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mille, qui réside encore dans la ville où il est né, a cu lieu de s'applaudir plus d'une fois de l'honneur de lui appartenir. On n'oubliera jamais le magistrat (1) qui le premier a voulu qu'elle fût exempte de toute imposition, croyant sans doute que La Fontaine avoit payé à la France un assez beau tribut, en lui laissant ses écrits et son nom. Il est donc de la destinée du génie de travailler rarement pour lui-même, et de n'avoir de puissance que dans l'avenir ! La Fontaine est négligé pendant sa vie. Les libéralités de Louis XIV, prodiguées même aux étrangers, s'éloignent de lui; et quand il n'est plus, on distingue, on récompense ceux qui n'ont d'autre titre, d'autre avantage que son nom. Les Princes du Sang de nos Rois, les Filles augustes du Monarque (2), regardent comme un dépôt digne de leurs mains royales l'éducation de la nièce et du neveu de La Fontaine ! Ces heureux enfans croissent sous cette protection bienfaisante, en bénissant l'homme illustre, qui, près d'un siècle après sa mort, peut beaucoup plus pour eux qu'il n'a jamais pu pour lui! Oh! que le génie se dise à luimême, en voyant cet exemple et tant d'autres : « Ce » n'est pas à moi d'attendre beaucoup des hommes ;

(1) M. d'Armenonville.

(2) Le seul fils qu'ait eu La Fontaine a laissé deux filles, qui vivent encore à Château-Thierry, et un fils qui est mort employé dans les Fermes. Il restoit de ce dernier deux filles et un fils; l'une des deux filles fut élevée auprès de ses tantes ; l'autre l'a été dans un couvent auprès de Versailles, sous la protection de Mesdames, tantes du Roi Louis XVI. M. le duc d'Orléans se chargea de l'éducation du fils. Les fermiers-généraux firent présent aux deux petites-filles de La Fontaine, établies à Château-Thierry, d'un trèsbel exemplaire de la magnifique Edition de La Fontaine, in-folio.

lxxij.

ÉLOGE DE LA FONTAINE.

» c'est à cux d'attendre beaucoup de moi. Quand j'au

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rai parcouru ma carrière au travers des écueils, et » que j'aurai atteint le but de ma course, les généra>>tions futures s'assembleront autour de ma tombe, et » diront il étoit grand. Alors on me recherchera dans » les monumens que j'aurai laissés, non plus pour en épier les défauts, mais pour en relever les beautés. >>> Mes descendans recevront les honneurs qu'on m'avoit >> refusés. Il ne m'est permis de jouir qu'en espérance, » et je ne sème pas pour recueillir. Mais quel prix plus » flatteur pourrois-je prétendre? Je ferai du bien, même quand je ne serai plus. Plus d'une fois peut-être un » sentiment de vertu exprimé dans mes ouvrages pro» duira une action vertueuse; plus d'une fois l'expres»sion de ma sensibilité fera tomber de douces larmes » des yeux de l'homme sensible; je consolerai le cœur » infortuné, et j'adoucirai l'ame dure; et l'envie qui me dispute aujourd'hui mon pouvoir et mes récom» penses, ne pourra m'ôter du moins ni les bienfaits que » je laisse après moi, ni la reconnoissance de tous les âges. »

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A MONSEIGNEUR

. LE DAUPHIN

(FILS UNIQUE DE LOUIS XIV).

MONSEIGNEUR,

S'IL y a quelque chose d'ingénieux dans la République des Lettres, on peut dire que c'est la manière dont Esope a débité sa morale. Il seroit véritablement à souhaiter que d'autres mains que les miennes y eussent ajouté les ornemens de la Poésie; puisque le plus sage des anciens (Socrate) a jugé qu'ils n'y étoient pas inutiles. J'ose, Monseigneur, vous en présenter quelques Essais. C'est un entretien convenable à vos premières années. Vous êtes en un áge où l'amusement et les jeux sont permis aux Princes; mais en méme temps vous devez donner quelques-unes de vos pensées à des réfléxions sérieuses. Tout cela se rencontre aux Fables que nous devons à Esope. L'apparence en est puérile, je le confesse; mais ces puérilités servent d'enveloppe à des vérités importantes. Je ne doute point, MONSEIGNEUR,

que vous ne regardiez favorablement des inventions. si utiles, et tout ensemble si agréables: car que peut-on souhaiter davantage que ces deux points? Ce sont eux qui ont introduit les Sciences parmi les hommes. Esope a trouvé un art singulier de les joindre l'un avec l'autre. La lecture de son Ouvrage répand insensiblement dans une ame les semences de la Vertu, et lui apprend à se connoître, sans qu'elle s'apperçoive de cette étude, et tandis qu'elle croit faire toute autre chose. C'est une adresse dont s'est servi très heureusement celui sur lequel sa Majesté a jeté les yeux pour vous donner des Instructions (1). Il fait ensorte que vous apprenez sans peine, ou, pour mieux parler, avec plaisir tout ce qui est nécessaire qu'un Prince sache. Nous espérons beaucoup de cette conduite; mais, à dire la vérité, il y a des choses dont nous espérons infiniment davantage. Ce sont, Mon- . SEIGNEUR, les qualités que notre invincible Monarque vous à données avec la naissance; c'est l'exemple que tous les jours il vous donne. Quand vous le voyez former de si grands desseins; quand vous le considérez qui regarde sans s'étonner l'agitation de l'Europe, et les machines qu'elle remue

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(1) M. Bossuet, évêque de Condom, depuis évêque de Meaux qui composa pour son auguste élève, le fameux Discours sur l'Histoire Universelle.

pour le détourner de son entreprise; quand il pénètre dès sa première démarche jusques dans le cœur d'une Province (la Hollande), où l'on trouve à chaque pas des barrières insurmontables, et qu'il en subjugue une autre en huit jours, pendant la saison la plus ennemie de la guerre; lorsque le repos et les plaisirs règnent dans les cours des autres Princes; quand non content de dompter les hommes, il veut triompher aussi des Elémens; et quand, au retour de cette expédition, où il a vaincu comme un Alexandre, vous le voyez gouverner ses Peuples comme un Auguste; avouez le vrai, MONSEIGNeur, vous soupirez pour la gloire aussi bien que lui, malgré l'impuissance de vos années: vous attendez avec impatience le temps où vous pourrez vous declarer son rival dans l'amour de cette divine Maitresse. Vous ne l'attendez pas, MONSEIGNEUR, vous le prévenez. Je n'en veux pour témoignage que ces nobles inquiétudes, cette vivacité, cette ardeur, ces marques d'esprit, de courage et de grandeur d'ame, que vous faites paroître à tous les momens. Certainement c'est une joie bien sensible à notre Monarqne, mais c'est un spectacle bien agréable pour l'Univers, que de voir ainsi croitre une jeune plante, qui couvrira un jour de son ombre tant de Peuples et de Nations. Je devrois m'étendre sur ce sujet; mais comme le dessein que

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