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de la philosophie, pour prouver qu'ils n'étoient euxmêmes ni intolérans, ni fanatiques, ont répondu à de sages conseils par des menaces, à d'utiles avertissemens par des insultes; ils refusent au clergé le droit de défendre ce qu'ils attaquent, et dans des pamphlets remplis de fiel, lancent leurs anathèmes contre tous ceux qui ne veulent point écraser l'infáme. Nos philosophes du jour reprochent au clergé de n'avoir plus ni des Bossuet, ni des Massillon; mais ceux qui parlent ainsi se croiroient-ils eux-mêmes des Voltaire et des Rousseau? Grâce au ciel, les disciples sont loin d'avoir le talent de leurs maîtres, el nous n'avons rien à craindre de leurs productions; ils se plaignent d'être calomniés, d'être proscrits personne ne songe à les proscrire ni à les calomnier; on n'aura point à leur reprocher d'avoir abusé des dons du génie; le clergé n'aura point à déplorer leurs succès, et jamais on ne fera de Mandement contre leurs œuvres ».

Jadis, dans une occasion à peu près semblable, Rons seau adressa à l'archevêque de Paris une lettre que Voltaire qualifioit d'impertinente et de ridicule, et Rousseau lui-même, dans une lettre du 6 mars 1763, que l'on trouve dans la collection de ses Œuvres, parle de cette lettre comme d'une imprudence, d'une foiblesse, d'une étourderie, et mênie d'une sollise. S'il se traitoit ainsi luimême malgré l'excès de son amour propre, qu'eût-il dit de la lettre d'un libraire qui trouve mauvais que l'autorité ecclésiastique signale les ouvrages pernicieux qu'il public? Qu'eût-il dit, tout philosophe qu'il étoit, d'un écrivain qui appelle le Mandement des grands-vicaires un scan. dale? Quel étrange renversement d'idées et de mots! La nouvelle édition est un service pour les lettres, un bienfait pour l'humanité, un titre de gloire pour la nation, et le Mandement où on la blâme est un scandale! C'est une chose louable que de répéter des milliers de fois avec Voltaire: Ecrasons l'infame; mais c'est un scan, dale que de s'en plaindre! Il faut toujours admirer la

tolérance de cet écrivain, même lorsqu'il s'emporte, et qu'il verse le fiel de la satire et le poison de la calomnie sur la religion et ses ministres; mais ces mêmes mimistres n'auront pas le droit de caractériser ses écrits comme ils le méritent, et de venger contre ses attaques et leur foi et leur ministère! On excusera l'ennemi le plus acharné du christianisme en disant qu'il n'a effleuré que quelques dogmes; et ou présentera comme une dif famation, comme l'effet d'une haine aveugle, comme un mouvement de fureur théologique, la réclamation de l'autorité ecclésiastique contre des écrits qui respirent la haine et la colère! Il sera permis, pour gagner un peu d'argent, de réimprimer une Correspondance pleine de provocations impies, de railleries impertinentes, de calomnies, d'injures; et il ne sera pas permis, pour les intérêts de la religion, de la société, de la morale, de se plaindre de ce renouvellement d'attaque! Ainsi tout sera légitime aux uns, tout sera interdit aux autres! Des accès de fureur seront présentés comme des écarts excusables et passagers; et des plaintes fondées, de trop justes alarmes seront traduites comme des excès de zèle, comme une agression imprudente, comme un scandale! Le langage et les idées sont donc également intervertis, et de même qu'au commencement de la révolution on traitoit les nobles d'incendiaires alors qu'on brûloit leurs châteaux, de même que depuis on traitoit les prêtres de fanatiques alors qu'on les égorgeoit on qu'on les déportoit; de même aujourd'hui on est tolé→ rant lorsqu'on crie qu'il faut écraser la religion qu'ils sont chargés de prêcher et de défendre, et ils sont des déclamateurs emportés lorsqu'ils refusent de laisser écra→ ser cette religion sainte, et lorsqu'ils réclament contre les injures qu'on leur dit et contre les coups qu'on leur porte!

Je ne prétends pas relever tout ce qu'il y a de ridicule et d'absurde dans la lettre aux grands- vicaires. M. D. leur dit que le siècle actuel sait mieux que ses

