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pratique de la direction spirituelle qui tomba au dix-huitième siècle, sous le règne des abbés de cour et de boudoir, dans la plus ridicule et la plus méprisable frivolité. Mais j'ai tenu à écarter pour le moment ces tristes souvenirs pour ne considérer la direction des âmes que sous son aspect le plus noble, au moment où ce phénomène religieux produisit de lui-même, dans une littérature trop oubliée, la plus haute expression et la plus pure image.

QUATRIÈME ÉTUDE.

M. DE LAMENNAIS

D'APRÈS SA CORRESPONDANCE.

Dans ces dernières années, l'attention publique a été ramenée sur M. de Lamennais par des publications très - importantes, qui se composent, pour la plus grande part, de la correspondance 1.

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Il est inutile de revenir sur les débats qui se sont élevés entre les représentants de la famille de M. de Lamennais et le mandataire désigné pour éditer ses œuvres posthumes. L'arrêt intervenu entre les parties faisait défense à M. Forgues de publier un certain nombre de lettres qu'il avait recueillies de différents côtés, en vue de compléter son œuvre, et qui n'étaient pas strictement com

1. OEuvres posthumes de Lamennais, publiées, selon le vœu de l'auteur, par E. Forgues. Correspondance, 2 vol. in-8, 1862. - OEuvres inédites publiées par A. Blaise. Correspondance, 2 vol. in-8, 1866.

prises dans les papiers de l'illustre mort. Mais ce qui nous console des suppressions ordonnées par le tribunal, c'est la certitude que les lettres supprimées auraient apporté peu de lumières nouvelles sur l'homme même et sur les phases diverses de sa doctrine. A quelque période de sa vie politique et religieuse que l'on prenne M. de Lamennais, à quelque extrémité d'opinion que sa fougue le précipite, il est lui-même et le même dans toutes ses lettres; dans chacune d'elles, il se porte tout entier, avec l'intensité de ses passions intellectuelles qui ne se détendent presque jamais, avec l'âpreté sans mesure d'un style qui ne connaît pas les nuances, avec une persistance dans la plainte ou dans la colère qui révèle la violente unité du caractère dans la contradiction même des idées. Il importe seulement d'avoir quelques lettres pour chaque période de cette vie orageuse.

D'ailleurs les regrets que nous laissait sur certains points la publication de M. Forgues ont été fort atténués par la publication récente de M. Blaize, le neveu de Lamennais, qui nous a donné les lettres de jeunesse, comblant ainsi la seule lacune qu'il fût vraiment très intéressant de remplir. On a ainsi la teneur de cette vie et la suite des impressions intimes depuis les premiers troubles et les agitations cachées au fond de ses retraites bretonnes jusqu'au dernier acte du drame,

dont cette âme extraordinaire fut le théâtre. Nous pouvons être assurés maintenant de connaître jusqu'au fond ce grand agitateur d'idées dont toute la vie fut une aspiration au repos et qui ne put jamais le trouver en lui-même ni dans les autres.

On a bien des fois déjà étudié dans M. de Lamennais le talent et la doctrine, la succession des idées qui dominèrent cette intelligence et les puissantes facultés d'expression qui les imposèrent à l'attention du public. Ce que nous voulons uniquement étudier ici, c'est la suite de ses sentiments; ce n'est ni la doctrine ni le talent, c'est l'âme même, telle qu'elle s'exprime dans la correspondance.

I

M. de Lamennais est né triste. Il porte au plus profond de son âme l'empreinte des lieux où il naquit, de cette rude mer, de ces nuages que fouette la brise marine, voile éternellement agité et suspendu entre les grèves humides et le pâle soleil qui les éclaire, de ces rafales qui jettent dans les nuits d'hiver leurs clameurs furieuses, de ce rivage, âpre déchiqueture de granit rongée par le flot. Pendant l'été le site s'égaye, et, par quelques beaux jours, se revêt d'un charme étrange.

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