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nom de tout le peuple qui lui avait donné son consentement 43 >>

Mais d'abord: pourquoi Bossuet n'a-t-il point rapproché dans son Discours sur l'Histoire Universelle ce fait si frappant de ce qu'il rapporte des Grecs qui étaient soumis à la loi, c'est-àdire à la raison reconnue par le peuple ? L'anaIogie aurait dû lui paraître d'autant plus parfaite, qu'il déclare ailleurs que le Dieu de Moïse n'est raison : que que Dieu lui-même, si on peut le dire, a besoin d'avoir raison, puisqu'il ne peut rien contre la raison 44.

Ce n'est pas tout; Bossuet, dont le génie et la position sociale sont en lutte réglée, ajoute, de sa propre autorité : « Cependant il faut remarquer que le Dieu de Moïse n'avait pas besoin du consentement des hommes pour autoriser sa loi, parce qu'il est leur créateur, et qu'il peut les obliger à ce qui lui plaît 45. » Certes, si cette remarque n'entraînait aucune conséquence, il n'y aurait que de la témérité, de la part d'un évêque, à supposer que le Dieu de Moïse eût pu s'empêcher de faire une chose qu'il a faite et répétée. Si Bossuet n'était qu'un écrivain ordinaire, il n'y aurait que de la faiblesse d'esprit à ne pas avoir apprécié un acte qui sert de nœud à la législation. Mais l'aigle de Meaux, il faut le reconnaître, fut l'apôtre du pouvoir absolu

mais il se hâte de mitiger les principes que la force de la vérité lui arrache. Après avoir affirmé que la loi de Moïse est un véritable contrat social; après avoir écrit « que tous ceux qui ont bien parlé de la loi l'ont regardée dans son origine comme un pacte et traité solennel par lequel les hommes conviennent ensemble..... de ce qui est nécessaire pour former leur société, >> il revient sur lui-même; il jette dans sa période ces mots : par l'autorité des princes, dans lesquels il confond l'autorité naturelle des hommes doués d'une haute intelligence, avec le pouvoir politique de son temps, et il déclare qu'on ne veut pas dire par là que l'autorité des lois dépende du consentement et de l'acquiescement des peuples 46 !

Quelle est donc cette manière de raisonner? Quoi, la loi est un traité, et elle pourrait se passer de l'acquiescement des hommes qui sont la partie contractante! Quoi, le grand Jéhovah n'impose pas des lois, mais les propose; mais il exige le consentement libre des individus; mais il s'engage lui-même par serment, et le consentement et l'acquiescement des peuples serait inutile aux lois humaines! O Bossuet, quelque immense que soit votre génie, vous n'avez point compris Moïse : vous vous êtes jeté dans le système de l'Égypte, et vous avez enfanté plus de

contradictions que les défenseurs de vos doctrines n'en ont reproché aux philosophes!

Mais si la parole du Jéhovah est la vérité; si elle exprime ce qui est, et ce qui doit être, que fait l'approbation d'une multitude? Elle prouve que l'homme supérieur par qui elle est répétée, l'a réellement entendue; car cette parole devant renfermer l'expression des besoins de chacun, doit être intelligible pour tous. D'ailleurs, lors même que la sanction serait tout illusoire, par cela seul qu'elle est réclamée, le législateur reconnaît qu'il ne peut rien par lui-même, et que l'obéissance des peuples, à quelque ordre que ce soit, a pour base nécessaire leur propre volonté.

La loi n'est donc pas seulement une règle, comme la définit M. de Bonald "", mais une règle revêtue de l'assentiment de tous. Elle n'est pas seulement l'expression de la volonté générale, comme dit Rousseau, mais l'expression de la vérité politique sanctionnée par la volonté générale. Son caractère propre est indestructible. Une règle imposée, quelque bonne qu'elle soit, conduit au despotisme; et, malgré la volonté de la plus grande multitude, une chose mauvaise et contraire aux principes ne sera jamais la loi. Par la même raison, quoiqu'on s'entende très-bien sur le sens de ces mots, loi

de nature, ils manquent d'exactitude, appliqués à la politique. La participation expresse de l'homme n'y est comptée pour rien. Bien plus, tous les besoins, tous les sentimens, tous les désirs possibles, tout ce qui s'accomplit de bien ou de mal, tout ce qui existe d'utile ou de pernicieux est le produit de la nature. Au milieu de tant de choses, il faut faire un choix. En cela consiste la science de l'homme l'intelligence y préside; la volonté s'y conforme, et l'expérience, après lui avoir servi de base vient encore y apposer son seing.

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La sanction donnée au contrat public produisit aussitôt ce double effet : d'obliger chaque individu envers tous les autres ; et d'allier l'Etre national, formé par cette union, à l'Etre immense et immuable. Nous promettons de fuir tout ce qui nous serait nuisible et de nous soumettre à toutes les choses qui ont pour but l'utilité commune je vous accorderai le bonheur en récom-. pense, répond l'Éternel. Ainsi, le titre de médiateur qui a donné lieu à tant d'assertions obscures ou oiseuses appartient à Moïse, en ce sens que, pour fonder ses lois sur la première de toutes les lois, qui est, comme Bossuet l'a reconnu,. celle de la nature, il devait se mettre en rapport d'une part avec cette nature, de l'autre avec le peuple dont il ne cessait pas d'être membre.

Nulle autre nation n'offre l'exemple d'un pacte si savant et si sublime. Il est la cause essentielle de la force de cohésion qu'a développée l'association des Hébreux: il inspira à des prophètes pleins de génie, cette pensée : que tant que les règlemens du Monde dureraient, Israël et sa loi ne passeraient point. Enfin, sa seule imperfection fut de ne pas embrasser l'humanité tout entière.

Quant à l'action exercée sur tous les membres du corps public par la parole de vérité transformée en loi, elle constitue la SOUVERAINETÉ POLITIQUE. Il ne peut en exister d'autre : d'où l'apophthegme: Lex major omnibus, la loi est supérieure à qui que ce soit 49. D'elle seule émane tout acte vraiment légitime; car ce mot légitimité, d'après sa composition même, suppose une loi antérieure formée régulièrement. « La liberté des Hébreux, dit un des auteurs religieux déjà cités, dont l'assemblée constituante n'a fait que répéter les propres paroles*, consistait à faire tout ce que la loi ne défend pas, à n'être obligé à faire que ce qu'elle commande, sans être sujet à la volonté d'aucun homme en particulier 5. » C'est pourquoi, lorsque les ordres d'un chef quelconque se trouvaient en concur

* Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché ; et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. (Déclaration des Droits, art. v.)

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