Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle. Je crois même qu'en bonne foi Les hommes ont peur comme moi. Et cependant faisoit le guet. Il étoit douteux (3), inquiet: Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnoit la fièvre (4). Le mélancolique animal, En rêvant à cette matière, Il s'en alla passer sur le bord d'un étang. Oh! dit-il, j'en fais faire autant Qu'on m'en fait faire (6)! Ma présence Il n'est, je le vois bien, si poltron sur la terre, (Depuis La Fontaine). FRANC. Benserade, fab. 140. Fables en chansons, L. I. f. 46. - LATINS. Desbillons, Lib. II. fab. 3.ITAL. Luig. Grillo, fav. 22. NOTES D'HISTOIRE NATURELLE. LE LIÈVRE est un petit animal sauvage, plus gros qu'un Lapin. Il a le poil rougeâtre. Dans les hautes montagnes, en Suisse et dans les pays du Nord, les Lièvres deviennent blancs pendant l'hiver, et reprennent, pendant l'été, leur couleur ordinaire. Le froid occasionne cette blancheur, à la faveur de laquelle ils échappent aux Oiseaux de proie, qui ne les voient pas sur la neige. Paisibles pendant le jour, la nuit est pour eux le temps des promenades, des danses et des amours. C'est un plaisir de les voir au clair de la lune jouer ensemble, courir les uns après les autres; mais inquiets, défians et peureux par nature, le moindre mouvement, le bruit d'une feuillé les alarme, et suffit pour les mettre en fuite. OBSERVATIONS DIVERSES. (1) Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe? Vers devenu proverbe. « Je crois qu'il est impossible de mêler plus rapidement le récit et la réflexion et c'est ainsi qu'écrit toujours La Fontaine ». (M. de la Harpe, Eloge de La Fontaine.) Témoins les autres exemples qu'en fournit cette même fable. (2) Jamais un plaisir pur. Comparez à ce monologue celui du Bûcheron; dans la fable 16e. du Ier. Livre. Ce sont les mêmes idées; mais les sentimens et l'expression en sont aussi différens que les personnages. La misère et la peur rendent bien également malheureux; mais par des causes et des résultats divers. La Fontaine, selon le précepte d'Horace, sait parfaitement assortir le langage au caractère : ly Reddere personis scit convenientia quæque. Il y a ici un mélange de sérieux et de comique qui donne à la situation du Lièvre un intérêt vraiment dramatique. (3) Il étoit douteux. Cet adjectif ne s'applique qu'aux choses, et non aux personnes. Cela est douteux ; on ne dira point je suis douteux. (4) Une ombre, un souffle, un rien, tout lui donnoit la fièvre. Gradation pleine de vérité et de naturel. La Fontaine en a bien senti le mérite; car il l'a répètée dans son excellente fable des Deux Amis: Un songe, un rien, tout lui fait penr, Quand il s'agit de ce qu'il aime. (Liv. VIII. fab. 11.) (5) Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes ; Grenouilles de rentrer dans leurs grottes profondes, Ces vers ont été cités cent fois, et le seront toutes les fois que l'on cherchera des exemples d'un style léger, naïf, élégant. (6) Oh! dit-il, j'en fais faire autant Qu'on m'en fait faire. Cette répétition seroit vicieuse dans un style noble et soutenu : elle ne l'est point dans le langage familier. Ma présence est emphatique : il lui suffit de se montrer; c'est Achille dont l'aspect met en fuite l'armée troyenne. (7) Effraie aussi les gens ! Les gens: c'est bien plus que de faire peur à des animaux. (8) Je mets l'alarme au camp, donne l'idée d'un ennemi terrible, entreprenant. Analysez chacune de ces expressions, vous y découvrez un trait de génie. (9) Et d'où me vient cette vaillance? Il s'en étonne lui-même, comme on s'étonne d'un prodige. Vaillance, terme chevaleresque: il est bien plus noble que valeur. (10) Comment! des animaux qui tremblent devant moi ! C'est l'orgueil d'un vainqueur contemplánt ses trophées. / (11) Je suis donc un foudre de guerre? Ce Lièvre qui tout-àl'heure avoit peur d'une ombre, et qui se croit tout-à-coup devenu terrible comme la foudre dans les mains d'un guerrier, dans celles d'un Dieu irrité, forme un contraste aussi piquant qu'inattendu. Malherbe: Là se perdent ces noms de maîtres de la terre, { Paraphr. du Ps. 145.) ་འའའ་་་་ FABLE X V. Le Coq et le Renard. (Avant La Fontaine). GRECS. Esope, fab. 36. LATINS. fable Le Pogge, Facetiæ, p. 441. - FRANÇAIS, Marie ( Ysopet, du Renard et du Pigeon manusc. du 13. siècle). SUR la branche d'un arbre étoit en sentinelle Un vieux Coq adroit et matois. Frère, dit un Renard, adoucissant sa voix, Paix générale cette fois. Je viens te l'annoncer; descends que je t'embrasse: Je dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer: Le baiser d'amour fraternelle. De cette paix : Et ce m'est une double joie De la tenir de toi. Je vois deux lévriers F 44 10 Qui, je m'assure (2), sont couriers, Ils vont vîte, et seront dans un moment à nous. Tire ses gregues, gagne au haut (3), Et notre vieux Coq (4), en soi-même, Car c'est double plaisir de tromper le trompeur. (Depuis La Fontaine). ANGLOIS. Dryden, Conte dans le Spectat. Anglois, T. VI. pag. 302 (traduct. franç.). LATINS. Car. Le Beau, Carmina, pag. 13.—FRANÇAIS. Benserade, £. 77. Fables en chansons, L. I. fab. 16. Florian, L. IV. fab. 2. NOTES D'HISTOIRE NATURELLE. LE COQ. V. L. I. fab. 20. LE RENARD. Ibid. f. 2, LEVRIER, une des espèces de Chiens nommés ainsi, de l'usage où l'on est de s'en servir particulièrement à la chasse du Lièvre. OBSERVATIONS DIVERSES. Le Pogge ajoute à la réponse du Coq ce nouveau dialogue. « Le Coq Eh! la paix n'est-elle pas faite entre les animaux? Le Renard: Peut-être que les deux Chiens n'en savent pas encore la nouvelle». Jacques l'Enfant, qui a publié le Poggiana, voudroit que La Fontaine n'eût pas omis cette répartie du Renard fugitif, comme ayant, dit-il, beaucoup de sel. Cela est vrai; mais elle étend la morale de la fable bien au-delà du but du poète, et par-là devient inutile. Ce n'est pas un combat d'esprit qu'il a voulu rendre, mais une leçon qu'il donne aux trompeurs. |