De transporter le temps où l'Aigle fait l'amour, NOTES D'HISTOIRE NATURELLE. L'AIGLE est le roi des Oiseaux; il est très-grand, va de jour, et possède à un degré éminent, les qualités qui lui sont communes avec les autres animaux, comme la vue perçante, la férocité, la voracité, la force du bec et des serres. Ses yeux sont étincelans, et à-peu-près de la même couleur que ceux du Lion. Son cri est effrayant ; c'est de tous les Oiseaux, celui qui s'élève le plus haut. Il a l'aile très-forte. Il emporte aisément des Oies, des Grues, des Lièvres, même de petits Agneaux et des Chevreaux. S'il se jette sur des animaux plus forts, ce n'est que pour les déchirer, se rassasier de leur sang sur le lieu, et emporter ensuite des lambeaux de leur chair dans son aire : c'est ainsi qu'on appelle son nid. On assure que provoqué par le besoin, ce tyran de l'air est assez hardi pour attaquer les Daims, les Chèvres, les Cerfs et même les Taureaux, et que les humains, sur-tout les enfans, ne sont pas toujours à l'abri de sa voracité. Aigle se dit toujours au masculin, et n'est féminin que dans le blason, les devises et l'astronomie. L'ESCARBOT est un insecte volant, dont les ailes sont renfermées dans des étuis. Il a le corps large, épais, de couleur noire et luisante, mêlée d'une teinte de bleu. LAPIN. Voyez Liv. VII. fab. 16. OBSERVATIONS DIVERSES. Cette fable ressemble fort, dans son intrigue et sa morale, à celle de Pilpay, intitulée: Les deux Moineaux et l'Epervier (T. I des Contes indiens, pag. 334). Mais quelle différence des modeles à l'imitateur! (1) Maître Jean Lapin. Cette expression Jean Lapin se montre pour la première fois dans les fables de La Fontaine, et peut-être dans la langue française. On n'avoit point encore soupçonné ce secret d'annoblir l'apologue, de l'humaniser en quelque sorte, en transportant aux animaux les titres, et jusques aux noms par lesquels les hommes se désignent et se reconnoissent entre eux. Je laisse à penser si ce gite étoit sur: mais où mieux? La Fontaine prévient l'objection qu'on pouvoit lui faire contre ce trou d'un insecte où le Lapin va se blottir. D'ailleurs un terrier plus profond eût mis le fugitif animal à l'abri des poursuites de l'Aigle; et la morale de la fable étoit perdue. (2) Nonobstant cet asile. Le droit d'asile étoit sacré chez les anciens. Dans la fable de Philemon et Baucis, la Perdrix, dont les bons vieillards veulent régaler leurs hôtes célestes, vient chercher asile entre les pieds de Jupiter, qui réclame en sa faveur le droit d'asile. (3) Princesse des Oiseaux, il vous est fort facile. C'est prendre les grands par l'endroit sensible. Hélas! on a toujours plus d'accès auprès de l'orgueil qu'auprès de l'humanité. Il vous est fort facile d'enlever malgré moi. Ce ton humble, cet aveu modeste de son impuissance conviennent parfaitement à la douleur et à l'amitié suppliante. Enlever: un enlèvement a toujours quelque chose d'odieux. Ce pauvre malheureux. Res est sacra miser; quelle gloire peut-il en revenir à l'Aigle! Quel profit retirer de la dépouille d'un si pauvre animal? (4) Donnez-la lui de grace, ou l'ôtez à tous deux. Ce dévouement de l'amitié est du plus grand pathétique. Il attendrit, il étonne on a peine à en concevoir le motif. Le poète l'explique: c'est mon voisin, c'est mon compère. On est impatient d'apprendre quel succès aura cette requête. (5) L'oiseau de Jupiter, sans répondre un seul mot, Choque de l'aile l'Escarbot, L'étourdit, l'oblige à se taire, etc. Voilà