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(16) Quand la pauvre Cassandre, etc. Tous ceux qui ont lu Virgile (et qui est-ce qui ne l'a pas lu ?) savent que Cassandre, fille de Priam, aimée d'Apollon, douée par lui du triste présent de connoître l'avenir, annonça aux Troyens toujours incrédules, les malheurs dont ils alloient être victimes. Par ces heureuses applications de faits historiques, le fabuliste trouve le secret de substituer les leçons de l'expérience aux jeux de l'apologue, de faire servir à-la-fois l'histoire et la fable au profit de l'instruction, et de faire d'un simple recueil de fables, un code de morale pour tous les âges.

1

FABLE IX.

Le Rat de ville et le Rat des champs:

(Avant La Fontaine ). GRECS. Aphtone, fab. 26. LATINS. Horace, L. II. sat. 6. L'Anonyme, fab. 12.

AUTREFOIS

UTREFOIS le Rat de ville

Invita le Rat des champs (1),
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans.

Sur un tapis de Turquie (2)
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie

Que firent ces deux amis (3).

Le régal fut fort honnête;
Rien ne manquoit au festin ;
Mais quelqu'un troubla la fête
Pendant qu'ils étoient en train.

A la porte de la salle

Ils entendirent du bruit :
Le Rat de ville détale,

Son camarade le suit.

Le bruit cesse, on se retire:
Rats en campagne aussi-tôt ;
Et le citadin de dire:

Achevons tout notre rôt.

C'est assez, dit le rustique,
Demain vous viendrez chez moi.
Ce n'est pas que je me pique

De tous vos festins de roi;

Mais rien ne vient m'interrompre,

Je mange tout à loisir.

Adieu donc, fi du plaisir (4)

Que la crainte peut corrompre !

Boursault, com.

(Depuis La Fontaine). FR. Benserade, f. 10. des Fab. d'Esope, act. II. sc. 6. Gacon, Poète sans fard, épit. 8. Fables en chans. L. I. f. 40. M. Robert, fables en 1797, L. III. fab. 7. (substitue deux Chats aux deux Rats de notre fabuliste). M.Collin d'Harleville, dans le Fablier de la Jeunese, par Berenger, L. II. f. 82. M. Andrieux, ibid. L. II. f. 10. ITAL. Grillo, fav. 10.

NOTES D'HISTOIRE NATURELLE.

LE RAT, connu de tout le monde, est carnassier et même omnivore ; il semble seulement préférer les choses dures aux plus tendres. Il ronge la laine, les étoffes, les meubles ; perce le bois, fait des trous dans les murs, se loge dans l'épaisseur des planchers; il en sort pour chercher sa subsistance, et souvent il y transporte tout ce qu'il

peut y traîner; il y fait même quelquefois magasin, surtout lorsqu'il a des petits.

OBSERVATIONS DIVERSE S.

(1) Autrefois le Rat de ville

Invita, etc. Dans Horace, c'est le Rat des champs qui invite le Rat de ville. La Fontaine me paroît avoir mieux saisi les convenances, en donnant au citadin l'initiative de la politesse; au reste, cette légère différence ne fait rien à la conduite de la fable, ni à la morale du dénouement.

(2) Sur un tapis de Turquie. Ce seul mot suffit à La Fontaine pour donner l'idée la plus étendue de l'appartement où le sybarite a reçu son convive, comme dans le vers précédent il avoit su exprimer la magnificence du festin par ces reliefs d'ortolans, morceaux faits pour la table des Rois.

(3) Je laisse à penser la vie

Que firent ces deux amis. Horace fait de son Rat un épicurien qui disserte longuement sur la nature du plaisir et du bonheur. La Fontaine se contente de donner aux deux hôtes un grand appétit. Il a vu que dans l'apologue la philosophie ne tenoit point école, et n'avoit droit de se montrer que sous le masque et en passant. La fable d'Horace est un chef-d'œuvre sans doute; celle de La Fontaine n'en est pas moins supérieure, et l'on peut appliquer à celle-ci le vers du Lyrique latin:

O matre pulchrá filia pulchrior!

(4) Fi du plaisir. Cette expression ne paroîtroit triviale qu'à ceux qui perdroient de vue les acteurs de cette jolie scène.

FABLE X.

FABLE X.

Le Loup et l'Agneau.

(Avant La Fontaine). ORIENTAUX. Pilpay (même morale dans la fable du Faucon et de la Perdrix). GRECS. Esope, fab. 233. Gabrias, 35. LATINS. Phèdre, L. I. fab. 1. Anonyme, 2. Camerarius, 263.

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LA raison du plus fort est toujours la meilleure (1): (2

Nous l'allons montrer tout-à-l'heure.

Un Agneau se désaltéroit (2) 8

Dans le courant d'une onde pure.

8

Un Loup survient à jeun, qui cherchoit aventure, 12 Et que la faim en ces lieux attiroit.

90.10

Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage (3)?

Dit cet animal plein de rage; g

Tu seras chatié de ta témérité. 12

Sire, répond l'Agneau, que votre majesté (4) 12
Ne se mette pas en colère, 40
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant (5)

Dans le courant,

Plus de vingt pas au-dessous d'elle (6) ;
Et que, par conséquent, en aucune façon
Je ne puis troubler sa boisson.

Tu la troubles (7), reprit cette bête cruelle;
Et je sais que de moi tu médis l'an passé (8).
Comment l'aurois-je fait si je n'étois pas né?

Tome I.

C

12

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Reprit l'Agneau; je tette encor ma mère. [2

Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. -Jen'en ai point.-C'est donc quelqu'un des tiens; Car vous ne m'épargnez guère;

Vous, vos Bergers et vos Chiens.

On me l'a dit, il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts

Le Loup l'emporte, et puis le mange, 10
Sans autre forme de procès.

(Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. Boursaut, Coméd. des fabl. d'Esope, act. V. sc. 3. Fabl. en action. p. 16. Fables en chans. L. I. fab. 2. ITAL. Luig. Grillo, fav. 18.

NOTES D'HISTOIRE NATURELLE.

LE LOUP. Voyez plus haut, Fable V.

L'AGNEAU. C'est le petit de la Brebis, plus timide encore que sa mère. Son nom est devenu, dans toutes les langues, le synonyme de la douceur; il la porte jusqu'au point de ne pas se permettre un gémissement, même sous le couteau qui l'égorge.

OBSERVATIONS

DIVERSES.

Cette fable est une véritable tragédie... Tout y est clair et bien marqué. Le lieu de la scène, c'est le bord d'un ruisseau. Les deux acteurs, c'est le Loup et l'Agneau; leur caractère la violence et l'innocence; l'action c'est le démêlé de l'un avec l'autre ; le nœud qui tient le lecteur en suspend, est de savoir comment se terminera la querelle. Le dénouement, c'est la mort de l'innocent, d'où sort la morale que le plus foible est souvent opprimé par le plus fort. L'abbé Batteux, Principes de Littérature. T. II. pag. 46.

(1) La raison du plus fort est toujours la meilleure. On sent bien que cette proposition n'est avancée ici qu'ironiquement: c'est là

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