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Et les zéphyrs au frais, sans agiter l'arène,

Luttaient si joliment contre le chaud du jour,

Qu'au murmure de l'onde et de leur douce haleine, Tout semblait dire en ce séjour:

Ou dormez, ou faites l'amour.

Faire l'amour! Mahmoud n'en avait nulle envie,
Quand même il aurait eu de quoi,

Mais oui bien de dormir, et plus que de sa vie:
Aussi tout étendu dormit-il comme un roi,
Posé le cas qu'un roi dorme mieux qu'un autre homme;
J'en pense au rebours, quant à moi.

De pareils traits, et cette manière de conter, rappellent notre La Fontaine un peu plus que ne fait Vergier. Aussi celui-ci a fait trop de contes, et Senecé en a fait trop peu. On ne peut pas donner ce nom aux Travaux d'Apollon, le morceau le plus considérable qu'il nous ait laissé. C'est un poëme dont le sujet est un récit un peu long de tous les maux que le dieu des vers a soufferts, si l'on en croit la Fable. L'intention de l'auteur est de faire voir que les poëtes ne doivent pas s'attendre à être heureux, puisque le dieu qui est leur patron ne l'a jamais été. Rousseau le lyrique faisait cas de cet ouvrage, parce qu'il

s'attachait sur-tout au mérite de la versification. Celle des Travaux d'Apollon offre des morceaux bien travaillés, et qui prouvent que Senecé avait étudié dans Boileau le mécanisme du vers. Mais il est pourtant susceptible de beaucoup de reproches, même dans cette partie. Sa diction est

quelquefois pénible et contrainte, et assez souvent un peu sèche. Il s'en faut bien qu'elle soit d'un goût égal et sûr, ni qu'il soutienne le ton noble comme celui du conte. D'ailleurs le plan est mal conçu, et tout l'ouvrage est assis sur un fondement vicieux. Senecé suppose que, dégoûté de la poésie par le peu d'encouragements qu'il reçoit, il est prêt à y renoncer, lorsque l'ombre de Maynard lui apparaît, et, pour le disposer à la résignation et à la patience, s'offre de lui faire voir que toute l'histoire d'Apollon n'a été qu'un enchaînement de malheurs de toute espèce. Mais en accordant que ce soit là un motif de consolation, Maynard pouvait-il croire que Senecé n'eût pas lu, comme lui, les Métamorphoses d'Ovide, et ne sût pas les aventures d'Apollon? Il parle donc pour parler, il raconte pour raconter, il décrit pour décrire : c'est un défaut mortel. Si vous voulez mener le lecteur, il faut lui proposer un but et qui se soucie d'entendre ce que tout le monde sait? Toute machine poétique, toute fiction, dans le plus petit ouvrage comme dans le plus grand, doit, pour nous attacher, être conforme au bon sens et à la vraisemblance. Enfin ce narré, aussi prolixe qu'inutile, des fabuleuses disgraces d'Apollon, est d'une ennuyeuse uniformité. Rien ne fait mieux voir combien le talent a besoin de se trouver en proportion avec les sujets qu'il choisit.

CHAPITRE XII.

De la Poésie pastorale, et des différents genres de Poésie légère.

APRÈS avoir traité en détail des objets les plus importants, de l'Épopée, de tous les genres de poésie dramatique, de la Fable, de la Satire, de l'Epître morale, et de l'Ode, il nous reste à parcourir rapidement les poésies d'un ordre inférieur, depuis la Pastorale jusqu'à la Chanson.

Il ne s'agit point ici de la Pastorale dramatique qui nous vint d'Italie en France au commencement du siècle dernier. Elle appartient à l'histoire de la naissance du théâtre français; et comme il n'en a rien conservé, je n'aurai rien à ajouter à ce que j'en ai dit en son lieu, si ce n'est lorsque j'aurai à parler de quelques pièces de ce genre qu'on a faites de nos jours. Le roman pastoral, soit en prose, soit mêlé de prose et de vers, rentre dans l'article des romans. Il n'est donc question que de l'Églogue et de l'Idylle dans le

siècle où nous nous arrêtons.

Ces noms, génériques dans l'origine, ont été particulièrement appliqués à la poésie bucolique ou champêtre depuis que les pièces pastorales de Théocrite et de Virgile ont été publiées sous les titres d'Idylles et d'Églogues. J'ai traité de la

nature de ces petits poëmes, quand ils sont venus à leur rang dans la littérature des anciens. Les modernes y ont eu moins de succès, soit parce que la nature n'en avait pas mis le modèle si près d'eux, soit parce que les écrivains qui s'y sont exercés avaient moins de talent poétique. Cependant trois de nos poëtes s'y sont distingués: Ségrais, Deshoulières et Fontenelle.

Le principal mérite de Ségrais est d'avoir bien saisi le caractère et le ton de l'églogue. Il a du naturel, de la douceur et du sentiment. Imitateur fidèle, mais faible, de Virgile, il fait, comme lui, rentrer dans ses sujets les images champêtres qui leur donnent un air de vérité; mais il ne sait pas à beaucoup près les colorier comme lui. Il donne à ses bergers le langage qui leur convient; mais ce langage manque souvent de cette élégance et de cette harmonie qu'il faut allier à la simplicité. Boileau citait le commencement de sa première églogue, comme ayant bien la tournure propre au genre.

lui.

Tyrcis mourait d'amour pour la belle Climène,
Sans que d'aucun espoir il pût flatter sa peine.
Ce berger, accablé de son mortel ennui,
Ne se plaisait qu'aux lieux aussi tristes que
Errant à la merci de ses inquiétudes,
Sa douleur l'entraînait aux noires solitudes;
Et des tendres accents de sa mourante voix
Il faisait retentir les rochers et les bois.

Cette églogue a d'autres morceaux qui ne sont

pas indignes de ce commencement, et qui sont en général imités des anciens, de manière à ce que tout homme qui a lu puisse reconnaître les originaux.

En mille et mille lieux de ces rives champêtres,
J'ai gravé son beau nom sur l'écorce des hêtres;
Sans qu'on s'en aperçoive, il croîtra chaque jour :
Hélas! sans qu'elle y songe, ainsi croît mon amour....

Sous ces feuillages verts, venez, venez m'entendre:
Si ma chanson vous plaît, je vous la veux apprendre.
Que n'eût pas fait Iris pour en apprendre autant,
Iris que j'abandonne, Iris qui m'aimait tant!
Si vous vouliez venir, ó miracle des belles!
Je vous enseignerais un nid de tourterelles:
Je vous les veux donner pour gage de ma foi;
Car on dit qu'elles sont fidèles comme moi.
Climène, il ne faut pas mépriser nos bocages,
Les dieux ont autrefois aimé nos pâturages;
Et leurs divines mains, au rivage des eaux,
Ont porté la houlette et conduit les troupeaux.
L'aimable déité qu'on adore à Cythère,
Du berger Adonis se faisait la bergère.
Hélène aima Pâris, et Pâris fut berger;
Et berger on le vit les déesses juger.
Quiconque sait aimer peut devenir aimable.
Tel fut toujours d'Amour l'arrêt irrévocable.
Hélas! et pour moi seul change-t-il cette loi?
Rien n'aime moins que vous, rien n'aime autant que moi.

Si l'on en excepte quelques vers négligés, et sur-tout cette inversion vicieuse et contraire au

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