toute sa réponse : elle est conforme aux mœurs des grands. Ces vers offrent un modèle parfait de narration. (6) Ses (6) Ses oeufs, ses tendres oeufs, sa plus douce espérance. C'est bien plus que de s'attaquer à elle-même ; c'est la frapper au cœur ; c'est la blesser dans ces doux liens, par lesquels la tendresse maternelle se multiplie dans l'avenir, et se survit dans sa postérité. « Ce vers est d'une sensibilité si douce, qu'il fait plaindre l'Aigle, malgré le rôle odieux qu'elle joue dans cette fable.» Champfort. M. l'abbé Aubert a cherché à rendre le même sentiment dans ces vers: Le précieux trésor qui tenoit renfermée Sa tendresse avec sa couvée. (Liv. VI. fab. 9.) (7) Pas un seul ne fut épargné. Rien ne manque à la vengeance. Un seul du moins eût adouci ses regrets. (8) L'écho de ces bois N'en dormit de plus de six mois. Images dignes de la plus haute poésie. A la constance de sa douleur, on peut reconnoître l'effet terrible des vengeances de l'Escarbot. Un si foible animal humilier à ce point le roi des airs! (9) L'oiseau qui porte Ganimède. Beau jeune homme aimé de Jupiter, qui, pour en jouir, se changea en Aigle, et l'enleva dans le ciel. (10) Du monarque des dieux enfin implore l'aide. Quel contraste! Cet oiseau si fier, impuissant contre un insecte; obligé d'implorer; qui? pas moins que le monarque des dieux, et d'intéresser à sa cause la majesté du tout-puisssant! (11) Leur ennemi changea de note. Comme fait le musicien pour varier ses tons. → Esope près d'être mis à mort par les habitans de Delphes, se comparoit à l'innocent animal enlevé par l'Aigle, et bientôt vengé par les Dieux. On fut sourd à la prophétie, mais elle n'en eut pas moins son effet. FABLE IX. Le Lion et le Moucheron. . (Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 149. LATINS. Phèdre, fab. 4 de l'appendice de Gudius (pag. 97 de l'édition de Barbou). FRANÇOIs. Marie. Ysopet (fable du Loup et de la Guèpe). VA-T-EN, chétif insecte, excrément de la terre\(1). Parloit un jour au Moucheron. A peine il achevoit ces mots, Que lui-même il sonna la charge (6), Dans l'abord il se met au large (7), Puis, prend son temps, fond sur le cou Le quadrupède (8) écume, et son œil étincelle ; Est l'ouvrage d'un moucheron. Un avorton de Mouche (9) en cent lieux le harcelle; La rage alors se trouve à son faîte montée. L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée, Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir, Le malheureux Lion se déchire lui-même, Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs, Bat l'air qui n'en peut mais (10); et sa fureur extrême Le fatigue, l'abat : le voilà sur les dents (11). L'insecte, du combat se retire avec gloire: Comme il sonna la charge, il sonne la victoire (12); Va par-tout l'annoncer, et rencontre en chemin L'embuscade d'une Araignée (13): Quelle chose par-là nous peut être enseignée? (Depuis La Fontaine ). FRANC. Benserade, f. 1o5. M. l'abbé Aubert, L. IV. fab. 6 (le Moucheron et les trois Dogues).· LATINS. Desbillons, L. III. fab. 17. -ITAL. Luig. Grillo, fav. 70. NOTES D'HISTOIRE NATURELLE. LE LION. Voyez Liv. I. fab. 6. MOUCHERON, est un insecte très-petit, long et mo lasse, qui est du genre des Mouches. Les Moucherons se retirent en grand nombre dans les citernes, lorsque l'hiver approche et déposent leurs œufs sur les plantes aquatiques. C'est le soleil du mois de juin qui fait éclorre les œufs. Le Moucheron considéré avec le microscope, offre un spectacle admirable. |