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Corneille. C'est ainsi que l'historien de la Conjuration des Gracques a dit:

< Ses vertus personnelles ne cédoient ni à celles de son père, ni à celles de sa mére. >

Obliger, dans l'auteur d'Horace, a la force du latin obligare, et veut dire lier par un devoir, mettre dans une certaine dépendance morale à l'égard de quelqu'un :

<< Envers un ennemi qui nous peut obliger?>

(Hor., 1, 3.) Construisant éprouver comme le latin experior, il le fait suivre d'un qualificatif :

Toujours de plus en plus je l'éprouve cruelle. » Crébillon a dit d'une manière toute semblable:

(L'Ilius., 11, 1.)

(Rhadam., 1, 1.)

<< Cruelle! si l'amour vous éprouve inflexible, A ma triste amitié soyez du moins sensible. » Suivant La Harpe, «l'amour vous éprouve inflexible n'est pas français 1. » Il aurait mieux valu observer que c'est un latinisme peu usité en français moderne. Crébillon, d'ailleurs, affectait cette construction; on la rencontre jusqu'à trois fois dans un seul acte d'une de ses pièces :

Si ma triste douleur vous éprouve inflexibles;
Du moins ne laissez pas succomber ma vertu
Sous les divers transports dont je suis combattu. »

<< Je lui dois d'un ami le secours et la foi:

Il ne l'éprouvera légère, ni perfide. »

Mes pertes, mes périls n'ont rien d'assez terrible
Pour un roi que l'honneur éprouve seul sensible. »

(Pyrrhus, 1, 1.)

(Ibid.)

(Ibid., 1, 2.)

Corneille dit s'oublier de, avec un substantif, par imitation du latin obliviscor, avec un génitif, « s'oublier de son néant. »

Les adverbes, les prépositions, les conjonctions nous donneraient lieu de relever bien des latinismes de Corneille. Pour le moment, nous nous contenterons de signaler une manière trèscurieuse d'employer l'adverbe ainsi, à l'imitation du Sic te diva potens Cypri, d'Horace :

« Ainsi vienne bientôt cette heureuse journée
Qui nous donne le reste en faveur d'hyménée. »

(Mėl., 1, 4.)

1 Lycée, 3 p., 1. 1, ch. iv, sect. 1.

Du reste, ce latinisme n'a rien de particulier à Corneille. Il a été fréquemment employé au seizième siècle, notamment par Joachim du Bellay, par J.-A. de Baïf, et on le retrouve au dixseptième siècle dans Mairet, dans Rotrou, dans La Fontaine, dans madame Deshoulières, dans Fénelon.

Corneille a aussi beaucoup de latinismes de syntaxe. Comme les latins, il emploie volontiers le comparatif pour le superlatif, mieux, pour le mieux :

<< Et je tiendrois des deux celui-là mieux épris
Qui... »

Plus, pour le plus :

<< Ton sexe qui défend ce que plus il désire. »>

(Don Sanche, 1, 4.)

(Clit., v, 3.)

On verra dans le Lexique combien ce latinisme était fréquent au seizième et au dix-septième siècle.

Il aime à employer plus sans négation, dans le sens de davantage, encore:

<< Tais-toi, si jamais plus tu me viens avertir... » (Le Ment., 1, 5.) Le latinisme se retrouve également dans le genre que Corneille donne à certains noms, comme épigramme, épitaphe, idole, insulte, limite, voile, qu'il fait masculins, et âge qu'il fait féminin.

Il se retrouve aussi dans la préférence qu'il accorde à certaines formes, comme intrique, qu'il préfère à intrigue, parce que le premier se rapporte davantage à l'étymologie latine intrica.

