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qu'il ne s'adonne exclusivement à la recherche de la vérité et de toutes les choses d'une utilité générale 98.

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Sachez, ajoute-t-il, que nul n'est prophète, à moins qu'il ne soit constitué pour toutes les qualités intellectuelles et pour la majeure partie des qualités morales ainsi, d'après nos Sages, la prophétie n'habite que chez l'homme sage, satisfait de son sort, qui sait vaincre ses passions et soumettre toutes les actions de sa vie aux règles de l'intelligence et de la saine raison. Toutefois on peut encore être prophète sans posséder toutes les qualités morales : Salomon fut prophète malgré son intempérance et son luxe; David fut prophète, quoiqu'on l'ait vu déployer envers plusieurs peuplades une barbarie si grande, que Jéhovah lui commanda de ne point bâtir le temple, parce qu'il avait versé trop 99 sang

de

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Le mot prophète obtenait donc la plus vaste extension. En général, il s'appliquait à tous les hommes éclairés; à tous ceux qui, selon l'expression de l'Écriture, avaient l'œil ouvert; et c'est dans ce sens que Moïse s'écriait : « Plût à Dieu que tout le peuple fût prophète, qu'ils vissent tous les choses qui leur sont utiles pour vivre long-temps et bien sur la terre. » En particulier, il s'appliquait aux soixante-dix

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anciens d'Israël qui étaient censés pénétrés toujours du même esprit, des mêmes vues que le législateur: il s'appliquait à tous les hommes d'une imagination vive et bouillante, aux musiciens, aux poëtes; c'est pourquoi les enfans d'Asaph furent chargés de prophétiser dans le temple au son des instrumens 100 à tous les hommes qu'une exaltation excessive jetait dans l'espèce de délire * connu et célébré pas tous les peuples anciens : enfin, on a vu qu'Aaron fut appelé le prophète de son frère, pour dire l'interprète, à cause de l'embarras de la langue, dont Moïse se plaignait. Mais c'est aux orateurs publics que ce nom convenait spécialement; et c'est la nature et les conditions de leur existence politique que je vais examiner.

Tout homme d'un esprit assez élevé, et d'un caractère assez ferme pour défendre le droit public et la loi, peut le faire en Israël; tout homme, quelles que soient sa naissance, sa tribu, sa fortune, peut s'écrier : « Je suis prophète »>! représenter au peuple les conséquences de ses démarches, censurer sa conduite, celle des magistrats, des chefs, des sacerdotes, des rois, du sénat, de tous. Orateur populaire dans

* Ce mot même était pris quelquefois en mauvaise part,"comme cela arrive en parlant de l'accès de frénésie de Saül, où il faisai le prophète. (1. Samuel, xvIII, 10,

l'intérêt de la liberté commune, il parle, il prêche sans que personne puisse lui fermer la bouche; les citoyens au contraire sont tenus de l'écouter, d'obéir même à sa parole, quand sa parole, quoique violente, exprime le droit de l'État, quand elle s'élève contre des abus sensibles, contre des iniquités manifestes. «<Lorsque votre Dieu, dit le législateur, suscitera parmi vous un prophète du même genre que moi*, vous l'écouterez: vous écouterez toutes les paroles prononcées au nom de Jéhovah 101 »

ΙΟΙ

Une circonstance des plus importantes en effet, et qui donne un caractère particulier à la législation hébraïque, est que l'orateur public ne peut pas, ne doit pas présenter ses pensées en son propre nom; à l'exemple de Moïse, il s'annonce de la part du Dieu de la patrie, dont les volontés sont l'expression de l'intérêt général. Ainsi lorsqu'ils s'écrient devant le peuple: Nous sommes envoyés par Jéhovah; Jéhovah nous a commandé de venir vous dire que vos iniquités causeraient votre ruine, que vos sacerdotes s'écartent de leurs devoirs, que vos princes

* Les théologiens chrétiens ont-ils eu raison de prendre cette loi générale pour une allusion spéciale à Jésus-Christ? premièrement, un prophète semblable à Moïse ne serait qu'un homme bien inspiré secondement, il a existé entre Moïse et JésusChrist une foule de citoyens qui, en vertu de la loi, se sont déclarés prophètes et ont été reconnus pour tels.

sont avides et pervers, que vos rois sont infidèles à la loi, les prophètes sages ne prononcent pas ce nom pour abuser leurs auditeurs; ils l'invoquent, parce que le droit public l'exige, parce que cette formule consacre un principe, et signifie moi simple citoyen, moi votre égal, votre frère, je ne puis rien sur vous; la justice, la raison, l'intérêt d'Israël souffrent de votre conduite et font ma force.

La question de la théocratie se dévoile donc ici tout entière. Peu importent la nature de l'impulsion qui réveillait la pensée dans le cerveau du prophète, et les phénomènes plus ou moins singuliers qu'une tension constante de l'esprit est susceptible de produire * : mais ła

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Daniel, qui fut transporté dès sa première jeunesse à Babylone et dans la Perse, et dont la tête n'était pas moins remplie des doctrines mystiques de l'Oricnt que de la philosophie de Moïse, nous retrace avec une exactitude remarquable les effets physiologiques qui accompagnaient ses visions. « Les pensées de mon esprit m'agitaient, je tombais en défaillance; ... mon extérieur était tout changé, mes jointures semblaient relachées ; je me sentais sans vigueur; le sommeil m'accablait. Après cela, moi Daniel, je fus ou défait et malade pendant quelques jours, puis je me levai et je recommençai à travailler aux affaires du Roi » (v1I, 15, 28; vIII, 18, 27; x, 8, 16.). Des onze degrés que Maimonide indique dans la prophétie, le premier et le second sont pour la grandeur d'âme et le génie; tous les autres ne forment que des variétés de l'exaltation de la faculté imaginative, qui, sans un état maladif appréciable, et sans faire sortir l'individu d'un cercle raisonnable d'idées, pouvait créer dans son esprit une foule d'objets et de combinaisons d'objets différens (More Neboukim, pars II, cap. XLIV.)

faculté de parler au nom de Jéhovah appartenait-elle à la classe sacerdotale, ou à une caste quelconque privilégiée par la constitution de l'État? voilà à quoi il faut répondre. S'il en était ainsi, sans doute on devrait appeler théocratique le gouvernement de Moïse : mais si tous les citoyens sans distinction ont le droit, en se conformant à la loi, de proclamer la parole de Dieu, dès qu'ils se sentent capables de la comprendre; mais si cette parole appartenait à la nation tout entière et était l'expression de ses besoins positifs; si le prophète ne dépendait ni du sacerdote ni de qui que ce soit, mais de sa conscience seule et de la loi, il n'existe absolument aucune différence entre cet état et la république tout roule sur quelques locutions plus ou moins métaphysiques adaptées au génie particulier de la constitution des Hébreux.

Mais les prophètes, dira-t-on, n'avaient-ils pas un privilége réel, puisqu'ils faisaient des miracles? à cela deux réponses, l'une pour ceux qui croient aux miracles, et l'autre pour les incrédules. Le don des miracles est aux yeux des premiers une faculté particulière du temps : la liberté consiste à développer toutes les facultés qui ne nuisent en rien à l'état social or tout homme en Israël qui voulait recourir à des miracles dans l'intérêt de la constitution pu

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