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la morale du despote et de l'oppresseur, celle qui a fait les tyrans et les victimes. On a dit de même :

Le parti qui triomphe est toujours le plus juste.

(2) Un Agneau se désalléroit, etc. Dans Phèdre, c'est la soif' qui amène l'Agneau et le Loup sur les bords du même ruisseau ; ici c'est quelque chose de plus que les ardeurs de la soif, qui travaille ce dernier; c'est la faim, c'est le plus furieux de tous les besoins, qui se mêle en lui au desir de trouver aventure. Quels stimulans pour la voracité du cruel animal! Comme ces accessoires divers contrastent avec le caractère du tranquille et innocent Agneau! Il étoit là quand son terrible ennemi est survenu: ce n'est pas lui qui cherchoit l'aventure. Nulle passion ne l'agite. Il buvoit au courant de cette onde, pure comme tous ses goûts; ce n'est pas lui qui est étranger dans ces lieux, ils font son habitation ordinaire; c'est le Loup qui ne s'y trouve qu'après que la faim l'a chassé de ses bois et de ses repaires.

(3) Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage?

Tu seras chatié de ta témérité. La sentence suit immédiatement l'accusation. Où est la preuve ? Où est la défense? N'y a-t-il donc plus de droit pour l'accusé? On croit entendre le protocole de nos Tribunaux révolutionnaires atteint, convaincu et de suite exécuté. Encore ici du moins y a-t-il une ombre de procédure : l'Agneau peut répondre; on voit un dialogue entre la victime et le juge-bourreau; il n'est pas mis sur-le-champ hors des débats.

(4) Sire, répond l'Agneau, que votre majesté, etc. Peut-on employer des expressions plus soumises? Peut-on être coupable, avec tant de respect pour une autorité même usurpatrice? Le pauvre animal est timide au point de n'oser pas même adresser directement la parole à son ennemi.

(5) Que je me vas désaltérant. Observez que l'Agneau ne doit pas séjourner long-temps auprès de cette eau; quel tort peut-il donc faire au Loup? Il va, non pas boire à longs traits, non savourer l'eau, pas même étancher sa soif, mais simplement se désaltérer.

(6) Plus de vingt pas au-dessous. Quel fondement peut donc avoir la plainte de l'accusateur? Eh! c'est bien plutôt lui qui trouble cette eau qui descend et në remonte point.

Ca

(7) Tu la troubles. Cette interruption brusque marque la colère fougueuse d'un homme qui a tort et qui ne permet pas qu'on se justifie. Itæ hòc acriores quò iniquæ. Batteux.

(8) Et je sais que de moi tu médis l'an passé. Autre querelle tout aussi peu fondée! Il est clair qu'il en sait quelque chose, puisque c'est lui-même qui l'invente on doit se connoître à son propre ouvrage. Tu médis: que de modération! Il n'ose pas dire avoir été calomnié; le moyen en effet de calomnier un Loup! L'an passé : cela ressemble encore aux actes d'accusation de FouquierTinville : « Condamné en 1794, pour avoir été fermier - général en 1779. » Cet apologue fait, en une demi-page, toute l'histoire de la révolution. Changez les noms c'est d'un côté Roberspierre, et de l'autre tant de milliers d'innocentes victimes.

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Cammermeister ajoute au dialogue le trait suivant : « Ne te souviens-tu pas quel vaste champ tu as laissé naguères à sec ? -Comment aurois-je pu le faire; je n'ai point encore de dents. » Eh! qu'importe au Loup que l'Agneau ait dévasté un champ. Ce n'est pas de l'herbe qu'il faut au vorace animal. Voilà comme on gâte tout, en voulant ne pas se restreindre.

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FABLE X I.

L'Homme et son Image.

POUR M. LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULT (*)..

(Avant La Fontaine). LATINS. Phèdre, L. III. fab. 8 (**).

UN Homme qui s'aimoit sans avoir de rivaux (1),

Passoit dans son esprit pour le plus beau du monde.
Il accusoit toujours les miroirs d'être faux,
Vivant plus que content dans une erreur profonde.
Afin de le guérir, le sort officieux

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(*) M. le duc de la Rochefoucault, mort à Paris en 1680, à l'âge de 68 ans, a fait présent au public d'un petit recueil de Pensées, qu'il avoit arrangées pour lui-même, sans prétendre à la gloire chimérique de fixer les idées d'autrui. Il paroît que l'auteur avoit d'abord donné à son ouvrage le titre de Maximes, expression qui ne peut convenir qu'à des vérités incontestables; or il s'en faut de beaucoup que toutes les pensées de M. de la Rochefoucault soient à l'abri de toute contradiction. Elles sont presque toutes profondes, ingénieuses, vraisemblables; mais on en trouve aussi quelques-unes qui donnent prise à une justé critique. On lui a reproché, par exemple, d'avoir adopté ce dangereux systême, que l'amour-propre désordonné, c'est-à-dire l'orgueil ou l'intérêt, est le mobile universel de nos actions.