On vient de voir combien, dans la langue de Corneille, le latinisme est dominant. L'archaïsme ne l'est pas moins. La diction de ce poëte réformateur et créateur, qui contribua tant à fixer le génie de notre langue, se rattache par quantité de points à la langue et à la littérature qui finissaient quand il débuta. Il aime certains vieux termes qui commençaient à n'être plus guère usités, et quelquefois il en fait l'usage le plus poétique. Nous ne les avons pas consignés tous dans notre Lexique parce que plusieurs sont très-connus, et qu'ils ne donnaient lieu à aucune observation particulière, par exemple, coupeau pour sommet, cime:

<< Tiens-y toi solitaire, et tel qu'un passereau
Qui d'un arbre écarté s'est choisi le coupeau. >

Il emploie closage pour enclos:

(Imit., iv, 12.)

« Un bœuf piqué du taon, qui, brisant nos closages... » (Clit., 11, 7, 1re éd.)

Il dit encore, avec Brantôme, suasion pour persuasion. Il se sert d'allégeance pour dire soulagement: foible allégeance, vaine et fausse allégeance, donner une fausse allégeance, pour mon allégeance. Comme Étienne Pasquier, comme Malherbe, il se sert de couche, au singulier, pour signifier enfantement, couches:

< Vierge devant ta couche, et vierge après ta couche. »

(OEuvr. div., Louanges de la Vierge.)

Dans la préface de Clitandre, dans l'Illusion comique, dans le Menteur, dans les Discours sur le poëme dramatique, Corneille donne à occasion le sens de raison, motif, sujet, comme on le fit jusqu'à Voiture, un des derniers chez qui on trouve des exemples de cette signification propre au seizième siècle.

A l'exemple de Montaigne, et par latinisme, il donne à conférer, dans l'Imitation, le sens d'être utile à, de contribuer, de servir à :

<< A son avancement l'un et l'autre confère. »

(Imit., 1, 19.)

Il emploie au figuré, et avec le pronom personnel, le vieux verbe déglacer, qu'on rencontre dans les Poésies de Loys le Caron, et qui est inséré dans les dictionnaires de Cotgrave et d'Oudin. Il dit :

< Tout mon corps se déglace... »

(L'Illus. com.)

Il se sert du verbe épartir, avec le pronom personnel, pour signifier se répandre, se distribuer :

< La bruine à son choix s'épart sur les humains,
Comme s'épurtiroit la cendre..., »

(Trad. du Ps. 147.)

employant ainsi une expression qui se trouve non-seulement dans Vauquelin de la Fresnaye, dans Théophile, mais dans un de nos plus anciens et de nos plus célèbres trouvères :

<< Vit la porrière (poussière) qui s'espart contremont

Que font saillir li destrier arragon. >

(RAIMBERT DE PARIS, Ogier de Danemarche, v. 6461 )

Il dit posé que, pour supposé que, ancienne locution qu'on trouve, dès le quatorzième siècle, dans Jehan d'Arras.

Il emploie plusieurs fois comme pour comment, avec ou sans interrogation.

Un siècle manie et conduit ses pensées tout différemment d'un autre siècle. La succession des temps, le changement des mœurs, mille causes graves ou légères, amènent dans la langue, comme

dans tout le reste, des mutations qu'il faut accepter et contre lesquelles personne ne peut rien. Des mots tombent, d'autres naissent; les acceptions des termes se remplacent les unes les autres. Tous les esprits sensés se plient à ces variations de l'usage, mais ils les trouvent quelquefois très-malheureuses.

Certes, sans être un défenseur systématique de l'archaïsme, il est permis de désirer et de conseiller la reprise de quelques-uns de ces anciens mots qui, employés avec jugement, donnent de la dignité et de la majesté au style grandiorem reddunt orationem, comme parle Cicéron, ou bien lui communiquent de la grâce, de l'aisance et de la variété. « Il serait à souhaiter que la plupart des termes dont Corneille s'est servi fussent en usage. Son nom devrait consacrer ceux qui ne sont pas rebutants, » a dit Voltaire', dans un de ses moments de parfait bon sens et d'intelligente justice.