détracteurs séparer l'erreur de la vérité, courber son front devant les principes conservateurs, respecter jusqu'aux préjugés utiles, et s'arréter devant de prudentes barrières; et la révolution a en effet prouvé que nous savions tout cela. On n'y a jamais mêlé l'erreur à la vérité, on y a respecté sévèrement les principes, on s'y est prudemment arrêté où il le falloit; l'histoire est là pour en rendre témoignage, et pour attester la sagesse et la réserve du siècle, et nous pouvons tous féliciter l'heureuse époque que nous venons de parcourir, d'avoir évité tous les excès, et d'être à l'abri de tous les reproches. Le libraire feint de s'éfonner que MM. les grands-vicaires aient présenté Voltaire et Rousseau comme les auteurs de la révolution, et par une récrimination inattendue il leur apprend que c'est le clergé lui-même qui est cause de la révolution. Il rappelle à ce sujet l'embarras des finances, et fait un crime au clergé de n'avoir pas comblé le déficit. Mais n'auroit-il pas dû se souvenir que le clergé offrit alors 400 millions, ou trouvet-il par hasard cette somme trop modique? D'ailleurs qui peut ignorer que l'embarras des finances n'étoit qu'ün prétexte des moteurs de la révolution? Le déficit étoit pour eux tout au plus une occasion; mais il y avoit longtemps qu'ils appeloient une révolution de tous leurs vœux, et qu'ils la préparoient par tous les moyens. Ils avoient soulevé les esprits contre la religion en déclamant sans cesse contre elle; ils avoient travaillé à avilir les prêtres en leur prodiguant des dénominations injurieuses ou ridicules. Ils avoient ébranlé l'ordre social en parlant au peuple de ses droits et jamais de ses devoirs, en invectivant contre les rois, en les dépouillant de leur caractère sacré, en ne les présentant que comme les mandataires et les commis du peuple, en combattant toutes les institutions, en enivrant les hommes d'idées d'indépendance et de liberté. Ils avoient mis toutes les vérités en problême, ôté à la morale ses appuis, introduit des maximes anarchiques et séditieuses, enflammé les pas

sions, exalté les plus folles espérances. Leurs livres funestes avoient semné partout la haine de la religion, la licence des opinions, le dégoût de l'autorité, la manie des changemens. Voilà ce qui rendoit une révolution inévitable, puisqu'on n'avoit pris aucun moyen pour arrêter le mal dans sa source.

La lettre que j'examine finit par des exhortations aux prêtres d'avoir plus de douceur et de charité. Sans doute il sied bien à M. D. de leur recommander l'oubli des injures, quand il se dispose à exhumer toutes celles que Voltaire leur adressa dans sa longue carrière, et il a tout droit de les inviter à la charité et à la douceur, quand il va leur en montrer tant lui-même, et que déjà sa lettre en est pleine. Il est difficile de résister aux exhortations pathétiques d'un homme qui sait joindre si bien l'exemple au précepte. Je n'essayerai point à soulever le voile dont il s'est couvert. On dit qu'il n'est point vraisemblable que cette lettre ait coûté beaucoup de peine à celui dont elle porte le nom, et qui, étant étranger, ne se pique pas d'écrire le françois dans toute sa pureté, et ne montreroit sûrement pas tant de zèle pour la gloire nationale. D'un autre côté, plusieurs s'étoient permis d'attribuer la lettre à un académicien qui ne veut point qu'on l'en croie auteur, et qui a inséré son désayeu dans les journaux de sorte que l'auteur véritable reste inconnu, et nous approuvons sa modestie; il n'y a pas de quoi se vanter.

Je ne parlerai pas d'un autre écrit plus étrange encore, et qui n'est qu'une parodie indécente du Mandement, sous le nom du Muphti des Musulmans. L'autorité a fait justice de cette pasquinade, fort digne d'une telle cause, et qui n'a pas dû fatiguer beaucoup l'imagination de son auteur. Il en a trouvé le modèle dans Voltaire lui-même, qui donna aussi, sous le même nom d'Youssouf, un mandement ridicule, que l'on trouve dans ses Œuvres, et le disciple a répété fidelement les plaisanteries du maître en faveur de l'iguo

rance. Il n'y a pas grand mérite à inventer de telles facéties; il y en a moins encore à les emprunter à d'autres, et ce triste plagiat méritoit le sort qu'il a eu. Je ne ferai pas mention non plus de quelques chansons, d'épigrammes, de calembourgs, et d'autres pauvretés qui circulent, dit-on, sur le même sujet dans un certain monde. Ces misérables jeux d'esprit, également dénués de goût, de sel, de décence et d'intérêt, ne peuvent amuser que des adeptes aussi ignorans que frivoles de l'incrédulité moderne, que quelques jeunes gens mal appris, qui jurent sur la foi de Voltaire comme autrefois on jaroit sur celle d'Aristote, et qui, passionnés pour ses écrits sans pouvoir les juger, sont accoutumés à applaudir au théâtre les sentences les plus irréligieuses, et les trails que les connoisseurs blâment même le plus.

Au milieu de ce déchaînement de l'esprit de parti et de ce torrent d'invectives anciennes et nouvelles, tous ceux qui prennent quelque intérêt à la religion, à la société, à la morale, ont été alarmnés d'une entreprise qui réveille déjà toutes les haines, et qui s'annonce sous de si sivistres auspices. L'importance qu'on met à la défendre annonce assez ce que l'on en attend. Ce n'est pas, nous pouvons le croire, pour l'honneur des lettres, du théâtre, de la poésie qu'on dispute si fort; c'est pour la gloire de la nouvelle philosophie, pour le maintien de ses maximes, pour la perpétuité des doctrines révolutionnaires. Voilà ce qui est si cher aux uns, et ce qui effraie si fort les au tres. Les moins prévoyans s'affligent de ce renouvellement d'attaque, par lequel il semblé que l'on veuille contrebalancer les heureux effets de la restauration et l'influence des plus grands exemples. Deux journaux, qu'il faut nommer, parce que ce langage leur fait honneur, la Gazette de France et la Quotidienne ont montré la tendance des sarcasmes, des blasphe mes, de l'acharnement irréligieux de Voltaire. La première, dans an article du 26 février, n'a pas hésité à voir dans les écrits de Voltaire une des causes

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