4. Reconnois-toi, mortel, indigne des tendresses Que départ aux élus la divine bonté; Et des afflictions regarde les rudesses Ne trouve qu'amertume aux voluptés du monde, Que sur de longs périls que déguise un moment. Le moyen donc qu'il puisse y trouver quelques charmes, S'il n'y peut voir partout que des sujets de larmes, Lui semble un amas de malheurs ; Et plus du haut du ciel il reçoit de lumière, Dessus toute la terre à de justes douleurs. Sacrés ressentiments, réflexions perçantes, Mais, hélas! ces tyrans de l'âme criminelle 4. Cognosce te indignum diviua consolatione, sed magis dignum multa tribulatione. Quando homo est perfecte compunctus, tunc gravis et amarus est ei totus mundus. Bonus homo sufficientem invenit materiam dolendi et flendi. Sive enim se considerat, sive de proximo pensat, scit quia nemo sine tribulatione hic vivit ; et quanto strictius sese considerat, tanto amplius dolet. Materiæ justi doloris et internæ compunctionis sunt peccata et vitia nostra, quibus ita involuti jacemus, ut raro cœlestia contemplari valeamus. L'enchaînent si bien en ces lieux, Qu'il est bien malaisé que vous arrachiez d'elle Qui la puisse élever un moment vers les cieux. 5. Pense plus à la mort que tu vois assurée, Il n'est point de travail, il n'est point de souffrance Ne portât sans effroi l'ardeur d'en triompher. Mais nous n'en concevons qu'une légère image 6. Aussi le corps se plaint, le corps gémit sans cesse Parce que de l'esprit la honteuse mollesse N'agit qu'avec foiblesse, Et refuse son aide à soutenir leur poids. Demande donc à Dieu pour faveur singulière 5. Si frequentius de morte tua quam de longitudine vitæ cogitares, non dubium quin ferventius te emendares. Si etiam futuras inferni sive purgatorii pœnas cordialiter perpenderes, credo quod libenter laborem et dolorem sustineres et nihil rigoris formidares. Sed quia ad cor ista non transeunt et blandimenta adhuc amamus, ideo frigidi et valde pigri remanemus. 6. Sæpe est inopia spiritus, unde tam leviter conqueritur miserum Avec le roi-prophète élève ta prière, Et dis à son exemple avec soumission: Nourrissez-moi de pleurs, Seigneur, pour témoignage Détrempez-en mon pain, mêlez-en mon breuvage, " . Jour et nuit à grands flots faites-les distiller. » I. CHAPITRE XXII. DES CONSIDÉRATIONS DE LA MISÈRE HUMAINE. MORTEL, ouvre les yeux, et vois que la misère Et que toute la vie est une source amère A moins qu'elle tourne vers Dieu. Rien ne te doit troubler, rien ne te doit surprendre, Puisque ton sort est tel que tu n'en dois attendre N'espère pas qu'ici jamais il se ravale A répondre à tous tes souhaits; Pour toi, pour moi, pour tous, la règle est générale, corpus. Ora igitur humiliter ad Dominum ut det tibi compunctionis spiritum, et dic cum propheta: Ciba me, Domine, pane lacrymarum, et potum da mihi in lacrymis in mensura. (Ps. lxxix, 6.) CAP. XXII. 1. Miser eris, ubicumque fueris et quocumque te verteris, nisi ad Deum te convertas. Quid turbaris, quia non succedit tibi sicut vis et desideras? Quis est qui habet omnia secundum suam volun Il n'est emploi ni rang dont la grandeur se pare Et ceux qu'on voit porter le sceptre ou la tiare L'angoisse entre partout, et si quelqu'un sur terre C'est celui qui pour Dieu sait se faire la guerre, 2. Les foibles cependant disent avec envie : Voyez que cet homme est puissant, Qu'il est grand, qu'il est riche, et que toute sa vie « Prend un cours noble et florissant! Malheureux! regardez quels sont les biens célestes, Et vous n'y verrez plus que des attraits funestes Douteuse est leur durée, et trompeur le remède Et le plus fortuné jamais ne les possède Le solide plaisir n'est pas dans l'abondance tatem? nec ego, nec tu, nec aliquis hominum super terram. Nemo est in mundo sine aliqua tribulatione vel angustia, quamvis rex sit vel papa. Quis est qui melius habet? utique qui pro Deo aliquid pati valet. 2. Dicunt multi imbecilles et infirmi : « Ecce quam bonam vitam <ille homo habet! quam dives! quam magnus! quam potens et excelsus!» Sed attende ad cœlestia bona; et videbis quod omnia ista tem Et souvent leur excès amène l'impudence Leur médiocrité suffit au nécessaire D'un esprit sagement borné, Et tout ce qui la passe augmente la misère Plus il rentre en soi-même et regarde la vie Plus de cette misère il la trouve suivie, Il ressent d'autant mieux l'amertume épandue Et s'en fait un miroir qui présente à sa vue Car enfin travailler, dormir, manger et boire, Sont aux hommes de Dieu, qui n'aiment que sa gloire, Oh, que tous ces besoins ont de cruelles gênes poralia nulla sunt, sed valde incerta et magis gravantia, quia numquam sine solicitudine et timore possidentur. Non est hominis felicitas habere temporalia ad abundantiam; sed sufficit ei mediocritas. Vere miseria est vivere super terram. Quanto homo voluerit esse spiritualior, tanto præsens vita fit ei amarior, quia sentit melius et videt clarius humanæ corruptionis defectus. Nam comedere, bibere, vigilare, dormire, quiescere, laborare, et cæteris necessitatibus naturæ subjacere, vere magna miseria est et afflictio homini devoto, qui libenter esset absolutus et liber ab omni peccato. |