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SUR L'ARANGEMENT

CONCLU AVEC LE SAINT-SIÉGE.

(1819.)

Plus ancienne que la monarchie dont elle protégea le berceau, et qu'elle dota d'institutions aussi belles que salutaires, de lois admirables et de la royauté même, car la force n'est pas plus la royauté que la soumission n'est l'obéissance, l'Église de France ne put périr qu'avec la société, comme la société ne s'affermira qu'avec elle et par elle. Les hommes sont avides de troubles, les révolutionnaires le savent bien : et voilà pourquoi ils regardent d'un œil inquiet cette vieille Église, qui, toute couverte encore des blessures qu'ils lui ont faites, les menace de la paix. Que ces désastres, qui en annonçoient et en préparoient tant d'autres, servent au moins à notre instruction. Rappelons-nous cette guerre rapide contre l'ordre et la vérité; ce plan de destruction universelle si profondément combiné, et suivi sans relâche ; ces hypocrites ménagemens pour la foi en renversant la discipline qui en découle; ce schisme éphémère jeté comme un pont sur des ruines, pour arriver de plainpied à l'abolition de tout culte et à la négation de tout dogme; et enfin, pour compléter l'effrayante

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leçon que la Providence avoit résolu de donner au monde, cette assemblée de philosophes législateurs qui, la main dans le sang, proclament au nom de la souveraineté de l'homme la déchéance du pouvoir social et celle de Dieu.

Ne l'oublions jamais, telle fut l'œuvre de trois années. Que le temps emporte la haine des hommes, s'il en est, assez malheureux, assez criminels pour haïr, c'est le vœu de tout vrai Français; mais qu'il n'emporte point nos souvenirs: ils sont notre sauvegarde. Mieux que des phrases et des raisonnemens, ils doivent apprendre au peuple à se défier des ambitieux qui le flattent, et aux gouvernemens à ne pas trop compter sur la lenteur de l'avenir.

Après une persécution tour-à-tour violemment et froidement atroce, un homme vint qui comprit la nécessité politique de la religion; mais ses préjugés et sa position l'empêchèrent de la constituer. Il mit l'Église et la société elle-même sous la tente. L'Église y vécut, car elle vit partout, même dans les cachots même sur les échafauds; elle attendit l'époque d'une pleine restauration : mais la société n'attend pas ainsi. L'homme qui avoit cru qu'une armée est une nation, que la force est le pouvoir, sentit, au milieu de ses rêves d'orgueil, sa force défaillir, et s'évanouit comme une ombre avec son empire d'un moment.

Lorsque le roi monta sur le trône, ses regards durent se fixer sur la religion, son antique appui. Il la vit affaissée sous des lois oppressives. Les mains de son chef portoient encore l'empreinte des chaînes dont

le tyran les avoit chargées. Cinquante siéges épiscopaux, disséminés sur un vaste territoire, remplaçoient les dix-neuf métropoles et leurs cent dix-neuf suffragans, qui formoient autrefois l'Église de France. Une partie de ces siéges, si insuffisans que Bonaparte lui-même jugeoit nécessaire d'en augmenter le nombre, étoient, pour surcroît de malheur, vacans depuis plusieurs années. Près du quart des paroisses demandoient en vain des pasteurs. Les entraves apportées à l'éducation ecclésiastique n'ôtoient pas seulement l'espérance de combler le vide du sanctuaire, mais ne permettoient pas même d'en réparer les pertes journalières. Privés d'instruction religieuse, les habitans des campagnes tomboient dans la barbarie. Des désordres prodigieux, des mœurs inconnues, succédoient aux mœurs chrétiennes.

On prévoyoit le moment où, avec la foi, le peuple auroit perdu jusqu'à l'idée du devoir.

Que s'est-il passé depuis ce temps? en quoi le sort de la religion a-t-il été amélioré? Les faits vont nous en instruire.

Après de longues négociations, confiées d'abord à un évêque digne, par ses vertus et par les hautes qualités qui le distinguent, de représenter le clergé français, remises ensuite en des mains également honorables, un concordat est signé par le souverain pontife et le roi. L'érection de quarante nouveaux siéges semble présager à l'Église un avenir plus heureux. Elle a trouvé enfin le protecteur qu'elle atten

doit, et, sous un fils de saint Louis, la religion, recouvrant son ancienne influence, va réconcilier les cœurs et cicatriser les plaies de la patrie. Telle étoit l'espérance des catholiques; mais bientôt le camp ennemi s'agite les révolutionnaires, les sectaires, les artisans de discordes, sous quelque bannière qu'ils fussent enrôlés, jettent un cri d'alarme. Ils attaquent avec fureur la transaction qui a réveillé l'espoir de la France chrétienne. Le ministère avoit-il quelque part à ce soulèvement? Sa conduite autorise à le penser. Au lieu d'exécuter sans délai le concordat, il prend la résolution de le soumettre aux Chambres. La prérogative royale, que son devoir étoit de défendre, il la sacrifie à ses petits systèmes, à ses petites passions; et ici l'absurdité le dispute à l'inconvenance: car au fond les Chambres ne pouvoient rien dire, rien statuer sur le traité qu'on leur soumettoit.

Il y a deux choses dans ce traité comme dans tout concordat semblable. D'un côté le pape, en vertu de son droit, ou plutôt de son devoir, prépose aux Églises des premiers pasteurs; et, pour conserver la bonne harmonie entre les deux puissances, il accorde au roi le privilége de présenter les sujets qui lui sont agréables. D'un autre côté le roi accepte ce privilége, reconnoît les siéges érigés, et s'engage à protéger l'ordre établi de concert entre lui et le souverain pontife.

Or les Chambres peuvent-elles priver le pape de ses droits, ou le dispenser de ses devoirs? Non. Peuvent-elles empêcher le roi d'accepter le privilége

que le pape lui concède? Non. Peuvent-elles ériger des évêchés et les circonscrire? Non : un pareil pouvoir, si la Charte le leur attribuoit, seroit une sacrilége usurpation de l'autorité spirituelle, une renonciation véritable à la religion catholique, que nos lois, au contraire, déclarent être la religion de l'État.

Il n'y avoit donc pas même dans le concordat matière à délibérer. Aussi le ministère fut-il obligé de soumettre aux Chambres, non le concordat même, mais une loi faite à l'occasion du concordat; et il la rédigea de telle sorte qu'elle devoit infailliblement être rejetée par tous les partis. Le seul point qui fût de la compétence des Chambres, l'octroi des fonds qu'auroient pu rendre nécessaire les arrangemens faits avec le Saint-Siége, étoit l'objet, non d'une loi particulière, mais d'un article du budget.

Des mesures si bien concertées pour prévenir le rétablissement de l'Église eurent un plein succès. Le concordat est retiré. Le ministère regarde comme non avenu un traité revêtu de la signature du roi, un traité publié solennellement et qui avoit reçu de part et d'autre un commencement d'exécution. Jamais exemple semblable n'avoit encore été donné. Ministres du roi très chrétien, est-ce là le soin que vous prenez de la dignité de votre maître? Et que feriez-vous de plus si vous aviez dessein de persuader à l'Europe qu'elle doit recevoir de vous la permission de vouloir ?

Cependant de nouvelles négociations sont entamées et prolongées avec art. On cherche inutilement à ob

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