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ce qu'ils ont écrit sur l'Histoire de France, des vues et des lumières dont on peut profiter : mais ils sont le plus souvent égarés par l'esprit de systême, aussi dangereux en histoire qu'en philosophie, et qui,, dans l'une comme dans l'autre, commence par dénaturer les faits pour amener des résultats erronés. Heureusement les erreurs de ces deux écrivains ont été solidement réfutées par Montesquieu et le président Hénault, qui ont fait voir que Boulainvilliers et Dubos n'étaient, dans le genre de l'histoire, ni bons critiques, ni bons publicistes.

SECTION II.

Les Mémoires.

Les nombreux mémoires qui nous restent du dernier siècle offrent un plus grand fonds d'instruction, et sur-tout plus d'agrément que les historiens. Ils représentent plus en détail et plus naïvement les faits et les personnages; ils fouillent plus avant dans le secret des causes et des ressorts; et c'est avec leur secours que nous avons eu, dans le siècle présent, de meilleurs morceaux d'histoire. Il est peu de lectures plus agréables, si l'on ne veut qu'être amusé; mais généralement il en est peu dont il faille se défier davantage, si l'on ne veut pas être trompé. Ce sont, il est vrai, des témoins qui vous apprennent les circonstan

ces les plus secrètes; mais, si l'on veut s'assurer de la vérité, autant du moins qu'il est possible, il faut les confronter l'un à l'autre, et comparer les dépositions. S'il est difficile qu'un écrivain hors d'intérêt se garantisse de toutes les préventions naturelles à l'esprit humain, il l'est bien plus que celui qui a été un des acteurs dans les évènements qu'il raconte se dépouille de toute partialité, se désintéresse absolument dans sa propre cause; qu'il ne soit jamais flatteur ou apologiste pour lui-même, ni ami ou ennemi pour les autres. Il y a même un danger de plus pour lui et pour ses lecteurs : il peut les tromper comme il se trompe, c'est-à-dire de très-bonne foi. Les mêmes passions, les mêmes intérêts qui ont dirigé sa conduite, peuvent encore conduire sa plume. Il y a plus : nous sommes assez disposés à écouter favorablement et à croire avec facilité celui qui nous raconte sa propre histoire. C'est une espèce de confidence qui sollicite notre amitié il nous gagne dès la première page; et si nous n'y prenons garde, il nous met bientôt de moitié dans ses sentiments, comme dans ses se

crets.

Le premier motif de confiance qui doit balancer ces considérations, c'est le caractère connu de l'auteur; ensuite l'attention à s'oublier soimême, pour ne montrer les choses que comme elles sont. C'est ce double motif de crédibilité qui rend si précieux les Mémoires de Jeannin,

de Villeroi, de Torcy; ceux de Turenne, malheureusement trop courts; les lettres du cardinal d'Ossat. C'est là que la véracité présumée dans la personne a été constatée par tous les témoignages. Les Mémoires de Sully, rédigés par ses secrétaires, et revus par l'abbé de l'Écluse, ont l'avantage de faire connaître, et par conséquent de faire aimer notre Henri IV, plus qu'aucune des histoires que l'on ait faites de ce grand homme; ils sont fidèles dans tous les faits essentiels : mais la tournure d'esprit de l'auteur, où il entre volontiers un peu de complaisance en sa faveur, et un peu de dureté pour les autres, avertit de ne pas voir toujours les hommes et les objets dans le même jour qu'il nous les présente. Il faut lire avec plus de précaution encore les Mémoires de la Fronde, dont plusieurs ont été composés par des gens d'esprit et de mérite, tels que La Rochefoucauld, Gourville, Bussy, La Fare, etc.; mais qui ne sont pas, à beaucoup près, purgés du levain de la Faction. Celui que j'ai nommé le premier, comme le plus ingénieux et le meilleur écrivain, La Rochefoucauld, n'est pas plus exempt de préjugés en politique qu'en morale. L'avocat - général Talon, bien moins agréable à lire, mérite beaucoup plus de confiance. Il faut dévorer l'ennui de ses Mémoires diffus, qui sont un amas de matériaux entassés sans choix et sans art, mais que l'esprit de vérité et de justice a rassemblés. C'était un excel

lent citoyen, un grand magistrat, un orateur même pour ce temps, où l'éloquence n'était pas encore épurée. On le voit assez par celle qui règne dans ses harangues; et, pour comprendre le grand effet qu'elles produisaient, attesté d'une voix unanime, il faut songer qu'il avait deux grands avantages: l'action, qui est nulle sur le papier, mais puissante sur un auditoire; et la vertu, qui animait ses paroles ainsi que son ame, et qui respire encore dans ses écrits, les plus utiles et les plus instructifs pour qui voudrait écrire l'histoire de ces temps malheureux. Il n'avait aucun talent pour ce genre; mais on lui pardonne tout en faveur des sentiments qu'il montre, de sa candeur, de son amour pour le bien public, qui le mettent au-dessus de l'esprit de corps, celui de tous dont il est le plus difficile de se défaire. Il déplore avec sincérité les égarements et les scandales de sa compagnie : et nul ouvrage ne fait mieux voir combien un corps de magistrature est par lui-même étranger à la science de l'administration; combien des hommes pour qui les formes sont toujours l'essentiel sont loin de l'esprit des affaires publiques, pour qui ces mêmes formes ne sont jamais qu'un accessoire de convention; enfin à quel point peut se dénaturer un corps de judicature, du moment où il veut joindre au pouvoir des lois celui de la force qui les détruit, ou celui de l'intrigue qui les déshonore.

Les Mémoires de mademoiselle de Montpensier et de madame de Motteville, écrits avec une extrême négligence, ne laissent pas de nous apprendre beaucoup de particularités et d'anecdotes qui ne sont pas toutes indifférentes. Il y a beaucoup plus à profiter dans les derniers, pourvu qu'on ne s'en rapporte pas absolument à l'extrême attachement de cette dame pour Anne d'Autriche, attachement très-louable dans l'amitié, mais qui peut être suspect dans l'histoire. Quant à ceux de Mademoiselle, ce qu'on y voit sur-tout, c'est l'esprit le plus ordinaire à ceux qui ne sont de la cour que pour en être; c'est-àdire, le sérieux des petites choses, et l'importance des bagatelles.

Mais pour la connaissance des hommes et des affaires, pour le talent d'écrire, rien ne peut se comparer, même de fort loin, aux Mémoires du fameux cardinal de Retz: c'est le monument le plus précieux en ce genre qui nous reste du siècle passé. Le nom de cet homme vraiment singulier, réveille tant d'idées à la fois, qu'il est impossible de ne pas chercher à les démêler; et la supériorité de l'homme et de l'ouvrage est une raison pour arrêter un moment la rapidité de ce résumé, et pour considérer avec réflexion un personnage qui, parmi tant d'autres plus ou moins célèbres, n'a de ressemblance avec aucun d'eux.

Peut-être ne lui a-t-il manqué, pour être un

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