Il trouva son sujet plein de récits tout nus (3). Le poète d'abord parla de son héros. Après en avoir dit ce qu'il en pouvoit dire, De Castor et Pollux (4); ne manque pas d'écrire Faisoit les deux tiers de l'ouvrage. L'Athlète avoit promis d'en payer un talent (5): N'en donna que le tiers; et dit fort franchement Soyez donc de la compagnie. Simonide promit: peut-être qu'il eut peur Chacun étant en belle humeur, Un domestique accourt, l'avertit qu'à la porte. Deux hommes demandoient à le voir promptement. Il sort de table; et la cohorte (6) N'en perd pas un seul coup de dent. Ces deux hommes étoient les gémeaux de l'éloge. Et Ce que cette maison va tomber à l'envers. La prédiction en fut vraie. Un pilier manque (7); et le plafond ne fut pas le pis: car pour rendre complette Une poutre cassa les jambes à l'Athlète, Pour la plupart estropiés. La renommée eut soin de publier l'affaire : Qui, les payant à qui mieux mieux, Je reviens à mon texte: et dis premièrement, Etoient frères et bons amis (12). OBSERVATIONS DIVERSES. (1) Les faveurs d'une belle en sont souvent le prix. «La louange, plus que toute autre chose, fait naître l'amour »>, disoient, bien long-temps avant La Fontaine, les antiques poètes provençaux : Lauzor engenr'amor May c'una sola res. (Manusc. d'Urfé, piece 980.) Une pensée semblable a produit la jolie fable de la Coquette et l'Abeille, de Florian, qui la termine par ce mot l'encens fait tout passer. Théocrite, dans son idylle de la Mort d'Adonis, et Gay dans sa fable de la Belle et la Guépe, rappellent la même morale. (2) Simonide, philosophe et poète grec. Il ne nous reste plus de lui que quelques fragmens de poésies, dont Quintilien et Denys d'Halycarnasse ont vanté la douceur et l'harmonie. Il chanta les louanges des Dieux, les victoires des Grecs sur les Perses, les triomphes des Athlètes dans les jeux. Il décrivit en vers les règnes de Cambyse et de Darius, s'exerça dans tous les genres de poésie; et réussit principalement dans les élégies et les chants plaintifs. Il fut le premier qui composa des vers pour de l'argent. (3) Pleins de récits tout nus, si simples, si vulgaires, qu'ils n'étoient point susceptibles des décorations de la poésie. Point d'aïeux dont l'éclat pût rejaillir sur le héros ; point de vertus ni de talens faits pour réparer l'obscurité de sa naissance. par (4) Castor et Pollux, frères gémeaux, nés de Jupiter et de Léda, mis l'antiquité au nombre de ses Dieux et des constellations du Zodiaque. On les révéroit comme protecteurs du pugilat ou combats des Athlètes. (5) Talent, monnoie attique, adoptée depuis par les Romains. On comptoit le grand et le petit talent; le premier de So mines, le second de 60, revenant, le grand, à 3259 liv., à 50 liv. la mine, le petit à 2444 liv. très (6) La cohorte n'en perd pas un coup de dent. Ce terme n'est pas indifférent. On voit une troupe de parasites affamés, peu embarrassés des motifs d'un message aussi pressant, d'une absence aussi brusque. (7) Un pilier manque, et le plafond, etc. Tout autre cût : dit la maison s'écroule. La Fontaine nous fait assister à la chûte progressive de l'édifice on voit ses ruines, on compte ses ravages. (8) Il n'étoit fils de bonne mère. Imité de Rabelais : Point n'étoit fils de bonne mère réputé, etc. (Liv. I. ch. 50, p. -301). (9) Melpomène, une des Muses ; c'est celle qui préside à la tragédie; ce qui s'applique naturellement au héros de la fable, à Simonide, dont le talent particulier consistoit à peindre les situations et les infortunes qui excitent la pitié. Au reste, Melpomène est prise ici pour la poésie elle-même. (10) Souvent sans déroger: sans rien perdre de sa noblesse. Des moralistes plus sévères croiroient dégrader le plus sublime des arts, en lui permettant ce trafic honteux de la louange. (11) Tenir en quelque prix. On a pu dire: tenir à honneur: on dit dans un autre sens mettre à prix, jamais tenir en prix." (12) Jadis l'Olympe et le Parnasse Etoient frères et bons amis. L'Olympe habité par les Dieux, pour dire: les palais des grands, qui sont en quelque sorte les Dieux de la terre. Parnasse, l'asyle des muses et des poètes. FABLE X V. La Mort et le Malheureux. (Avant La Fontaine). ORIENTAUX. Lockman, f. 14. GRECS. Esope, fab. 146. UN Malheureux appeloit tous les jours La Mort à son secours. O Mort, lui disoit-il, que tu me sembles belle ! La Mort crut, en venant, l'obliger en effet.' Que Que vois-je! cria-t-il, ôtez-moi cet objet! Me cause d'horreur et d'effroi ! N'approche pas, ô Mort! ô Mort, retire-toi (1). Mécénas (2) fut un galant homme : Il a dit quelque part: qu'on me rende impotent, (Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. Fables en chansons, L. V. fab. 25. ITAL. Grillo, fav. 8. OBSERVATIONS DIVERSE S. LA MORT est ordinairement représentée sous la forme d'un squelette décharné, armé d'une faux, symbole trop véritable des ravages qu'elle exerce sur tout ce qu'il y a sur la terre. (1) N'approche pas, 6 Mort! 6 Mort, retire toi. Cette répétition n'est point oiseuse; elle est le cri naturel de la prière, qui craint de n'avoir point été entendue une première fois. (2) Mécénas ou Mécene, illustre chevalier romain, dont les chants d'Horace et de Virgile ont immortalisé la mémoire. La pensée que La Fontaine cite de lui, se trouve exprimée dans ces vers que Sénèque nous a conservés : Debilem facito manu, Debilem pede, coxâ; Vita dùm superest, bene est. Si sedeam cruce, sustine. En voici la traduction, aussi élégante que fidelle: rendez mes mains débiles, rendez mes pieds foibles et boiteux; élevez une bosse sur mon dos, ébranlez toutes mes dents; tout ira bien D Tome I. |