Le commentateur du grand tragique a lui-même indiqué quelques-uns des termes et quelques-unes des locutions de Corneille dont on aurait dû garder l'usage. Ainsi exorable, hostie, dans le sens de victime, invaincu, ce que, pour autant que :

<< Et Pompée est vengé ce qu'il peut l'être ici. »

(Pomp., v, 4.)

<< N'est-ce pas dommage, demande avec raison Voltaire, que cette expression ait entièrement vieilli? On dirait aujourd'hui : << autant qu'il peut l'être; » mais « ce qu'il peut l'être » n'est-il pas plus énergique ? »

Corneille dit mes flammes, et non pas seulement ma flamine, comme on dit mes feux, en parlant d'amour :

Que l'ardeur de Clarisse est égale à vos flammes. » (Le Ment., 111, 2.) Voltaire est d'avis qu'on l'imite, en dépit de la décision des grammairiens et des lexicographes.

Comme le célèbre commentateur, nous voudrions voir rajeunir toutes ces expressions, mais quelques autres nous paraissent particulièrement regrettables, comme

Charmeur, adjectif ou substantif :

<< Que de ses tons charmeurs l'amoureuse tendresse. >
« S'il est civil ou rude, importun ou charmeur. » (La Gal.
Éloignez quelque temps ce dangereux charmeur. »

(Imit., iv, 17.)

du Pal., 1, 8.)

(La Veuve, 11, 2.)

Rem. sur Hor., 1, 1.

Déceptif, trompeur, dont l'objet est de tromper, mot qui est appelé par déception et décevoir, et dont nous citons d'excellents emplois de Corneille, et de divers auteurs depuis le quinzième siècle, présent déceptif, langage déceptif, langue déceptive, mots déceptifs, actions déceptives, intention déceptive, image déceptive, mets déceptif, etc.

Instruisant, adjectif, parole instruisante, mot expressif et nécessaire qui a été employé par Pascal, par Malebranche, par Charles Perrault.

Pipeur, trompeur, dont Montaigne, Tahureau, d'Urfé montrent, avec Corneille, l'utilité et la grâce.

Hantise, dérivé de hanter, pour fréquentation, dont le président Hénault s'est encore servi dans ses Mémoires.

Martel, qui n'est plus d'usage qu'en cette phrase figurée, martel en tête, et qui s'employait autrefois dans des alliances de mots extrêmement variées : donner tant de martel; ô combien de martels j'ai donnés! prendre quelque martel d'une chose; le martel d'amour; ôter le martel à quelqu'un; mettre en martel, etc.

Parentage, pour parenté, qu'on trouve depuis Lancelot du Lac jusqu'à Delille.

Incontestablement, tous ces mots et toutes ces locutions sont autant de richesses perdues.

Quelques-unes des vieilles manières de parler que Corneille employait comme tous les auteurs de sa date n'ont rien pour l'élégance ni pour l'énergie qui les puisse faire tant regretter, mais cependant elles facilitaient et variaient la diction. Telle est la locution fournir de, employée comme servir de, ou fournir activement : « Cet amour paternel qui te fournit d'excuses... Alost n'eût point fourni de matière à ta gloire, » etc., dont nous avons présenté tant d'exemples du seizième et du dixseptième siècle, de Larivey, de d'Aubigné, de Bouchet, de Malherbe, de Saint-Amant, de Guy Patin, de La Rochefoucauld, de Perrault, de Racine, de madame Deshoulières, de madame de Villedieu, etc. Vaugelas et Ménage avaient frappé de leurs censures cette locution. Elle n'en continua pas moins, jusqu'à la fin du siècle, d'être fréquemment employée.

Quelquefois les archaïsmes de Corneille sont en même temps des provincialismes contractés dans sa Normandie. On sent un peu le provincial dans P. Corneille. Il passa toute sa jeunesse en Normandie, à Rouen, y résida ensuite presque constamment, et

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