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ne fit que de rares et assez courtes apparitions à Paris, où il ne se fixa qu'à la fin de 1662, longtemps après avoir donné tous ses chefs-d'œuvre, et quand il avait déjà, dans l'édition de 1660, arrêté presque définitivement son texte. La langue de son contemporain Pascal paraît moins vieillie; c'est, indépendamment du tour naturel de ce noble esprit, qu'il avait davantage ressenti l'influence de la capitale.

Malgré ses prédilections et surtout ses habitudes d'éducation, Corneille ne s'obstina pas systématiquement dans l'archaïsme, et, dans ses révisions, il abandonna quelques vieux termes passés de mode.

Ainsi les premières éditions de Mélite, depuis 1633 jusqu'à 1654 inclusivement, donnent ce vers :

<< Ne te colère point contre mon insolence. » Dans les dernières, il a été changé ainsi :

<< N'entre point en courroux contre mon insolence. >>

(A. iv, sc. 6.)

Corneille ne garda que jusqu'à 1654 le vieil adjectif bigearre pour bizarre, qu'il avait d'abord employé dans la Galerie du palais: Cette bigearre humeur n'est jamais sans soupçon. »

Il avait dit d'abord, dans Cinna, II, 2:

« Auguste aura soûlé ses damnables envies. »

Ce vers se lit ainsi jusque dans l'édition de 1654. Mais, le verbe soûler ayant été banni du style noble, le poëte fit cette correction: << Octave aura donc vu ses fureurs assouvies. »

Dans les premières éditions de la Veuve, jusqu'à 1654 inclusivement, il avait mis :

<< Vain et foible soulas en un coup si funeste. >>

Le substantif soulas ayant vieilli, il fit ce changement :

<< Foible soulagement en un coup si funeste. »

Dans la première édition de Mélite, 1, 6, on lisait :

• ...

Adieu, des raisons de si peu d'importance

N'ont rien qui soit bastant d'ébranler ma constance. »

Aux éditions suivantes, Corneille supprima le vieux mot bastant, capable, et mit:

<< Ne pourroient en un siècle ébranler ma constance. »

Cet adjectif, d'un usage si fréquent au seizième siècle, se trouvait encore dans la première édition de l'Illusion comique, (11, 7):

< Me croyez vous bastant de nuire à votre feu? >

Dans les éditions postérieures à 1654, Corneille fit ce nouveau changement:

<< Me prenez-vous pour homme à nuire à votre feu? >>

En effet, ce mot, encore indiqué dans le Triumphus linguæ gallica, de Raillet (1664), vieillissait décidément, et, passé la seconde moitié du dix-septième siècle, on ne le voit plus guère employé, si ce n'est par La Fontaine, dans ses Contes, ou par quelques partisans déclarés de l'archaïsme, comme Saint-Simon.

Dans les premières éditions de Mélite, il s'était servi de consommer pour consumer, conformément à l'ancienne pratique de la langue :

< Un feu qui la consomme... »

Dans l'édition de 1660, cédant à la réclamation de Vaugelas contre la confusion de consommer et consumer, il substitua consumer à consommer, qui était la vraie forme gauloise, mais dont Molière, presque seul parmi les bons écrivains, continuait de faire usage.

Après avoir employé le vieil adverbe possible, dans les premières éditions de Mélite, de 1633 à 1654, il finit par l'effacer et cessa de l'employer: Vaugelas l'avait censuré, et il ne passait plus pour être du beau style.

Pour certains mots et pour certaines locutions, Corneille se montra donc docile aux caprices de l'usage. Mais il est loin de s'y être soumis, dans sa longue carrière et dans la variété de ses productions, comme l'ont fait d'autres auteurs de cette belle époque de l'art d'écrire, Bossuet, par exemple, dont le style offre de si curieuses et de si importantes transformations aux diverses périodes de sa brillante et féconde vie d'écrivain. P. Corneille, pour le mot et pour le tour, resta bien plus l'homme de ses débuts; la langue de sa vieillesse tranchait assez vivement avec la langue nouvelle de la cour, avec la langue épurée de Racine et de Boileau.

