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CHAPITRE III.

ORATEURS PUBLICS, OU PROPHÈTES.

La théocratie égyptienne eut ses prophètes; mais c'était une subdivision de la caste sacerdotale, chargée de quelques fonctions judiciaires. En fut-il de même chez les Hébreux? Formaient-ils une partie nécessaire du sacerdące, comme l'ont prétendu, avec des intentions opposées, les théocrates modernes et l'école de Voltaire? ou bien faudra-t-il reconnaître avec de savans philologues et publicistes qu'ils étaient également indépendans du sacerdoce et de la royauté 9o? et devra-t-on s'écrier, avec un historien allemand : «< Opposition bizarre, contraste singulier, qui cependant est propre à la constitution de l'état juif? Nous retrouvons dans les prophètes la voix de

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véritables patriotes qui, appuyés sur une disposition de la loi de Moïse, disaient la vérité au peuple, aux prêtres et aux rois, en se servant de l'histoire comme d'une autorité 91.

Pour résoudre cette question qui entre si profondément dans les entrailles de la théocratie, je ne puis distinguer avec trop de soin la nature et le but de l'institution, des abus qui s'y attachèrent et de toutes les circonstances qui sont les parties accessoires et nullement le fond du sujet.

De même qu'on accorde de nos jours un esprit plus ou moins élevé à l'homme qui sort de la classe ordinaire, les Hébreux disaient de leurs concitoyens doués de facultés supérieures, de raison, d'imagination, de vertu, de génie, qu'ils possédaient l'esprit de Dieu, en d'autres termes, l'esprit par excellence; car il faut savoir qu'une des manières d'exprimer grammaticalement le superlatif dans leur langue, consiste à ajouter au substantif un des noms de Dieu; à dire par exemple des arbres de Dieu, pour des arbres très-élevés; une épée de l'Éternel, pour une épée terrible; des montagnes, une flamme, un discours de Dieu, pour de hautes montagnes, une flamme ardente, un sage discours 92.

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Lorsqu'un homme, dit Maimonide, est tel

lement pénétré d'une influence suprême qu'il se sent poussé à quelque action grande et héroïque; à délivrer le peuple, même un seul individu, de la tyrannie des méchans; ou bien à devenir le bienfaiteur d'un certain, nombre d'hommes, nous appelons ce don l'esprit de Dieu; et nous disons de l'homme qui l'a obtenu, qu'il est revêtu de cet esprit; que cet esprit repose sur lui, qu'il est avec lui, et autres choses de ce genre; tels sont les juges d'Israël, au sujet desquels nos livres sacrés s'expriment « Alors l'Éternel suscita aux Hébreux des juges; et il fut avec ces juges pour les délivrer 93. »

en ces termes :

Mais parmi les diverses facultés de l'esprit, il en est une qui semble embrasser toutes les autres, et qui donne à l'espèce humaine sa plus grande suprématie sur tous les êtres de la création : c'est la voyance, que notre mot prévoyance ne rend qu'incomplétement et que les Hébreux définissent : « Ce haut degré de la faculté imaginative, en vertu duquel une chose apparaît à un homme et est vue par lui, comme si elle existait actuellement hors de lui, comme s'il l'apercevait au moyen de ses sens externes 94. »

Ainsi, prophète et voyant sont deux mots synonymes; ainsi, l'homme qui prophétisait ne devinait pas seulement l'avenir; car ces deux

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qualités sont bien distinctes dans l'Écriture il voyait l'état réel des choses et il répétait hautement sa pensée : « Vous êtes un peuple léger qui ne suivez pas la loi, s'écrie le prophète Isaïe, qui avez dit aux voyans, ne voyez pas. ne voyez pas ce qui est droit et juste; mais faites-nous entendre des choses agréables; voyez des choses qui nous flattent, lors même qu'elles ne seraient point vraies 96, »

Cette faculté de bien voir sera donc subordonnée comme toutes les autres à des conditions nombreuses, et elle présentera, surtout dans l'ordre politique, des degrés infinis, depuis ce simple sentiment du juste et du beau qui conduit sans règle et sans art à la découverte de quelques aperçus heureux, jusqu'à l'enthou

siasme basé sur la connaissance raisonnée des choses; cet enthousiasme qui sent le mal, qui en juge les causes, qui s'irrite contre elles, qui prêche, séduit et réchauffe les hommes pour les tirer de l'apathie funeste dans laquelle ils sont le plus souvent plongés. D'après cela, les Hébreux admettaient de grandes différences d'esprit, de science, de raison, de génie chez leurs prophètes; et ces différences dépendaient des deux principales sources qu'ils attribuaient à la prophétie.

Leurs docteurs font en général dépendre

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cette faveur, disent Calmet, Grotius, Basnage, du tempérament, de l'étude, et de diverses causes extérieures. D'après eux, il faut pour former un prophète qu'il ait une imagination vive, un raisonnement solide et éclairé par l'étude, un tempérament assez vigoureux pour soutenir de longues méditations. Il doit cultiver ce tempérament et ces dispositions naturelles par des études sérieuses, vivre dans la pureté, renoncer aux plaisirs excessifs des sens, éviter les émotions fortes et irrégulières de l'âme 97.

Mais écoutons à ce sujet le prince des rabbins, lui-même, qui s'exprime tantôt en savant tantôt en moraliste.

<< Si chez un homme la substance du cerveau se trouve dans un état convenable de perfection, sous le rapport de la masse, du tempérament, de la proportion et de la disposition; si des circonstances naissant de la manière d'être de tout autre organe, ne détruisent pas ou n'enchaînent pas les effets de cette disposition du cerveau; si cet homme se livre en même temps avec zèle à l'étude des sciences et des lettres, de manière à mettre en acte tout ce qu'il a en puissance; s'il a des mœurs pures, des pensées tendant toujours vers un but louable et grand,................... nul doute qu'il ne devienne prophète, qu'il ne saisisse toutes les questions les plus élevées, et

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