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(4) Lynx envers nos pareils, et Taupes envers nous. Un de ces vers en quelque sorte d'inspiration, que l'éclat de l'opposition dans les mots qu'ils présentent, et mieux encore la force du sens, gravent à jamais dans la mémoire.

(5) On se voit d'un autre oeil qu'on ne voit son prochain. Voilà encore de ces vers qui ont mérité de devenir proverbes. (6) Ant. Vitallis, après avoir donné pour épigraphe à sa jolie fable de la Vipère et du Scorpion, ce vers de La Fontaine :

On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain, termine par ces vers, où l'on retrouve jusqu'aux expressions de notre fabuliste :

Pauvres besaciers que nous sommes,
N'avons-nous pas chacun notre poison ?

(Liv. IV. fable 5).

Cet excellent apologue a fait le tour du globe. Le germe s'en trouve bien dans Esope et dans Phèdre; La Fontaine doit au premier l'idée principale, et la moralité à l'autre. C'est à lui qu'appartient lé Commentaire si philosophique où le jeu de l'amourpropre est développé avec tant de sagacité. Avien ne lui a fourni que la scène du Singe. M. Aubert a emprunté de notre poète l'esprit et quelques détails de sa jolie fable le Bouc, l'Ane, le Renard et le Taureau :

Le Bouc vanta sa barbe, et l'Ane ses oreilles ;
Au dire de chacun il s'en falloit beaucoup

Que l'autre eût sur lui l'avantage.

Le Renard à son tour:

Regardez cette queue, et dites, je vous prie, etc.

D'où il conclut :

Tout homme met autrui fort au-dessous de soi.

1

Peut-être est-ce cette même fable qui a produit l'idée du bel apologue de M. Gellert, le Pays des Boiteux, raconté en vers français par Rivery et par Richaud Martelli.

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(Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab.

290.-LATINS.

L'Anonyme, fab. 20.

INE Hirondelle, en ses voyages,

Avoit beaucoup appris (1). Quiconque a beaucoup vu,
Peut avoir beaucoup retenu.

Celle-ci prévoyoit jusqu'aux moindres orages,
Et devant qu'ils fussent éclos (2),

Les annonçoit aux matelots (3).

Il arriva qu'au temps que la chanvre se sème (4),
Elle vit un manant (5) en couvrir maints sillons.
Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux Oisillons (6) :
Je vous plains; car pour moi, dans ce péril extrême (7),.
Je saurai m'éloigner, ou vivre en quelque coin.
Voyez-vous cette main qui par les airs chemine (8)?
Un jour viendra, qui n'est pas loin,
Que ce qu'elle répand (9) sera votre ruine.
Delà naîtront engins à vous envelopper (10),
Et lacets pour vous attraper;
Enfin mainte et mainte machine,
Qui causera dans la saison

Votre mort ou votre prison:
Gare la cage ou le chaudron (11)!
C'est pourquoi, leur dit l'Hirondelle,
Mangez ce grain, et croyez-moi.

Les Oiseaux se moquèrent d'elle:

Ils trouvoient aux champs trop de quoi.
Quand la chénevière fut verte,

L'Hirondelle leur dit : arrachez brin à brin

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Ce qu'a produit ce maudit grain,
Ou soyez sûrs de votre perte.
Prophète de malheur ! babillarde! dit-on,
Le bel emploi que tu nous donnes!
Il nous faudroit mille personnes
Pour éplucher tout ce canton.

La chanvre étant tout-à-fait crue,
L'Hirondelle ajouta : ceci ne va pas bien;

Mauvaise graine est tôt venue (12).

Mais puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien, la terre

Dès

que vous verrez que

Sera couverte, et qu'à leurs blés
Les gens n'étant plus occupés,
Feront aux Oisillons la guerre,
Que reginglettes et réseaux (13)
Attrapperont petits Oiseaux,

Ne volez plus de place en place;
Demeurez au logis, ou changez de climat :

Imitez le Canard, la Grue et la Bécasse (14). pas en état

Mais vous n'êtes

De passer comme nous les déserts et les ondes,
Ni d'aller chercher d'autres mondes (15) :
C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sûr
C'est de vous renfermer aux trous de quelque mur.
Les Oisillons, las de l'entendre,

Se mirent à jaser aussi confusément

Que faisoient les Troyens, quand la pauvre Cassandre Ouvroit la bouche seulement (16).