(**) M. de la Harpe prétend, dans son Eloge de La Fontaine, que le sujet de cette fable appartient à l'immortel fabuliste. Il se trompe; il n'y a de lui que les détails, et l'application; le fonds, en est dû à Phèdre.

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Les conseillers muets (2) dont se servent nos Dames. Miroirs dans les logis, miroirs chez les marchands, Miroirs aux poches des galans,

Miroirs aux ceintures des femmes (3).

Que fait notre Narcisse (4)? Il se va confiner
Aux lieux les plus cachés qu'il peut s'imaginer,
N'osant plus des miroirs éprouver l'aventure;
Mais un canal, formé par une source pure,
Se trouve en ces lieux écartés :

Il s'y voit, il se fâche; et ses yeux irrités
Pensent appercevoir une chimère vaine.
Il fait tout ce qu'il peut pour éviter cette eau.
Mais quoi! le canal est si beau,
Qu'il ne le quitte qu'avec peine.

On voit bien où je veux venir.

Je parle à tous; et cette ardeur extrême Est un mal que chacun se plaît d'entretenir. Notre ame, c'est cet homme amoureux de lui-même: Tant de miroirs, ce sont les sottises d'autrui, Miroirs, de nos défauts les peintres légitimes. Et quant au canal, c'est celui

Que chacun sait, le livre des Maximes (5).

(Depuis La Fontaine ). FRANÇAIS. Richer (traduction de la fable de Phèdre). Fable de l'Alouette et le Miroir, imitation dans le Fablier Franç. L. I. fab. 10. ANGLOIS. Wilkie, The young Lady and Lookingglass.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) S'aimoit sans avoir de rivaux. Amelot de la Houssaie réclame cette expression en faveur de l'orateur romain. (Réfl. Mor. p. 228).

(2) Ces conseillers muets. Point de métaphore ni plus ingénieuse, ni plus juste, pour exprimer un miroir que l'on consulte au besoin, et qui semble parler aux yeux du spectateur.

(3) Miroirs dans les logis, miroirs chez les marchands, Miroirs, etc. On sent combien cette répétition a de grace. Elle semble multiplier les fâcheux miroirs, sous l'œil du lecteur, comme sous celui du héros de notre apologue. On diroit que le poète s'est entendu avec tous les porteurs de miroirs, pour reproduire sans cesse au-devant de son Narcisse l'instrument de son supplice. Plutarque desiroit que dans le moment où il se permettroit un accès de colère, un esclave intelligent lui présentât un miroir; rien, ajoute-il, n'étant plus propre à inspirer de l'horreur pour cette passion, que de se voir dans un état d'altération si contraire à la nature. (Moyens de réprimer la Colère, T. VI. de la trad. de l'abbé Ricard, p. 103).

(4) Que fait notre Narcisse. On appelle Narcisse tout homme entêté de sa beauté réelle ou chimérique, par allusion à ce que la fable raconte d'un beau jeune homme de ce nom, qui devint si follement amoureux de lui-même, qu'il en perdit la vie.

(5) Et quant au canal, c'est celui

Que chacun sait, le livre des Maximes. «Veut-on un exemple d'un éloge singulièrement délicat et de l'allégorie la plus heureuse? Lisez cette fable: Quoi de plus ingénieusement imaginé pour louer un livre d'une morale piquante, qui plaît à ceux même qu'elle censure, que de le comparer au crystal d'une eau transparente où l'homme vain qui craint tous les miroirs, parce qu'il n'en a jamais trouvé d'assez flattenr, apperçoit malgré lui ses traits, dont il veut en vain s'éloigner, et vers laquelle il revient toujours ? Peut-on louer avec plus d'esprit »? M. de la Harpe (Eloge de La Fontaine). M. de Champfort est moins indulgent ou moins juste; il trouve l'idée du poète, bizarre, et l'invention médiocre.

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