite, son voyage à Rome. Il eut encore le plaisir d'y faire un pape, mais il ne put même demeurer archevêque; il fallut donner la démission de cette belle place. Il fallut n'être rien, pour avoir voulu être tout; paraître devant Louis XIV, qui le méprisa comme homme qui n'avait rien été de ce qu'il devait être; vieillir dans l'obscurité; se borner pour toute gloire à l'acquit de quatre millions de

dettes, dont le paiement, quoique très-louable, n'en faisait pas oublier l'origine; et se réduire, pour toute considération, à une régularité de mœurs un peu tardive, et qui pouvait paraître forcée après des scandales si longs et si éclatants. C'est la dernière observation qui reste à faire sur les motifs de ses entreprises. Il avoue que ce qui acheva d'étouffer tous ses scrupules, fut principalement le désir de couvrir du nom d'un chef de parti les vices d'un archevêque. Ainsi, en dernier résultat, il fut cause de quatre années de guerre civile, parce qu'il avait du goût et du talent pour la faction, et parce qu'il voulait être moins obligé de cacher ses débauches; et le reste de sa vie fut sacrifié à l'expiation de ces quatre années d'un pouvoir employé à faire du mal. Certes, il n'y a là rien de grand, ni dans les principes ni dans les effets: il n'y a de louable que le repentir.

La seule gloire qui lui soit restée est celle à laquelle il songeait le moins, celle d'écrivain supérieur. Ce n'est pas que je le compare, comme on l'a fait un peu légèrement, à Tacite, dont il n'a ni la profondeur de vues ni la force de pinceau; à Salluste, dont il n'égale ni la précision originale ni l'expression heureuse. Son style est comme son génie, plein de feu et de hardiesse, mais sans règle et sans mesure. On peut reprocher à quelques-uns de ses portraits des antithèses accumulées et forcées; mais ce défaut, qui

est rare chez lui, n'empêche point que le naturel de la vérité ne domine dans sa diction. De même ses inégalités n'en diminuent point l'éclat : elles sont évidemment les négligences d'un homme qui adresse ses mémoires à une amie intime, comme une confidence épistolaire. Il sait raconter et peindre; mais on voit, par les témoignages de ses contemporains, que sa mémoire le trompe assez souvent sur les faits et les dates, et que ses prétentions le rendent quelquefois injuste sur les personnes. Il a beaucoup de franchise sur ce qui le regarde, moins pourtant qu'il n'en veut faire paraître, et son amour-propre, qui le conduisait dans ses écrits, comme dans ses actions, avoue quelques fautes, pour faire croire plus aisément à une suite de combinaisons qu'il est trop facile d'arranger après les évènements pour que l'on puisse toujours les attribuer à la prudence. Malgré cet artifice, ce qu'il peint le mieux dans ses ouvrages, c'est lui-même; et l'on peut dire de lui, comme de César, qu'il a fait la guerre civile et l'a écrite avec le même esprit (1). Ses inclinations et ses principes percent de tous côtés; sa politique est tournée tout entière vers les dissensions domestiques; toutes ses maximes sont adaptées à des temps de cabale et de discorde, et il ne juge presque les hommes que par ce qu'ils peuvent être dans les factions, c'est-à-dire, sur le

(1) Eodem animo scripsit quo bellavit.

modèle qu'il est plus que personne en état de fournir d'après lui. Enfin, ses Mémoires, pleins d'esprit, d'agrément, de saillies, d'imagination, de traits heureux, laisseront toujours l'idée d'un homme fort au-dessus du commun. Il n'y a guère de défauts que ceux qu'il était capable d'éviter en composant avec plus de soin; comme dans sa conduite ce qu'il y a de plus vicieux n'empêche pas qu'on n'aperçoive ce qu'il aurait pu être, si la fortune l'avait autrement placé.

CHAPITRE III.

Philosophie.

SECTION PREMIÈRE.

Métaphysique.

DESCARTES, PASCAL, FÉNÉLON, MALLEBRANCHE, BAYLE.

La philosophie eut le même caractère que l'éloquence; elle fut presque toute religieuse, c'està-dire, toujours appuyée sur ces bases premières et universelles, la croyance d'un Dieu, et l'immortalité de l'ame immatérielle : idées mères dont les conséquences, pour les esprits justes et les cœurs droits, s'étendent infiniment plus loin qu'on ne l'a cru de nos jours, puisque, bien saisies et bien développées, elles vont jusqu'à la nécessité d'une révélation. C'est en ce sens que la religion entre dans toute bonne philosophie; et celle du dernier siècle fut soupour cela que vent sublime, et s'égara fort peu, presque sans danger, et toujours sans scandale.

c'est

Hors les athées, qu'il ne faut jamais compter quand on raisonne, d'ailleurs tout le monde convient que l'idée d'un premier être est le principe de toutes nos connaissances métaphysiques, comme

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