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mal interprété ; il n'exprime qu'un intérêt quelconque* et nullement un intérêt usuraire "". » Moïse l'explique lui-même : « L'Hébreu ne prêtera à son frère, ni de l'argent à intérét, ni des vivres avec promesse d'un surcroît: il ne recevra rien de plus que ce qu'il lui aura donné

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Quel est donc le but d'une loi qui ne permet de prêter à intérêt qu'au seul étranger forain (nocri)? La nature du commerce adapté aux besoins des Hébreux nous le découvrira.

Pour suppléer à l'insuffisance de l'échange, le commerçant s'établit comme intermédiaire entre les producteurs et les consommateurs; il achète la marchandise des premiers, la transmet aux autres, et dans ce passage lui donne une augmentation de prix qui forme son propre bénéfice.

les

Mais le commerçant, en se chargeant des denrées de divers producteurs, leur remet, ou comptant, ou à terme, ses propres denrées ou son argent en échange, et dans ce cas, spéculations ont des bornes naturelles; ou bien il accumule une quantité de marchandises audelà de tous ses propres moyens, et il ne les paie qu'après un temps plus ou moins long, en ajoutant pour ce temps, un surcroît au prix

* De même, chez les Romains, tout intérêt de l'argent, diocre ou considérable, est exprimé par un seul mot, fenus.

fondamental, ou un intérét, si au lieu des marchandises il a pris l'argent qui les représente.

Cette dernière forme qui conduit aux spéculations les plus hasardeuses est celle que le législateur semble vouloir entraver chez un peuple dont les premiers besoins étaient l'agriculture, la plus grande égalité possible dans les richesses, et la plus parfaite identité dans les intérêts des citoyens. Au lieu d'emprunter à autrui pour une entreprise, on sera forcé de s'associer avec autrui et de partager les profits ou les pertes.

En même temps il établit une espèce d'assurance générale et mutuelle entre tous les citoyens, natifs ou étrangers; entre cette foule de petits propriétaires qui forment l'Etat : tous viendront au secours les uns des autres avec désintéressement, de tribus à tribus, de ville à ville, de particulier à particulier. « Si tu prêtes de l'argent ou des vivres à ton peuple, n'exige ni intérêt ni surcroît : quand ton frère devenu pauvre tendra vers toi ses mains défaillantes, tu le soutiendras; de même tu soutiendras l'étranger habitant afin qu'il vive avec toi tu lui prêteras sans intérêt ton argent et tes denrées 13. »

Une distinction était donc indispensable entre les nationaux et les étrangers forains qui

n'étaient soumis à la loi de l'État, et que

pas

rien ne pouvait forcer à remplir par réciprocité la condition exigée. « Le texte qui autorise le prêt à intérêt avec l'étranger, ajoutent les soixante-onze docteurs, ne peut et ne doit s'entendre que de ces nations étrangères avec lesquelles on faisait le commerce et qui prêtaient elles-mêmes aux Israélites, cette faculté étant basée sur un droit naturel de réciprocité *. >>

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Ainsi, la valeur réelle de ces expressions qu'on lit dans le tableau de l'abondance promise: « Vous prêterez à beaucoup de nations, et vous ne leur emprunterez point devient des plus faciles à saisir. Cette abondance amènera du superflu qui nécessite l'exportation : alors les productions seront livrées à des étrangers qui, après un certain temps, les rendront avec un intérêt ou surcroît qu'ils sauront exiger

* Le principe de la réciprocité explique une foule d'opinions des docteurs, qui sont des plus choquantes quand on les isole des circonstances qui les firent naître. Les écrivains qui ont avancé que leur jurisprudence permettait l'usure envers l'étranger ou le Gentil, ont presque tous oublié de citer leur principe même ; le simple énoncé lui enlève tout ce qu'il pourrait offrir d'inique; il établit la réciprocité entière et par conséquent l'égalité entre le Gentil et l'Hébreu. Le voici en propres termes : « Il n'est pas permis de faire un cheptel de fer avec un Israélite; mais il est permis de recevoir d'un Gentil, ou de donner à un Gentil un troupeau à ces conditions. Il est permis de recevoir d'un Gentil de l'argent à usure (à intérêt) et de lui donner de l'argent de la même manière. » (Mischna, de Damnis, lib. II, cap. v, § 6. )

à leur tour. Mais les Hébreux n'auront nullement besoin d'emprunter aux autres nations, car ils paieront à l'instant les productions étrangères avec celles qu'ils auront recueillies en abondance. S'ils suivent au contraire une fausse route, leurs champs ne rapporteront plus rien; loin de prêter aux nations, ils se verront forcés d'aller prendre chez elles, le blé, l'huile, le vin et toutes les denrées dont ils seront entièrement privés; loin de donner des secours à l'étranger qui habitera dans leur ville, ils réclameront eux-mêmes sa bienfaisance 15.

La loi de Moïse a donc pour caractère de laisser toutes les facilités possibles à la circulation des produits de l'intérieur à l'extérieur, et réciproquement; de favoriser les relations amicales avec les peuples étrangers dont on n'a point à craindre l'influence sur la patrie *. La tribu de Dan est destinée à se tenir sur les navires; la tribu d'Aser, à demeurer dans les havres. Les flottes de Salomon s'unissent à celles des Phéniciens; Jérusalem devient un si grand marché, qu'on la nomme la porte des peuples: elle est l'entrepôt de toutes les marchandises

* Les lois défendaient à tout Athénien et à tout étranger établi, de prêter de l'argent sur un vaisseau qui ne devait pas transporter à Athènes le blé et les autres marchandises dont elles faisaient le detail (Lois Athéniennes de Samuel Petit, ch. xxiu).

qui arrivent du Désert et qui y vont : sa position est admirable. Sidon et Tyr en sont si profondément émues de jalousie, qu'elles se réjouissent à pleine voix de sa chute, en disant : «< Tant mieux que Jérusalem soit brisée; sa solitude accroîtra notre population 16. »

Mais, dans l'intérieur de l'Etat, la loi veut arrêter l'avidité mercantile que Platon redoutait à l'excès pour sa république : « Cette avidité avec laquelle on trafique, dit Montesquieu, de toutes les actions humaines et de toutes les vertus morales 7 » ; qui ferme l'esprit des citoyens aux grandes idées; qui les porte à sacrifier le bien perpétuel de la patrie à des intérêts du moment; qui les rend insensibles enfin à tout ce qui sort de l'étroite sphère dans laquelle ils sont plongés.

On voit par là combien est mal fondée la foule qui pense que les lois primitives des Hébreux propagent l'esprit d'un mauvais négoce. Sans doute cet esprit s'est répandu sur eux; mais qui faut-il en accuser? rarement les torts sont du côté des hommes qu'on opprime! Interrogeons les siècles, ils nous diront quel mélange d'avarice et de fanatisme les priva des garanties les plus nécessaires, leur arracha tous les moyens naturels d'existence : ils nous diront comment des princes inhumains les firent servir

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