Jusque dans ses derniers ouvrages, il conservait des mots de

l'autre siècle; il disait rechanté, pour signifier qui a été l'objet de beaucoup de chants, célébré, vanté : « Ces murs si rechantés, » (parlant de Troie); évader, pour s'évader; rapporter à, pour se rapporter à, avoir du rapport avec : Dont vous verriez l'humeur rapportant à la vôtre, etc.; défaire, pour se défaire; rapprocher, pour se rapprocher: S'il ne faut qu'empêcher qu'un si fidèle amant n'en puisse rapprocher; séjour, pour retard, délai.

Il garde aussi de vieilles formes orthographiques qui n'étaient plus de mode '. Il écrit vefve, quand Malherbe et Vaugelas écrivaient veuve. Il continue à dire submission, quand soumission avait déjà prévalu.

Un fait sert, avec beaucoup d'autres, à montrer quels changements s'étaient opérés dans la langue en quelques années du règne de Louis XIV, et sous l'influence des purs et brillants écrivains de la nouvelle période, qui date de 1660. Ce fait, c'est que Thomas Corneille, qui vécut toujours avec son frère dans une parfaite conformité de sentiments et d'idées, écrivant des notes sur les Remarques de Vaugelas, se prononce très-souvent contre des expressions et des manières de parler employées par le grand tragique, et les déclare vieillies, impropres ou dépourvues d'élé

gance.

Pierre Corneille emploie souvent estime pour dire gloire, répuiation. Ce sens passif est condamné par Thomas en ces termes :

<< Je ferois difficulté d'employer estime autrement que dans la signification active, comme son estime est une chose que tout le monde recherche avec soin, pour dire l'estime qu'il a pour ceux qui ont du mérite est recherchée de tout le monde, mais il me semble qu'on ne diroit pas fort bien, dans la signification passive, son estime diminue de jour en jour, pour dire l'estime qu'on avoit pour lui. Estime est un mot qui approche de considération ; on dit fort bien : tous les honnêtes gens ont beaucoup d'estime et de considération pour lui, mais comme on ne sauroit dire, sa considération diminue, pour dire la considération qu'on avoit pour lui, je

On sait, d'ailleurs, et nous n'avons pas besoin de répéter avec détails que Corneille avait des habitudes orthographiques particulières, qu'il eut un systeme d'orthographe à lui, et que nombre de ses innovations, plus ou moins promptement adoptées, ont triomphé définitivement. Ainsi, on l'a déjà remarqué, c'est lui qui, le premier, proposa d'écrire éblouir, ébranler, il étoit, au lieu d'esblouir, esbranler, il estoit, et d'accentuer sévérité, qu'on écrivait severité. Dans la dernière édition de ses œuvres, faite par lui avec le soin le plus attentif en 1682, deux ans avant sa mort, il a ramené à l'orthographe étymologique beaucoup de mots comme intriques, ambrosie, functions, prétensions, dissention, submission. Il a ramené plusieurs autres mots à l'orthographe française, tel que courier, qu'il écrit avec un seul r, comme courir.

ne crois pas que l'on puisse dire, son estime diminue, dans le même sens qu'on a dit, sa réputation diminue. » (Not. sur les Remarques de Vaugelas, DXLI.)

Il déclare aussi que le mot discord, qui se trouve dans le Cid, est tout à fait hors d'usage.

Pierre Corneille a employé d'une manière absolue période, substantif masculin, pour signifier le point le plus élevé, apogée. Il dit : « Les sciences et les arts ne sont jamais à leur période, » comme Vaugelas dit : « monté au période de la gloire ; » Thomas Corneille condamne cette manière de dire quand il fait cette

note :

« On ne dit point monté au période de la gloire. Il faut dire au plus haut période de la gloire, comme on dit jusqu'au dernier de la vie. »

Pierre Corneille emploie auparavant avec un régime. Thomas, à propos de la remarque CCCCXLVIII de Vaugelas, proscrit formellement cette manière de parler :

