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Et sur les bords du plat six pigeons étalés Présentaient pour renfort leurs squelettes brûlés.

C'est là, j'en conviens, un très-mauvais rôt; mais ce sont de bien bons vers. La pièce entière est écrite de ce style, et l'auteur l'a égayée par la conversation des campagnards, qui forme une espèce de scène fort plaisante. Quant à la raillerie, il y excelle, et personne en ce genre ne l'a surpassé. La satire neuvième, adressée à son Esprit, a toujours passé pour un chef-d'œuvre de gaieté satirique, pour le modèle du badinage le plus ingénieux.

Gardez-vous, dira l'un, de cet esprit critique:
On ne sait bien souvent quelle mouche le pique.
Mais c'est un jeune fou qui se croit tout permis,
Et qui pour un bon mot va perdre vingt amis.
Il ne pardonne pas aux vers de la Pucelle,
Et croit régler le monde au gré de sa cervelle.
Jamais dans le barreau trouva-t-il rien de bon ?
Peut-on si bien prêcher qu'il ne dorme au sermon ?
Mais lui qui fait ici le régent du Parnasse,
N'est qu'un gueux revêtu des dépouilles d'Horace.
Avant lui, Juvenal avait dit en latin

Qu'on est assis à l'aise aux sermons de Cotin, etc.

On ne peut pas railler plus agréablement. La satire sur la Noblesse est fort belle, mais pourrait être plus approfondie. On regarde comme une de ses meilleures, la satire sur l'Homme : c'est une de celles où il y a le plus de mouvement et

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de variété, et qui dans le temps eut le plus de vogue. Desmarets et d'autres écrivains de même trempe en firent une critique très-absurde, en prenant le sens de l'auteur dans une rigueur littérale. Ils crièrent au sacrilége sur le parallèle d'un âne et d'un docteur; ils prouvèrent démonstrativement que l'un en savait plus que l'autre : et je crois que Boileau en était persuadé. Mais qui ne voit que le fond de cette satire est réellement très-vrai et très-philosophique? Qui peut nier que l'homme qui fait un mauvais usage de sa raison ne soit en effet au-dessous de l'animal qui suit l'instinct de la nature? Cette vérité appartient à la satire morale, et Boileau l'a fort bien développée.

pas

On lui a reproché de manquer de verve: on a dit que ses vers étaient froids. Ces reproches ne me semblent fondés il a la sorte de verve dont la satire est susceptible; et Juvénal, qui l'a outrée, est presque toujours déclamateur. Si les vers de Boileau étaient froids, ils auraient le plus grand de tous les défauts on ne les lirait

pas.

Qui dit froid écrivain, dit détestable auteur,

a-t-il dit lui-même, et avec grande raison. Entend-on par vers froids ceux qui n'expriment pas des sentiments et des passions? On se trompe. Les vers ne sont froids que lorsqu'ils n'ont pas le degré d'expression qu'ils doivent avoir relati

vement au sujet ; et si dans le sujet il n'y a rien pour le cœur, le poëte n'est pas obligé de parler au cœur. Boileau, dans ses satires, parle seulement à la raison et au goût. Il faut voir s'il parle froidement des objets qu'il traite, s'il n'y met pas la sorte d'intérêt qu'on peut y mettre dans ce cas, il aurait tort. Mais s'il s'échauffe contre les travers de l'esprit humain et le mauvais goût des auteurs, autant qu'il convient de s'échauffer sur de tels objets, il a de la verve. La verve en ce genre, c'est la mauvaise humeur : et qui peut dire qu'il en manque, qu'elle ne donne pas à son style tous les mouvements qui doivent l'animer? Ouvrez ses écrits au hasard; voyez la satire sur l'Homme, que je viens de citer; entendez - le crier contre le monstre de la chicane:

Un aigle, sur un champ prétendant droit d'aubaine,
Ne fait point appeler un aigle à la huitaine.
Jamais, contre un renard chicanant un poulet,
Un renard de son sac n'alla charger Rolet.
Jamais la biche en rut n'a, pour fait d'impuissance,
Traîné du fond des bois un cerf à l'audience;
Et jamais juge, entre eux ordonnant le congrès,
De ce burlesque mot n'a sali ses arrêts.

