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å Pierre Corneille, et l'on a continué de faire rencontre masculin dans certains cas.

L'annotateur de Vaugelas, d'accord en cette circonstance avec l'auteur des Remarques, comme avec l'usage établi, censure encore indirectement ce vers de son frère :

Il venoit à plein voile...,»

(Pomp., 1, 1.)

en prononçant qu'il faut dire « caler la voile, et non pas le voile; les voiles enflées par le vent, et non pas enflés, et qu'en ce sens, voile est toujours féminin. »>

Notre poëte, dans sa révision générale, adopta définitivement la forme intrique, pour intrigue qu'il avait d'abord employé, en 1637, dans l'épître dédicatoire de la Place-Royale; de plus, dans la scène vi de l'acte premier du Menteur, il a fait ce substantif masculin:

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Vous peuvent engager en de fâcheux intriques. »

Thomas Corneille condamne et la forme et le genre adoptés par son frère :

« Intrigue, dit-il, est présentement toujours féminin. Ceux qui ont écrit intrique l'ont fait pour faire rimer ce mot avec pratique. C'est une licence que la poésie ne sauroit excuser. » (Not. sur les Remarques de Vaugelas, CXXIX.)

Et dans l'édition qu'il donna, en 1692, des œuvres de Pierre Corneille, il changea les deux vers du Menteur ci-dessus rapportés, pour faire disparaître le mot intriques.

Il ne fait pas davantage grâce aux vieilles formes orthographiques, comme submission pour soumission, et aux licences poétiques qui contrarient la grammaire, ainsi qu'on le verra par plusieurs articles du Supplément de notre Lexique.

On s'expliquera cette différence dans la manière dont Pierre Corneille écrivait et dont Thomas jugeait le style, si l'on se rappelle que ce dernier, plus jeune de dix-neuf ans que son frère, avait plus que lui vécu à Paris, avait davantage fréquenté les bons écrivains de la seconde moitié du siècle, et surtout avait beaucoup lu Racine, dont il a imité la manière dans Ariane, son chef-d'œuvre, et son seul titre incontestable à la gloire de poëte tragique.

Pierre Corneille voulut aussi modifier son style d'après le changement de l'usage. Nous l'avons vu renoncer à certains archaïsmes

tombés en désuétude. Il fit aussi bien des retouches de diverse nature dans le détail du style. Un seul exemple montrera combien elles étaient quelquefois minutieuses et scrupuleuses. En 1645, il avait écrit dans la Suite du Menteur :

Laissez-les s'écouler, je vous dirai qui c'est. »

(A. III, sc. 4.)

En 1682, il corrigea pour mettre :

<< Laissez-les s'échapper, je vous dirai qui c'est. >>

Mais généralement ces retouches ne furent pas très-heureuses. Corneille était essentiellement un écrivain de jet. Il ne savait guère chercher ni travailler ses corrections, et souvent quand il voulait ainsi modifier de sang-froid ce qu'il avait écrit de verve, son instinct l'abandonnait, et à des beautés de premier ordre censurées peut-être par une critique infime ou timide, il substituait des expressions beaucoup plus communes. C'est ainsi qu'il supprima la poétique expression :

<< Au milieu de l'Afrique arborer ses lauriers, »

et la remplaça par ce vers:

Du sang des Africains arroser ses lauriers; »

parce que Scudéry, l'Académie et Ménage avaient déclaré qu'on ne peut pas dire arborer un arbre.

Il avait d'abord dit dans Pompée, IV, 4:

<< Je n'irai point chercher sur les bords africains
Le foudre punisseur que je vois en tes mains. >>

Dans une révision, il affaiblit le vers en mettant le foudre souhaité, au lieu du foudre punisseur, que Molière saura reprendre et s'approprier très-heureusement. Ah! que le poëte garde ses archaïsmes, ses hardiesses, et même ses incorrections, plutôt que de nous priver d'aucune de ces originalités et de ces créations de génie qui feraient tout pardonner.

Le père de la tragédie française ayant si peu innové dans le mot et dans l'expression, un Lexique de Corneille n'aura donc à étudier qu'un bien petit nombre de faits de langue particuliers à ce poëte, mais il offrira l'occasion d'expliquer une multitude de termes et de manières de dire très-usités au dix-septième siècle, et dont cependant aucun dictionnaire n'a coutume de s'occuper.

Notre livre offrira un grand nombre de ces études toutes

neuves sur la diction des grands écrivains qui ont fondé ou perfectionné la langue classique, et en ont étendu le domaine par des alliances nouvelles et heureuses. Nous indiquerons quelquesunes de ces espèces de monographies philologiques, et nous insisterons même sur des détails dont beaucoup de lecteurs pourront profiter. A l'occasion, nous compléterons notre Lexique au point de vue de la langue générale du dix-septième siècle. Corneille emploie très-souvent avancer dans le sens de faire réussir, de servir:

< Votre fourbe inventée à dessein de nous nuire,
Avance nos amours au lieu de les détruire. >>

<< Et ma timidité s'efforce d'avancer

Ce que hors du péril je voudrois traverser. »

<< Pour avancer l'effet de ce discours fatal. »
Les intérêts du prince avancent trop les miens
Pour... >

(Mél., v, 6.)

(Méd., III,
(Pol., 1, 3.)

1.)

(Tite et Bér., 111, 3.)

On peut voir au Lexique les autres exemples, et le texte complet de ceux que nous ne faisons qu'indiquer ici.

Corneille emploie encore avancer dans le sens de gagner:

<Et jamais sur ce cœur on n'avancera rien,

Qu'en me donnant un sceptre ou me rendant le mien. »
« Je parle, promets, prie, et je n'avance rien. »

Enfin, il s'en sert dans le sens de mettre à exécution:

<< Il est temps d'avancer ce qu'il faut que je fasse. »

(OEd., 1, 1.

