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DE

LITTÉRATURE

ANCIENNE ET MODERNE.

SECONDE PARTIE.

SIÈCLE DE LOUIS XIV.

SUITE DU LIVRE PREMIER.

POÉSIE.

CHAPITRE X.

De la Satire et de l'Épitre.

DE BOILEAU.

Il semble que tout soit dit sur Boileau. Les com

mentateurs l'ont traité comme un ancien; ils ont épuisé dans leurs notes les recherches de toute espèce, l'érudition et les inutilités. Son rang est fixé par la postérité; il le fut même de son vivant:

Cours de Littérature. VII.

I

et c'est un bonheur remarquable, que cet homme, qui en avait attaqué tant d'autres, ait été apprécié par un siècle qu'il censurait; que ce critique sévère, qui mettait les auteurs à leur place, ait été mis à la sienne par ses contemporains; et que tout son mérite ait été dès lors généralement reconnu, tandis que celui de Molière, de Racine, de Quinault, de La Fontaine, n'a été bien parfaitement senti qu'avec le temps. Corneille et Despréaux, parmi les grands poëtes du dernier siècle, sont les seuls qui aient joui d'une réputation à laquelle les générations suivantes n'ont pu rien ajouter; l'un, parce qu'il devait subjuguer les esprits par l'ascendant et l'éclat d'un génie qui créait tout; l'autre, parce que, faisant parler le goût en beaux vers, à une époque où le goût et les beaux vers avaient tout le prix de la nouveauté, il apportait une lumière que chacun semblait attendre, et se distinguait d'ailleurs dans un genre où il n'avait point de rivaux. Mais, dans Racine, dans Molière, la perfection dramatique, qui se compose de tant de qualités différentes, avait besoin de cette grande épreuve du temps et de l'examen raisonné des connaisseurs pour être embrassée dans son entier. Le talent de Quinault, secondaire sous plusieurs rapports, partagé par le musicien, combattu par des autorités, n'a pu obtenir qu'une justice tardive, et due en partie à l'infériorité de ses successeurs. Enfin, dans la fable et le conte, la petitesse des sujets et le défaut d'in

vention ne laissaient pas apercevoir d'abord tout ce qu'était La Fontaine, et il a fallu qu'une longue jouissance, nous donnant toujours de nouveaux plaisirs, attirât plus d'attention sur le prodige de son style. Telles sont les différentes destinées des grands écrivains, toujours plus ou moins dépendantes et des circonstances, et du caractère de leur composition. Ceux que je viens de citer ont gagné dans l'opinion, et sont aujourd'hui plus admirés qu'ils ne le furent jamais. Corneille et Despréaux n'ont rien perdu de leur gloire; mais leurs ouvrages sont plus sévèrement jugés. L'admiration et la reconnaissance que l'on doit au premier n'ont pas empêché qu'on ne vît tout ce ce qui lui manque; et malgré les obligations que nous avons au second, quelques-uns de ses écrits n'ont plus à nos yeux le même éclat qu'ils eurent dans leur naissance. Qu'on ne s'imagine pas que, par cet aveu, je me prépare à donner gain de cause à ses détracteurs : j'en suis si éloigné, que cet article sera employé tout entier à les combattre. La restriction que j'ai annoncée ne regarde que ses premières et ses dernières satires. Je vais faire voir que, sur ce point seul, la différence des temps a dû lui faire perdre quelque chose; que c'est la seule portion de ses titres littéraires qui ait baissé dans l'esprit des bons juges, et que sur tout le reste notre siècle est d'accord avec le sien. Je dis notre siècle, parce qu'en effet il n'est représenté que par ceux qui lui font le plus d'hon

neur, par ceux qui, ayant des droits à la gloire, en sont les justes appréciateurs dans autrui. Si de nos jours des hommes éclairés et d'un mérite réel ont fait à Boileau quelques reproches qui ne me paraissent pas fondés, je les distinguerai, comme je le dois, de ceux qui lui refusent toute justice; et quant à ceux-ci, s'il est permis de descendre jusqu'à les réfuter, c'est moins pour venger la mémoire de Boileau, qui n'en a pas souffert, que pour mettre dans tout son jour cet esprit de vertige et de révolte qui multiplie sans cesse parmi nous les ennemis du bon goût et de la raison, et pour marquer la distance qui sépare les vrais gens de lettres de ceux qui ne veulent usurper ce titre que pour le déshonorer.

Une des académies de province, qui, à l'exemple de celles de la capitale, distribuent des prix annuels, proposa pour sujet, il y a quelques années, l'influence de Boileau sur la littérature française. Ce programme réveilla la haine secrète que les successeurs des Cotins nourrissent depuis longtemps contre le redoutable ennemi du mauvais goût, et le fondateur immortel des bons principes. L'Académie de Nîmes reçut un discours où l'on se moquait d'elle et de la prétendue influence de Boileau: on s'efforçait d'y prouver qu'il n'en avait jamais eu d'aucune espèce. Ainsi donc, celui qui fut parmi nous le premier législateur de tous les genres de poésie, et le premier modèle de notre versification, n'aurait rendu aucun service aux

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