< Non-seulement, dit-il, auparavant lui et auparavant que vous soyez venu, ne sont point du bel usage, mais ce sont des fautes contre la langue. Il faut dire avant lui et avant que vous soyez venu, auparavant ne pouvant être qu'adverbe. »

Il condamne également dedans, employé avec un régime pour dans :

< On a rendu la langue française si pure, dit-il, qu'il n'est plus permis aux poëtes, non plus qu'à ceux qui écrivent en prose, de mettre les prépositions composées pour les simples. Ainsi il faut dire, sur, sous, dans et hors en vers, et non pas, dessus, dessous, dedans, dehors, lorsqu'il suit un substantif, et que ces prépositions ne peuvent tenir lieu d'adverbes. » (Note sur la Remarque CXXVIII.)

Devers, dans Pierre Corneille, est très-souvent suivi d'un nom de personne, comme vers. Cependant Thomas déclare que « devers est une préposition qui a vieilli, et dont il n'y a plus que le peuple qui se serve. » Il proscrit encore plus fortement la lourde et vicieuse locution du depuis, pour depuis, qui se trouve employée dans le Menteur. «Non-seulement, observe l'annotateur de Vaugelas, on n'écrit plus du depuis, mais même ceux qui parlent bien ne le disent point dans la conversation la plus familière. » (Note sur la Remarque CLXXXIII.)

Il n'aime pas davantage cependant que, pour pendant que, employé par son frère dans Polyeucte, dans Pompée, dans Andromède :

Nous avons de très-beaux ouvrages, dit-il, où cependant que est employé,

b

c'est assurément une faute, et il faut dire, en vers aussi bien qu'en prose, pendant que je faisois, et non pas cependant que je faisois. » (Notes sur les Remarques de Vaugelas, CCXVI.)

Pendant que prévalut, mais, nous l'avons observé, cependant que ne fut pas tout à fait rejeté, et on en trouve des exemples en vers jusqu'à nos jours.

Thomas Corneille condamne encore l'emploi de comme, pour que, dans une phrase comparative :

<< Autant, comparatif, dit-il, est la même chose qu'aussi et si pris pour adeo, et tous les trois demandent que après eux et jamais comme.» (Not, sur les Remarques de Vaugelas, CCXXXI.)

Avec Vaugelas et Ménage, et contre l'avis de Chapelain, il rejette du style élevé possible, pour peut-être. Il prononce, avec Chapelain, que l'expression des mieux, pour le mieux, au mieux,

<< Je n'entends pas des mieux »

(Agés., Iv, 4.)

« Je m'acquitte des mieux de la charge commise, » (La Pl. Roy., 1, 2.)

« n'est point reçue par ceux qui ont quelque soin d'écrire correc

tement. >>

On verra dans le Lexique beaucoup de phrases de Corneille comme celles-ci :

<< Surpris, ravi, confus, je n'ai que repartir. »

<< Nous n'avons désormais que craindre de sa part. >>

(La Suiv., 111, 10.)

(Med., 11, 4.)

Voltaire y a vu des barbarismes. Avant lui, Thomas Corneille avait condamné ces sortes de phrases. Il s'exprime ainsi au sujet de la Remarque CCCCXCII de Vaugelas:

<< On dit fort bien, il ne sait que faire, il ne sait que dire; mais il semble que cela doit être absolu, et que quand il suit quelque chose, il est mieux de se servir de rien à. Ainsi je dirois, n'ayant rien à répondre à ses reproches, n'ayant rien à dire à ceux qui l'interrogeoient, plutôt que, n'ayant que répondre ses reproches, n'ayant que dire à ceux qui l'interrogeoient. »

Cependant cette forme facilitait la versification. Selon nous, Pierre Corneille a bien fait d'en profiter, et rien n'empêcherait encore les poëtes de l'imiter à l'occasion.

Thomas Corneille condamne aussi dans plusieurs substantifs le genre adopté par son frère. D'accord avec Patru, il veut qu'on fasse toujours rencontre féminin. Cette fois, l'usage a donné raison

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