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A l'aspect odieux des mœurs de cette ville?
Qui pourroit les souffrir? et qui, pour les blâmer,
Malgré Muse et Phébus n'apprendroit à rimer?
Non, non, sur ce sujet pour écrire avec grace
Il ne faut point monter au sommet du Parnasse ;
Et, sans aller rêver dans le double vallon,
La colere suffit, et vaut un Apollon.

Tout beau, dira quelqu'un, vous entrez en furie.
A quoi bon ces grands mots ? doucement, je vous prie :
Ou bien moutez en chaire; et là, comme un docteur,
Allez de vos sermons endormir l'auditeur :
C'est là que bien ou mal on a droit de tout dire.
Ainsi parle un esprit qu'irrite la satire,
Qui contre ses défauts croit être en sûreté
En raillant d'un censear la triste austérité ;

Qui fait l'homme intrépide, et, tremblant de foiblesse,
Attend pour croire en Dieu que la fievre le presse;
Et, toujours dans l'orage au ciel levant les mains,
Dès que l'air est calmé, rit des foibles humains.
Car de penser alors qu'un Dieu tourne le monde,
Et regle les ressorts de la machine ronde,
Ou qu'il est une vie au-delà du trépas,
C'est là, tout haut du moins, ce qu'il n'avouera pas.

Pour moi, qu'en santé même un autre monde étonne,
Qui crois Rame immortelle, et que c'est Dieu qui tonne,
Il vaut mieux pour jamais me bannir de ce lieu.
Je me retire donc. Adieu, Paris, adieu.

SATIRE II.

A M. DE MOLIERE.

RARE et fameux esprit, dont la fertile veine

Ignore en écrivant le travail et la peine;
Pour qui tient Apollon tous ses trésors ouverts,
Et qui sais à quel coin se marquent les bons vers;
Dans les combats d'esprit savant maître d'escrime,
Enseigne-moi, Moliere, où tu trouves la rime.
On diroit, quand tu veux, qu'elle te vient chercher:"
Jamais au bout du vers on ne te voit broncher;
Et, sans qu'un long détour t'arrête ou t'embarrasse,
A peine as-tu parlé, qu'elle-même s'y place.

Mais moi, qu'un vain caprice, une birre humeur,
Pour mes péchés, je crois, fit devenir rimeur,
Dans ce rude métier où mon esprit se tue,
En vain, pour la trouver, je travaille et je sue.
Souvent j'ai beau rêver du matin jusqu'au soir;
Quand je veux dire blanc, la quinteuse dit noir;
Si je veux d'un galant dépeindre la figure,
Ma plume pour rimer trouve l'abbé de Pure;
Si je pense exprimer un auteur sans défaut,
La raison dit Virgile, et la rime Quinaut:
Enfin, quoi que je fasse ou que je veuille faire,
La bizarre toujours vient m'offrir le contraire.
De rage quelquefois, ne pouvant la trouver,
Triste, las et confus, je cesse d'y rêver;
Et, mandissant vingt fois le démon qui m'inspire,
Je fais mille serments de ne jamais écrire.
Mais, quand j'ai bien maudit et Muses et Phébus,
Je la vois qui paroît quand je n'y pense plus :
Aussitôt, malgré moi, tout mon feu se rallume;

Je reprends sur-le-champ le papier et la plume,
Et, de mes vains serments perdant le souvenir,
J'attends de yers en vers qu'elle daigne venir.
Encor si pour rimer, dans sa verve indiscrete,
Ma muse au moins souffroit une froide épithete,
Je ferois comme un autre ; et, sans chercher si loin,
J'aurois toujours des mots pour les coudre au besoin:
Si je louois Philis EN MIRACLES FÉCONDE,

Je trouverois bientôt, à NULLE AUTRE SECONDE;
Si je voulois vanter un objet NOMPAREIL,

Je mettrois à l'instant, PLUS BEAU QUE LE SOLEIL ;
Enfin, parlant toujours d'ASTREs et de MERVEILLES
De CHEFS-D'OEUVRE DES CIEUX, de BEAUTÉS SANS PA=
REILLES;

Avec tous ces beaux mots, souvent mis au hasard,
Je pourrois aisément, sans génie et sans art,
Et fransposant cent fois et le nom et le verbe,
Dans mes vers recousus mettre en pieces Malherbe,
Mais mon esprit, tremblant sur le choix de ses mots,
N'en dira jamais un, s'il ne tombe à
propos,
Et ne sauroit souffrir qu'une phrase insipide
Vienne à la fin d'un vers remplir la place vuide :
Ainsi, recommençant un ouvrage vingt fois,
Si j'écris quatre mots, j'en effacerai trois.

Maudit soit le premier dont la verve insensée
Dans les bornes d'un vers renferma sa pensée,
Et, donnant à ses mots une étroite prison,
Voulut avec la rime enchaîner la raison!
Sans ce métier fatal au repos de ma vie,

Mes jours pleins de loisir couleroient sans envie :
Je n'aurois qu'à chanter, rire, boire d'autant,
Et, comme un gras chanoine, à mon aise et content,
Passer tranquillement, sans souci, sans affaire,
La nuit à bien dormir, et le jour à rien faire.
Mon cœur exempt de soins, libre de passion,

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Sait donner une borne à son ambition;

Et, fuyant des grandeurs la présence importune,
Je ne vais point au Louvre adorer la fortune:
Et je serois heureux, si, pour me consumer,
Un destin envieux ne m'avoit fait rimer.

Mais depuis le moment que cette frénésie
De ses noires vapeurs troubla ma fantaisie,
Et qu'un démon jaloux de mon contentement
M'inspira le dessein d'écrire poliment,

Tous les jours, malgré moi, cloué sur un ouvrage,
Retouchant un endroit, effaçant une page,
Enfin passant ma vie en ce triste métier,
J'envie, en écrivant, le sort de Pelletier (1).

Bienheureux Scuderi (2), dont la fertile plume Peut tous les mois sans peine enfanter un volume! Tes écrits, il est vrai, sans art et languissants,

Semblent être formés en dépit du bon sens :

Mais ils trouvent pourtant, quoiqu'on en puisse dire,
Un marchand pour les vendre, et des sots pour les lire.
Et quand la rime enfin se trouve au bout des vers,
Qu'importe que le reste y soit mis de travers?
Malheureux mille fois celui dont la manie
Veut aux regles de l'art asservir son génie!
Un sot, en écrivant, fait tout avec plaisir :
Il n'a point en ses vers l'embarras de choisir;
Et, toujours amoureux de ce qu'il vient d'écrire,
Ravi d'étonnement, en soi-même il s'admire.
Mais un esprit sublime en vain veut s'élever
A ce degré parfait qu'il tâche de trouver;

(1) Poëte du dernier ordre, qui faisoit tous les jours

an sonnet.

(2) C'est le fameux Scuderi, auteur de beaucoup de romans, et frere de la fameuse mademoiselle de Scuderi.

Et, toujours mécontent de ce qu'il vient de faire,
Il plaît à tout le monde, et ne sauroit se plaire:
Et tel, dont en tous lieux chacun vante l'esprit,
Voudroit pour son repos n'avoir jamais écrit.

Toi donc, qui vois les maux où ma muse s'abyme,
De grace, enseigne-moi l'art de trouver la rime :
Ou, puisqu'enfin tes soins y seroient superflus,
Moliere, enseigne-moi l'art de ne rimer plus.

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