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POSTHUMES

D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE

ORIENTALES.

OBSERVATIONS

SUR LA RELIGION SAMANÉENNE.

On est redevable à l'illustre auteur de l'Histoire des Huns de travaux si importants sur l'origine et les migrations des nations orientales, ce docte académicien nous a légué un si grand nombre de savants mémoires sur des sujets variés, mais tous également intéressants, que le premier sentiment dont on doit être animé, quand on ose entreprendre de traiter après lui les mêmes questions, c'est celui du respect et de la reconnaissance. Il peut s'y mêler quelque surprise lorsqu'on songe que M. Deguignes a, le premier, triomphé d'obstacles que personne avant lui n'avait essayé d'aplanir, et que, seul avec son émule et son contemporain Deshauterayes, il avait su faire de grands progrès dans une étude pour laquelle leur maître commun, E. Fourmont, s'était consumé en vains efforts. On comprend avec difficulté comment, muni de si peu de secours, et à une époque où la théorie

du langage avait encore reçu si peu d'applications judicieuses, il avait pu parvenir à entendre et à interpréter les chroniques chinoises, pour en tirer toute la substance et reconstruire, en quelque façon, les annales des peuples de la haute Asie, dont les monuments originaux ont disparu. Les tables chronologiques qu'il a rédigées avec l'assistance des écrivains chinois, et toute la partie de son grand ouvrage qui repose sur le même genre de recherches, sont le fruit d'une vaste lecture et d'un labeur infiniment pénible. On y voit même une sorte de phénomène; car on aurait peine à faire mieux et même aussi bien, à présent qu'on a recueilli tant de faits nouveaux sur les antiquités de l'Orient, sur les rapports et les différences des races humaines qui y ont habité, sur la marche et le progrès des idées qui en ont constitué la civilisation.

L'hommage que je viens de rendre à l'un de nos plus célèbres devanciers n'entraîne pas l'approbation de toutes les idées systématiques et quelquefois hasardées que M.Deguignes a mêlées, en plusieurs endroits, aux résultats de ses laborieuses investigations. Le progrès des études historiques et de celles qui se rapportent à la comparaison des langues l'aurait sans doute disposé lui-même à revenir sur quelques-uns des rapprochements dont il s'était montré séduit. On ne peut plus considérer comme incontestable l'identité des Huns et des Hioung-nou, qu'il a posée pour base de son Histoire, sans même présumer qu'elle eùt besoin

d'être démontrée. On ne saurait plus confondre, comme il a cru devoir le faire, les traditions des peuples de race turque et mongole. Personne, je pense, ne serait disposé à soutenir le paradoxe qu'il avait embrassé avec tant de chaleur sur l'origine égyptienne des Chinois; et l'on voudrait pouvoir supprimer cette étrange note qui se lit à la fin de l'Histoire des Huns, et qui semble avoir pour objet d'effacer le mérite de ce que l'auteur avait écrit de plus solide sur l'antiquité chinoise: «De nouvelles recherches m'obligent à changer de «< sentiment, et à prier le lecteur de ne faire aucune << attention à ce qui se trouve sur ce sujet dans les << deux ou trois premières pages. Les Chinois ne sont « qu'une colonie égyptienne assez moderne. Je l'ai «prouvé dans un mémoire que j'ai lu à l'Académie. Les « caractères chinois ne sont que des espèces de mo«nogrammes formés de lettres égyptiennes et phéni«ciennes, et les premiers empereurs de la Chine sont « les anciens rois de Thèbes. »

"

Une préoccupation systématique n'est pas la seule circonstance qui ait écarté M. Deguignes de la route de la vérité. Le désir de traiter des questions d'un haut intérêt pour l'histoire générale lui a souvent fait devancer l'époque où ces questions pouvaient être complétement éclaircies, et, dans ces occasions, il n'a pu que suppléer, par d'ingénieuses conjectures, à ce que la connaissance de certaines sources, encore inaccessibles, lui eût fourni des faits positifs et incontestables.

Je n'en citerai que deux exemples, qui se rapportent aux recherches mêmes par lesquelles j'ai été conduit à ces considérations. La manière dont les noms étrangers sont orthographiés dans les livres chinois les rend, au premier coup d'œil, méconnaissables; et ce n'est qu'à force d'avoir étudié, si j'ose ainsi parler, les lois des changements qu'ils subissent, qu'on parvient à reconnaître avec certitude, au milieu d'altérations graves ou d'analogies trompeuses, d'articulations adoucies ou de sons substitués les uns aux autres, la forme primitive des mots ou des noms. Il faut avoir égard aux habitudes de prononciation, aux règles étymologiques, et à d'autres circonstances délicates, qui expliquent les permutations et mettent sur la voie des synonymies. M. Deguignes, qui n'avait pour guide que des dictionnaires composés par des missionnaires, où les mots chinois étaient transcrits à la manière portugaise ou italienne, a plusieurs fois été induit en erreur par l'orthographe imparfaite qu'il y trouvait; et c'est ainsi que, sur plusieurs points de géographie comparée, les transcriptions qu'il s'était faites l'ont empêché de retrouver les véritables noms des lieux que l'histoire lui présentait, ou l'ont conduit à des suppositions contraires à la vérité. Le pays de Ki pin eût eu plus d'intérêt pour lui s'il y eût reconnu la Cophène de Pline et d'Étienne de Byzance; Kao fou (Caboul), Sou touï cha na (Osrushnah), Na se po (Nakhsheb), Mi (Meïmorg), et vingt autres noms qui se rapportent aux

contrées de l'Occident, sont restés pour lui sans application. Il n'a pu reconnaître le nom des Tadjiks dans celui de Tiao tchi, ni ceux des Saques et des Asi dans les transcriptions vicieuses qu'il en avait faites, Su et Gan sie. Enfin, une erreur du même genre ayant, par malheur, affecté l'un des points fondamentaux de la géographie de ces contrées, il a pris le Khang kiu ou la Sogdiane pour le Captchak; et cette première méprise ayant déplacé pour lui tous les itinéraires et routiers qui partent de Samarcande, il a été privé d'une foule de coïncidences qui, entre des mains si habiles, eussent servi à débrouiller complétement, cinquante ans plus tôt, les matériaux fournis par les auteurs chinois pour la géographie ancienne des régions moyennes de l'Asie.

Un autre genre de secours a quelquefois manqué à M. Deguignes ce sont les comparaisons qui peuvent servir à rapprocher les renseignements tirés des annales de la Chine de ceux qui existent dans les livres indiens. De son temps, aucun Européen n'avait encore étudié la langue sanscrite. On connaissait à peine par leurs titres quelques-uns des monuments de cette littérature que les efforts des savants de Calcutta ont livrée depuis aux studieuses investigations des critiques de l'Occident. On ne saurait faire un reproche à M. Deguignes de ce qu'il avait entrepris ses recherches avant la fondation de la Société de Calcutta; mais on ne peut non plus être surpris de voir les résultats de plusieurs

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