Il en prit aux uns comme aux autres : Maint Oisillon se vit esclave retenu.

Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres, Et ne croyons le mal que quand il est venu.

(Depuis La Fontaine). FRANÇAIS. Benserade, f. 17. Fables de La Fontaine en chansons, L. I. fab. 24. M. Aubert, L. I. fab. 14.

NOTES D'HISTOIRE NATURELLE.

HIRONDELLE, pétit oiseau dont le plumage est d'un bleu foncé tirant sur le noir, mêlé de blanc et d'une teinte rougeâtre son gazouillement approche du chant. On en connoît en Europe jusqu'à cinq sortes. Quelques naturalistes les font venir d'Afrique, où elles retournent en automne. Soit qu'elles restent cachées dans des trous pendant l'hiver, ou qu'elles passent dans des pays chauds, elles ne reparoissent dans nos climats qu'au printemps. On sait avec quel merveilleux instinct l'Hirondelle maConne son nid.

OBSERVATIONS DIVERSES.

(1) Une Hirondelle en ses voyages, etc. Ici commence à se développer cet art particulier à La Fontaine, de savoir, en nous occupant de bagatelles, nous placer d'un mot dans un grand ordre de choses. L'Hirondelle, un petit oiseau jaseur, la voilà devenue un autre Ulysse, dont la sagesse s'est perfectionnée à l'école des voyages.

!

(2) Devant qu'ils fussent éclós. On diroit aujourd'hui :~ avant qu'ils ne fussent éclos.

(3) Les annonçoit, etc. On croit que l'Hirondelle, en rasant la terre, annonce la pluie. Le poète, en prenant des animaux pour acteurs, a bien fait de leur conserver leur caractère et leur réputation.

(4) La chanvre, etc. On trouve ce mot employé dans l'ancien langage, indifféremment au masculin et au féminin ; quelques provinces ont retenu le féminin, l'autre genre est plus usité.

(5) Un manant, un habitant des campagnes, du latin manere manens, qui demeure, comme on appelle paysan l'homme du pays; ou peut être manè, de bonne heure, qui se lève de bon matin pour le travail. Problème renvoyé aux étymologistes.

(6) Dit-elle aux Oisillons.

Chaque Oisillon grandit, et devenant Oiseau.

Florian, L. I. fab. 5.

(7) Pour moi dans ce péril extréme. Pas encore; aussi l’Hirondelle ne s'éloigne-t-elle pas. Peut-être La Fontaine avoit-il écrit: dans le péril extrême, quand il sera venu.

(8) Voyez-vous cette main qui par les airs chemine? Métaphore hardie, mais peinture vraie, pour exprimer l'action de l'homme qui sème.

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(9) Que ce qu'elle répand. Pourquoi ne pas dire ce que c'est ? C'est qu'il sera toujours temps de nommer ce maudit grain.

(10) De-là naîtront engins à vous envelopper. Parce que c'est le chanvre qui donne les tissus dont on forme les filets. Engins, pièges, filets trompeurs. Dès le temps de Guillaume de Lorris :

Et ses engins y mit pour prendre

Damoiselles et damoiseaux,

(Rom. de la Rose, vers 1601).

(11) Gare la cage ou le chaudron. Ce vers est expliqué par le précédent.

-

(12) Mauvaise graine est tót venue. Tôt pour bientôt. Les voyageurs, comme les vieillards, aiment à recueillir et à répandre dans la conversation, de ces proverbes qui font la morale populaire. Le caractère du personnage est donc bien soutenu.

(13) Que reginglettes et réseaux, etc. Sortes de filets. Rien de trop dans ce menaçant appareil, qui ne les rendra pas plus sages.

(14) Imitez le Canard, la Grue et la Bécasse. Oiseaux de passage dont nous aurons occasion de parler.

(15) Ni d'aller chercher d'autres mondes. Expression emphatique; style de voyageur.

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