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long-temps ne sont plus guère lus. Les sermons même de Bossuet et de Fléchier ne répondent pas à la célébrité qu'ils ont acquise dans l'oraison funèbre; et sans parler de la foule des prédicateurs médiocres, il suffit de dire que, lorsqu'on eut entendu, et plus encore, lorsqu'on eut lu Massillon, il éclipsa tout.

Bossuet et Massillon sont donc les modèles par excellence que nous avons à considérer principalement dans l'éloquence chrétienne, l'un dans l'oraison funèbre, et l'autre dans le sermon. Je commencerai par le premier, en me conformant à l'ordre des temps, et même à celui des choses, puisque l'oraison funèbre réunit plus de parties oratoires, exige plus d'art et d'élévation que le

sermon.

Mais je me crois obligé de jeter en avant quelques réflexions que l'esprit du moment a rendues nécessaires, par rapport aux différentes dispositions que chacun peut apporter à ces objets, suivant les diverses manières de penser. Quoique le mérite d'orateur et d'écrivain soit ici particulièrement ce qui doit nous occuper, cependant on ne peut se dissimuler que le degré d'attention et d'intérêt pour le talent dépend un peu, en ces matières, et sur-tout aujourd'hui, du degré. de respect pour les choses, et pour tout dire en un mot, de la croyance ou de l'incrédulité. Celle-ci, devenue plus intolérante à mesure qu'elle est plus répandue, en vient enfin depuis quelques années

jusqu'à vouloir détourner nos yeux des plus beaux monuments de notre langue, dès qu'elle y voit empreint le sceau de la religion. Je laisse de côté les opinions que personne n'a le droit de forcer, mais je réclame contre cette espèce de proscription que personne n'a le droit de prononcer. Il faut se rappeler que c'est le siècle de Louis XIV qui passe actuellement sous vos yeux, et que, ainsi que moi, vous devez considérer à la fois, dans ce qui nous en reste, et l'esprit des écrivains, et celui de leur siècle. Il était tout religieux; le nôtre ne l'est pas mais, de quelque manière qu'on juge l'un et l'autre, on ne peut nier du moins que les écrivains et les orateurs ont dû écrire et parler pour ceux qui les lisaient et les écoutaient. C'est un principe de raison et d'équité que j'oppose d'abord à l'impérieux dédain de ceux qui voudraient qu'on n'eût jamais écrit et parlé que dans leur sens. Je n'examine point encore si ce sens est le bon sens dans l'étendue de ce Cours, chaque chose doit venir en son temps et à sa place. Mais je puis avancer, dès cet instant, que, dans ce siècle des grandeurs de la France, la religion, à ne la considérer même que sous les rapports humains, fut grande comme tout le reste, et que la France, son monarque et sa cour furent pour l'Europe entière, dans la religion comme dans tout le reste, un spectacle et un modèle. Il n'est permis ni de l'ignorer ni de l'oublier. Ayez donc devant les yeux, pendant les séances actuelles, un Bossuet

convertissant un Turenne; un Fénélon montant dans la chaire pour donner l'exemple de la soumission à l'Église; un Luxembourg, au lit de la mort, préférant à toutes ses victoires le souvenir d'un verre d'eau donné au nom du Dieu des pauvres; un Condé, un cardinal de Retz, une princesse palatine, donnant, après avoir joué de si grands rôles dans le monde, à la guerre, à la cour, l'exemple de la piété et du repentir, au pied des autels; une La Vallière allant pleurer aux Carmelites, jusqu'à son dernier jour, le malheur d'avoir aimé le plus aimable des rois; enfin, ce roi luimême, regardé comme le premier des hommes, humiliant tous les jours dans les temples un diadème de lauriers, et se reprochant ses faiblesses au milieu de ses triomphes. Revoyez, dans les Lettres de Sévigné, ces fidèles images des mœurs de son temps: par-tout la religion en honneur; par-tout le devoir de se retirer du monde à temps, de se préparer à la mort, mis au nombre des devoirs, non pas seulement de conscience, mais encore de bienséance; ce qu'étaient la solennité des fêtes et l'observance du jeûne prescrit; enfin, un duc de Bourgogne, un prince de vingt ans, refusant au respect qu'il avait pour le roi son aïeul d'assister à un bal qu'il regardait comme une assemblée trop mondaine. Tel était l'empire de la religion : ceux qui n'en avaient pas (et ils étaient rares) gardaient au moins beaucoup de réserve; et ceux qui avaient de la religion en avaient avec dignité. Voilà

les auditeurs qu'ont eus les Bossuet, les Fléchier, les Massillon: serait-il juste de les juger sur ceux qu'ils auraient aujourd'hui ?

L'oraison funèbre, telle qu'elle est parmi nous, appartient, ainsi que le sermon, au seul christianisme. C'est une espèce de panégyrique religieux, dont l'origine est très-ancienne, et qui a un double objet chez les peuples chrétiens, celui de proposer à l'admiration, à la reconnaissance, à l'émulation, les vertus et les talents qui ont brillé dans les premiers rangs de la société, et en même temps de faire sentir à toutes les conditions le néant de toutes les grandeurs de ce monde, au moment où il faut passer dans l'autre. La philosophie de nos jours, qui blâme souvent et sans peine, parce qu'elle s'attache de préférence au côté défectueux de toutes les choses humaines, a réprouvé ce genre d'éloquence, parce qu'il n'est pas toujours conforme à la vérité, comme si elle était plus rigoureusement observée dans les autres genres qu'elle-même autorise ou fait valoir. Les éloges académiques sont-ils d'une véracité plus sévère que les oraisons funèbres? A Dieu ne plaise que je veuille en aucun cas justifier le mensonge! mais d'abord, il y a dans toute espèce de discours oratoire des convenances et des conventions qui sont du genre. On n'attend pas, on n'exige pas de l'orateur qui loue, la même fidélité, la même rigueur que de l'historien qui raconte. L'éloquence de l'un a pour objet de donner plus de force à

l'exemple du bien : le but principal de l'autre est de se servir également de l'exemple du bien et de celui du mal, et de faire voir que tous les deux, en quelque rang que l'on soit, n'échappent point aux regards de la postérité. D'après ces données reconnues, tout ce qu'on demande au panégyriste, c'est qu'il ne loue que ce qui est louable, et que son art, qui est celui de faire aimer la vertu, ne soit jamais celui d'excuser le vice. Ce n'est point à lui de montrer l'homme tout entier; il n'a pas devant lui l'espace de l'histoire, il n'a qu'une heure à parler; et ce doit être pour saisir dans son sujet tout ce qui peut agrandir en nous l'amour du devoir et l'idée du beau. S'il obtient cet effet, il a rempli sa mission et l'objet du panégyrique.

Je ne prétends pas qu'en atteignant à ce but d'utilité, les Bossuet, les Fléchier, les Mascaron, et leurs successeurs, n'aient jamais présenté les choses et les hommes que dans leur vrai point de vue; mais quand ils y ont manqué (ce qui est rare), leurs erreurs, comme nous le verrons dans l'analyse qui va suivre, étaient celles du siècle. Et quel siècle n'a pas les siennes? et quel écrivain ne s'y laisse pas aller plus ou moins? C'est là le cas où la vraie philosophie sait reconnaître et excuser l'influence de l'opinion.

On a fait à l'oraison funèbre un autre reproche, celui de n'être réservée que pour les rois et les grands; et l'on a demandé pourquoi la religion

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