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DÈS que les Hébreux furent arrivés aux frontières de Canaan, Moïse, sur la demande expresse du peuple, choisit parmi les tribus, douze chefs, pour reconnaître le pays dont on allait commencer la conquête. Il avait lui-même des notions exactes sur cette terre promise, soit qu'il les eût puisées dans des Mémoires anciennement rédigés par Joseph; soit qu'il l'eût visitée quand il traversa deux fois l'isthme de Suez et pendant son long séjour hors de l'Égypte. Ce ne fut donc que pour condescendre au vœu des Israélites, qu'il donna à ses émis

saires les instructions suivantes : « Franchissez la montagne et voyez quelle est la nature des lieux; si les habitans sont faibles ou forts, en petit ou en grand nombre; s'il y a beaucoup de villes murées, ou s'ils vivent dans des tentes; si le sol est gras ou maigre, couvert ou dépouillé d'arbres; apportez-nous en même temps un échantillon des fruits que vous trou

verez'. >>

Les douze chefs restèrent quarante jours à accomplir leur mission, et ils rapportèrent pour preuve de la fertilité du sol, des figues, des grenades, et une énorme grappe de raisin qu'ils suspendirent à un bâton, de crainte de la flétrir. Mais dix de ces envoyés exagérèrent à l'assemblée la force des indigènes et la difficulté de l'entreprise. Les deux autres, Caleb fils de Jéphuné et Josué fils de Nun, s'efforcent en vain d'arrêter l'impression que produit leur discours. Le peuple, effrayé des dangers qu'on lui retrace, fait entendre de toutes parts des cris de découragement : « Que ne sommesnous morts au pays d'Égypte ou dans les déserts, plutôt que de voir nos enfans et nos femmes

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'Quelques uns ont donné à ces hommes le nom d'espions. Mais ils ont écarté ce mot de sa signification naturelle. Aujourd'hui encore, tout conquérant envoie en reconnaissance, avant d'entrer dans un pays inconnu.

devenir la proie de l'ennemi! Etablissons-nous un autre chef et rebroussons chemin. »

A ces mots, le législateur. se prosterna le visage contre terre. Josué et Caleb déchirèrent leurs vêtemens, supplièrent d'une voix pathétique les Hébreux de changer de langage et leur promirent la victoire : on ne leur répondit que par d'affreuses menaces.

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Mais, qui le croirait? quand l'irritation est au comble, Moïse se relève tout à coup pour s'en rendre maître et pour proclamer une détermination extraordinaire, qui exigeait la plus inébranlable volonté. Convaincu que les idées superstitieuses et toutes leurs conséquences ne s'effaceraient jamais de l'esprit de la vieille génération composée des hommes sortis d'Egypte à l'âge où elles avaient jeté des racines profondes, il conçut de refaire entièrement le peuple; et d'attendre pour entrer dans la terre-promise une génération nouvelle, qui n'y apportât d'autres sentimens que l'horreur de la servitude et l'espérance du bonheur procuré par le travail et par les lois..

Il s'avança donc au milieu du tumulte, et comme si ses yeux ne distinguaient personne de ceux qui l'entouraient, il invoqua l'Éternel et il répéta à haute voix les paroles que ce Dieu lui fit entendre : « A cause de ses murmures et

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de sa méfiance, ce peuple sera inévitablement détruit dans le désert. Quoi! répond Moïse, tu le ferais mourir comme un seul homme? Que diraient les Égyptiens? que diraient les habitans de ces contrées qui ont appris que tu marchais à notre tête? O toi, qui es plein de miséricorde, malgré ta sévérité, pardonne, je t'en supplie, sa rébellion. » Frappés de sa contenance et de la vengeance céleste dont il les menace, les Hébreux se taisent, s'humilient. « Dieu pardonne, s'écrie-t-il! vos enfans entreront dans la terre de miel et de lait. Mais que les hommes qui ont murmuré tant de fois, quoiqu'ils aient vu les grandes choses accomplies jusqu'à ce jour, ne la foulent pas de leurs pieds; que leurs cadavres,.... ceux d'Aaron, de Moïse lui-même, restent couchés dans le désert 2. »

Cet arrêt d'exil prononcé d'une voix solennelle changea soudain leur colère en douleur : honteux de leur faiblesse, ils demandent à voler au combat; mais l'ordre est donné de retourner vers la mer Rouge, et les guerriers qui s'obstinèrent à attaquer les Cananéens, furent battus et poursuivis.

Moïse rentra donc dans le silence de la solitude pour continuer à dicter ses lois, parmi lesquelles celles qui ont rapport aux richesses ne sont pas les moins importantes.

Sans renoncer aux objections de détail sur les avantages pratiques des mesures qu'il adopta, on est forcé de reconnaître au premier abord que, pour composer ou pour coordonner le Pentateuque, il fallait un homme ou des hommes doués des facultés les plus hautes, surtout quand on considère le temps où ils écrivirent. Or il est impossible que ces hommes, qui prenaient pour base le droit du peuple ; qui mettaient au-dessus de tout l'intelligence; qui présentaient enfin comme but essentiel de toutes les pensées humaines, la prolongation de la vie, l'accroissement de la population, l'abondance et la satisfaction de tous les besoins et sentimens naturels; il est impossible, dis-je, que ces hommes, en marchant de leur principe à leur but, n'aient pas rencontré les vérités les plus utiles, n'aient pas obtenu des résultats positifs. « L'utilité, dit Maimonide, a dicté le moindre précepte de la loi, et les personnes qui n'ont pas aperçu cela doivent surtout s'en prendre à elles-mêmes 3. » Supposons, pour un moment, que le législateur d'Israël apparût soudain au milieu de nous; il aurait le droit de dire: « Enfin ma parole s'est réalisée; ce que vous vous glorifiez d'exécuter aujourd'hui, je l'ai fait, autant qu'il dépendait de moi j'ai brisé les portes de la Maison de servitude; j'ai subs

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