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insectes, ou par un effet de l'humidité, comme les grenouilles, les limaçons et les scolopendres.

C'est un caractère particulier des fables chinoises, que rien n'y est presque jamais rapporté à l'intervention des êtres supérieurs à l'homme. De même, dans ces théories d'une physique mensongère, tout est attribué à un développement spontané qui s'exécute d'après des lois invariables. Tout y est parfaitement combiné, même ce qui est contraire au bon sens; tout s'y explique par l'action de causes réputées naturelles, alors même qu'elles sont entièrement imaginaires. C'est surtout depuis que les opinions de l'école qui s'est formée au XIIe siècle sur l'éther et la matière fixée ont été généralement répandues, que ces théories ont pris faveur. On rend compte de tous les phénomènes par l'action de ces deux principes, par le resserrement et l'expansion, l'attraction et la répulsion, le repos et le mouvement. C'est une véritable Explication universelle. On comprend très-bien ainsi comment sont nés les cinq éléments et toutes les propriétés opposées, dont le jeu influe sur les corps, le sec et l'humide, le froid et le chaud, le doux et l'amer, les couleurs, les odeurs, les vertus médicinales. On dit d'où provient la différence des sexes dans les animaux, quelle est la cause des maladies, et pourquoi, parmi les végétaux, les uns ont un tronc ligneux et les autres une tige herbacée. Des tableaux où ces propriétés sont mises en regard les unes des

autres, servent à donner une raison de tout ce qu'on ne sait pas en météorologie, en chimie, en histoire naturelle et surtout en médecine. Le succès de ces sortes de systèmes est presque toujours assuré, même hors de Chine, parce qu'il est commode de pouvoir mettre des mots à la place des choses, de n'être jamais arrêté par rien, et d'avoir des formules toutes prêtes pour tous les cas embarrassants. C'est ainsi que s'est formé un jargon scientifique qu'on croirait emprunté de notre scolastique du moyen âge, et qui, bien plus que l'écriture figurative, a dû contribuer à retenir les connaissances des Chinois dans l'état d'enfance où nous les voyons de nos jours. L'expérience fait voir que, quand l'esprit humain est une fois engagé dans ces fausses routes, il lui faut, pour s'en détourner, des siècles et le secours d'un homme de génie. Les siècles n'ont pas manqué à la Chine; mais l'homme dont les lumières supérieures feraient évanouir ces lueurs trompeuses, y pourra difficilement exercer cette heureuse influence, tant que les institutions politiques y tiendront éloignés des sciences spéculatives tous les esprits actifs et d'une trempe vigoureuse, en les appelant, par la voie des concours, aux honneurs et aux emplois, et en les confinant ainsi dans les détails de l'administration et les fonctions de la magistrature.

Toutefois, l'on sait que, par une heureuse contradiction dont quelques-unes de nos études mêmes ont

autrefois présenté des exemples, les théories les plus opposées à la raison n'entravent pas toujours, autant qu'on pourrait l'appréhender, la marche et les progrès des sciences d'observation. L'attention qu'elles éveillent n'est pas entièrement stérile. Bien voir et raisonner faux, ne sont pas deux choses tout à fait incompatibles, et les naturalistes de la Chine, comme les chimistes et les médecins de nos anciennes écoles, ont quelquefois su les concilier. Les Chinois ont de bons yeux et beaucoup de persévérance, ils sont patients et minutieux, deux qualités précieuses dans la contemplation des êtres naturels. Ils ont une confiance outrée dans les vertus des simples, et cela même les rend circonspects dans l'usage qu'ils en font, et attentifs à les bien distinguer les uns des autres; c'est un de ces cas rares où l'ignorance a du bon quand elle est modeste et consciencieuse. A force d'étudier la nature dans l'intérêt de la pharmacie, leurs idées se sont successivement étendues. Ils ont amassé jusqu'à deux ou trois mille espèces des trois règnes, dont ils ont établi la synonymie, et passablement marqué les rapports et les différences. Le meilleur traité d'histoire naturelle que nous ayons d'eux est en quarante volumes, et il vaut bien le dictionnaire des drogues de Lémery. Ce qu'on trouve de mieux dans ces sortes d'ouvrages, c'est l'histoire des mœurs, des habitudes, des usages. Les descriptions sont détaillées et généralement exactes, sans être méthodiques. Les figures,

surtout celles qui sont coloriées, valent quelquefois mieux encore que les descriptions; car on sait que les peintres de la Chine excellent dans les parties de l'art qui n'exigent ni style, ni ordonnance, ni expression. De plus, les nomenclatures sont régulières; et les classifications, malgré les défauts qui les déparent, peuvent sembler prodigieuses chez ces peuples de l'extrémité du monde, où l'on s'étonne toujours de rencontrer quelque chose qui ait le sens commun. Les livres de botanique et de zoologie, composés par des auteurs chinois et japonais, peuvent donc être consultés avec fruit, soit pour prendre une idée des productions particulières à l'Asie orientale et des divers genres d'utilité qu'on en tire, soit pour éclairer la distribution géographique des espèces qui nous sont connues. Enfin, et ce sera le dernier trait de notre éloge, ces livres demeureront notre unique ressource, tant que la timide ou prudente politique des gouvernements de ces contrées, rebelle aux vœux des amis des sciences, les tiendra rigoureusement fermées aux voyageurs européens. Et l'on peut croire qu'elle trompera longtemps encore les efforts de nos voyageurs et les vœux des amis des sciences, si ces gouvernements sont bien conseillés dans. l'intérêt de leur repos et de leur indépendance.

DISCOURS

SUR LE GÉNIE ET LES MOEURS DES PEUPLES ORIENTAUX.

Le sujet que j'entreprends de traiter mérite assurément l'attention des hommes éclairés; mais, pour qu'il ne perdît rien de son importance à leurs yeux, il faudrait qu'il fût livré aux réflexions de chacun, avec les développements convenables. Le génie et les mœurs des peuples orientaux embrassent mille objets variés, et demanderaient plus de lumières encore qu'il n'y en a dans les trois sociétés asiatiques de Paris, de Londres et de Calcutta. L'Inde, la Chine, la Perse, la Chaldée; la des sagesse mages, des lettrés, des brahmanes; les religions, les coutumes, les lois, les gouvernements de vingt peuples divers, durant quarante siècles, offrent une matière dont le génie même de Montesquieu n'a pu se rendre maître, et il y aurait de la témérité à l'aborder, à moins de posséder l'érudition d'une académie, ou la noble confiance d'un auteur de Résumés. Je voudrais connaître le secret de ces volumes si petits, et dont on peut dire, comme de la maison de Socrate : « Plût à Dieu « qu'ils fussent pleins de vérités!» De ces imperceptibles traités de chronologie et de morale, d'histoire et de philologie, qui ressemblent au manuel du dis

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