(Sur., 11, 3.))

(Rodog., v, 3.)

Toutes ces significations si curieuses se rencontrent partout dans les écrivains de la fin du seizième siècle et dans ceux du dixseptième. Nous ne pouvons pas reproduire ici tous les exemples cités dans notre Lexique, pour établir une acception connue de si peu de personnes. Il suffira d'en présenter en abrégé quelques-uns, d'autant que nous espérons qu'on les voudra lire tous dans le livre:

<< Leur rage a mis au jour ce qu'elle avoit de pire;

Certes, je le puis dire.

Mais je puis dire aussi qu'ils n'ont rien avancé. »

(MALH., Trad. du Ps. cxxvII.)

Avancer l'œuvre, avancer le traité. (HENRI IV.)-Ce que l'on avança fut que... (MALH.) — Avancer une conquête. (Boss.) — Avancer une entreprise. (ST-REAL.)— Avancer les intérêts de la religion. (MASS.) — Avancer un projet. (Boss.) — Avan

cer un dessein. (LA ROCHEF.) - Tout ce qui avance notre élévation. (Boss.) — Ils n'avoient pas beaucoup avancé de s'être défaits de Ferdinand.» (FLÉCH.)

D'une manière analogue, avec le pronom personnel :

(P. CORN., La Veuve.)

<< Notre heur ne peut s'avancer qu'en... » Le verbe rompre se prenait aussi dans plusieurs acceptions remarquables qui ont maintenant besoin d'être expliquées. Ainsi il avait fréquemment le sens d'empêcher d'avoir lieu : « Rompre un coup, des coups, rompre des spectacles, rompre des effets, des projets, des succès, une entreprise, un obstacle. » (P. CORN.) — « Rompre des plaisirs. » (LARIV.) « Rompre un malheur. » (D'URFÉ, TH. CORN.) « Rompre une partie. » (Mme DE VILLED.)« Rompre un dessein. » (BRANT., P. CORN., Boss., Mme DE VILLED.) Rompre un coup est une expression prise du jeu de paume, et toutes les locutions analogues que nous avons citées sont de légitimes extensions de la signification première, quoi qu'en ait dit Voltaire en critiquant rompre des spectacles.

-

A propos du vers de Corneille,

<< Et ce n'est pas pour être aux termes d'en mourir, » (Pulch., 11, 3.) nous avons encore fait une étude approfondie sur des manières de parler fréquentes au seizième et au dix-septième siècle. Nous avons montré qu'on disait souvent être aux termes de, ou être en termes de, ou bien encore être en terme de, suivi d'un infinitif, pour signifier être au point, être sur le point de; qu'on trouve également être sur les termes de, pour signifier être sur le point de, ou être en position, être en mesure de; et dans des sens analogues, être en grands termes de; qu'enfin on disait mettre aux termes de, réduire à telle ou telle extrémité, ou mettre en état de, et réduire aux termes que, réduire à un tel état que.

Il y a encore trop d'hommes qui croient que, hors le Dictionnaire de l'Académie, - nous parlons de l'ancien, il n'y a pas de salut. Ils pourront être désabusés par beaucoup d'articles semblables à plusieurs de ceux que nous venons de mentionner: quelques-uns rappellent des faits de langue décidément vieillis, mais les autres devraient encourager à d'heureux rajeunissements.

Cette grande et belle langue du dix-septième siècle, qui possédait tant de richesses et de ressources, avait une aisance de varier

les locutions que nous avons perdue. Nous prouverons ici par quelques exemples un fait dont notre livre tout entier est la démonstration.

On dit habituellement donner lieu, laisser lieu de; au dix-septième siècle cette locution se modifiait en mettant un adjectif devant lieu :

< Ce sont des termes qu'il a si peu expliqués, qu'il nous laisse grand lieu de douter de ce qu'il veut dire. » (P. CORN., Prem. Disc.)

<< Ne donnerez-vous point quelque lieu de vous dire...? »

(Id., Pulch., I, 1.)

On mettait aussi un adverbe de quantité devant lieu :
Carlos a tant de lieu de vous considérer. >

(P. CORN., D. Sanche, v, 1.)

« Qui vous avoient donné tant de lieu de vous plaindre. »

(Id., Agés., V, 7.)

La locution un peu vieillie rendre combat, rendre le combat, se variait de vingt ou trente manières, au propre ou au figuré : ne rendre point de combat, ne rendre aucun combat, rendre plus de combat, rendre tant de combats, rendre des combats superflus, rendre de grands combats, sans presque rendre de combat, rendre un combat très-furieux, rendre de beaux combats, ne rendre qu'un combat trèscourt, rendre des combats faibles.

Il est en votre main, pour signifier il est en votre pouvoir, il dépend de vous, est une locution toute faite et très-ancienne. Corneille la modifie en la faisant suivre de de et d'un infinitif :

< S'il n'est pas en sa main de m'arrêter au jour. »
<< Mais il est en ta main de le rendre impuissant.

D

(OEd., 1, 1.)

(Imit., iv, 10.)

Une des locutions où apparaît le mieux l'aisance heureuse qu'on avait dans la vieille bonne langue de varier et de nuancer l'expression, c'est la locution tirer raison, et faire raison. On disait, comme aujourd'hui, tirer raison, mais on disait encore, avec l'adjectif possessif, tirer sa raison :

<< Mourir sans tirer ma raison! »

(P. CORN., Le Cid.)

On disait, d'une manière analogue, avoir sa raison, avoir sa raison de :

« Que li papes sa raison ut. » (G. GUIART.)— « J'en auray tousjours ma raison, » (R. BELLEAU.) — « Ha! j'en auray ma raison. » (Larivey.)

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