On ne connaît chez eux ni placets ni requêtes,
Ni haut ni bas conseil, ni chambre des enquêtes.
Chacun, l'un avec l'autre, en toute sûreté,
Vit sous les pures lois de la simple équité.
L'homme seul, l'homme seul, en sa fureur extrême,
Met un brutal honneur à s'égorger soi-même.

Cours de Littérature. VII.

2

C'était peu que sa main, conduite par l'enfer,
Eût pétri le salpêtre, eût aiguisé le fer :
Il fallait que sa rage, à l'univers funeste,
Allât encor de lois embrouiller un Digeste,
Cherchât, pour l'obscurcir, des gloses, des docteurs,
Accablât l'équité sous des monceaux d'auteurs,
Et pour comble de maux apportât dans la France
Des harangueurs du temps l'ennuyeuse éloquence.

Est-ce là écrire froidement ? Remarquez ce dernier trait contre le fastidieux babil de la plaidoirie, qu'il met avec un sérieux si comique au-dessus de tous les maux que produit la chicane. N'est-ce pas là le cachet de la satire? N'est-ce pas mêler, comme il le prescrit, le plaisant au sévère? En vérité, quoi qu'on en dise, ce Boileau savait son métier. Veut-on lui contester le droit de se moquer des plats écrivains? Écoutez-le :

Et je serai le seul qui ne pourrai rien dire!
On sera ridicule, et je n'oserai rire!

Et qu'ont produit mes vers de si pernicieux,
Pour armer contre moi tant d'auteurs furieux?
Loin de les décrier, je les ai fait paraître ;

Et souvent, sans ces vers qui les ont fait connaître,
Leur talent dans l'oubli demeurerait caché.
Et qui saurait, sans moi, que Cotin a prêché?
La satire ne sert qu'à rendre un fat illustre;
C'est une ombre au tableau, qui lui donne du lustre.
En les blâmant enfin, j'ai dit ce que j'en croi;
Et tel qui m'en reprend en pense autant que moi.
Il a tort, dira l'un; pourquoi faut-il qu'il nomme?

Attaquer Chapelain! ah! c'est un si bon homme!
Balzac en fait l'éloge en cent endroits divers.

Il est vrai, s'il m'eût cru, qu'il n'eût point fait de vers: Il se tue à rimer : que n'écrit-il en prose?

Voilà ce que l'on dit : et que dis-je autre chose? En blåmant ses écrits, ai-je d'un style affreux Distillé sur sa vie un venin dangereux ?

Ma muse, en l'attaquant, charitable et discrète,
Sait de l'homme d'honneur distinguer le poëte.
Qu'on vante en lui la foi, l'honneur, la probité,
Qu'on prise sa candeur et sa civilité;

Qu'il soit doux, complaisant, officieux, sincère:
On le veut, j'y souscris, et suis prêt à me taire.
Mais que pour un modèle on montre ses écrits;
Qu'il soit le mieux renté de tous les beaux-esprits;
Comme roi des auteurs, qu'on l'élève à l'empire;
Ma bile alors s'échauffe, et je brûle d'écrire :
Et s'il ne m'est permis de le dire au papier,
J'irai creuser la terre, et, comme ce barbier,
Faire dire aux roseaux par un nouvel organe :
Midas, le roi Midas a des oreilles d'âne.

Et c'est là cet homme sans verve, ce versificateur froid! Le Misanthrope, dans ses accès, at-il un autre ton? Prenons même cette satire contre la Rime, si souvent censurée. Je sais que la rime importe fort peu à beaucoup de gens; mais elle désole parfois ceux qui la cherchent. Voyons s'il n'en parle pas en poëte, et en poëte satirique.

Encor si pour rimer, dans sa verve indiscrète,
Ma muse au moins souffrait une froide épithète,

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