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pondre de soi. N'y a-t-il pas là un vrai danger, et quelle prudence consommée ne faut-il pas à un directeur pour en sauver les âmes qui ont recours à lui? Voilà, selon moi, le péril le plus sérieux de la direction. Sous quelque prétexte que ce soit, l'âme n'a pas le droit de se démettre de sa responsabilité propre; elle n'a pas le droit de renoncer à la noble fatigue de vivre.

II

Nous avons hâte de sortir de ces généralités pour voir la direction en acte dans ses plus illustres représentants. Nous citerons beaucoup; c'est la seule manière de faire apprécier l'œuvre vivante de la direction. -Saint François de Sales est unanimement reconnu pour le maître le plus accompli de la vie intérieure. Fénelon fait de lui, à plusieurs reprises, la louange la plus fine et la plus délicate: « Son style naïf, écrit-il à Mme de Montberon (en lui recommandant la méditation de ses œuvres), montre une simplicité aimable, qui est au-dessus de toutes les grâces de l'esprit profane. Vous voyez un homme qui, avec une grande pénétration, et une parfaite délicatesse pour juger du fond des choses, et pour connaître le cœur hu

main, ne songeait qu'à parler en bon homme, pour consoler, pour éclairer, pour perfectionner son prochain. Personne ne connaissait mieux que lui la plus haute perfection; mais il se rapetissait pour les petits, et ne dédaignait jamais rien. Il se faisait tout à tous, non pour plaire à tous, mais pour les gagner tous, et pour les gagner à Jésus-Christ et non à soi. » Ailleurs, dans la même veine d'idée, nous trouvons un mot charmant : « Tout y est consolant et aimable, quoiqu'il ne dise rien que pour faire mourir. Tout y est expérience, pratique simple, sentiment et lumière de grace. » — Suivons donc à la traçe, et un peu au hasard, cette lumière de grace dont ses œuvres sont intérieurement éclairées.

· L'Introduction à la Vie dévote n'est pas un traité général de direction, c'est une série d'entretiens particuliers adressés à Philothée, et recueillis plus tard, après que l'auteur eut mis dans cette œuvre, composée sans y penser, un peu d'ordre et de suite. On sait que Philothée est Mme de Chantal, une des plus aimables saintes des temps modernes et la fille spirituelle du pieux évêque. Bien que le plan de l'œuvre ne soit pas très-rigoureux, il y a au fond plus de régularité qu'il ne semble d'abord. C'est l'initiation d'une âme vraiment pleine d'honneur et de vertu aux secrets de la vraie dévotion, et sa conduite successive, à travers les

exercices convenables, vers le terme le plus élevé de la vie religieuse, l'union en Dieu. Le saint directeur saisit cette âme à son premier désir de la vie dévote; il la soutient et l'encourage à convertir ce simple désir en une entière résolution, l'engage peu à peu dans la pratique, puis une fois qu'elle est entrée heureusement dans cette voie nouvelle, il prend à cœur de lui faire parcourir les divers degrés de la perfection mystique; il lui enseigne la manière de bien prier, de prier toujours, même en remplissant les devoirs de son état, et de mettre Dieu, pour ainsi dire, dans chaque détail de sa vie. La diriger du côté des vraies vertus, en la tenant en garde contre la séduction des fausses, la prémunir contre les tentations de toute sorte, contre les tristesses et les découragements; enfin, quand elle est déjà confirmée dans ses voies, la faire un peu se retirer à part soi, pour se rafraîchir, reprendre haleine et réparer ses forces, afin qu'elle puisse par après plus heureusement gagner pays, telle est l'économie de ce délicieux petit livre, qui n'est, après tout, que l'histoire d'une âme souffrante du mal du ciel, et guérissant son mal par la prière et la charité.

Le plan n'est rien, les détails sont tout. On n'imagine pas une piété plus éclairée dans un guide spirituel, plus de pureté et de douceur dans son zèlę. Sans doute, il brûle du désir de retirer cette âme

des piéges du monde et de lui donner ce goût des choses divines auprès duquel toute saveur est fade. Mais il n'excède pas un seul instant le droit rigoureux de la direction. Rien n'égale la discrétion de sa tendresse ni la délicatesse de ses conseils. Il a horreur de ces violences de zèle, qui, sous prétexte de conduire l'âme à l'héroïsme religieux, lui inspirent un dangereux esprit de révolte contre la famille et le monde où sa condition l'oblige à vivre. Voici quelques pensées de saint François de Sales, qui mettront dans tout son jour cette modération exquise et ce tact parfait : « Dieu, dit-il, commanda en la création aux plantes de porter leurs fruits chacun selon son genre, ainsi commande-t-il aux chrétiens, qui sont les plantes vivantes de son Église, qu'ils produisent des fruits de dévotion, un chacun selon sa qualité et vocation.... Il faut accommoder la pratique de la dévotion aux forces, aux affaires et aux devoirs de chaque particulier. Je vous prie, Philothée, serait-il à propos que l'évêque voulût être solitaire comme les chartreux? Et si les mariés ne voulaient rien amasser non plus que les capucins, si l'artisan était tout le jour à l'église comme le religieux, cette dévotion ne serait-elle pas ridicule, déréglée et insupportable?... Non, Philothée, la dévotion ne gâte rien quand elle est vraie, ains elle perfectionne tout, et lorsqu'elle se rend contraire à la

légitime vocation de quelqu'un, elle est sans doute fausse.... Non-seulement la vraie dévotion ne gâte nulle sorte de vocation ni d'affaires, mais au contraire elle les orne et les embellit: le soin de la famille en est rendu paisible, l'amour du mari et de la femme plus sincère, le service du prince plus fidèle, et toutes sortes d'occupations plus suaves et aimables... Où que nous soyons, nous pouvons et devons aspirer à la vie parfaite. »

François de Sales n'oublie jamais qu'il écrit pour une personne obligée de tenir son rang dans le monde, et il s'efforce de marquer le milieu juste entre deux extrémités blâmables qui seraient de rechercher ou de fuir avec excès la société. C'est dans ce milieu sagement gardé que réside la vraie dévotion civile. Il n'interdit à Philothée que les conversations mauvaises : « Les autres conversations ont pour leur fin l'honnêteté, comme sont les visites mutuelles, et certaines assemblées qui se font pour honorer le prochain. Et, quant à celleslà, comme il ne faut pas être superstitieuse à les pratiquer, aussi ne faut-il pas être du tout incivile à les mépriser; mais satisfaire avec modestie au devoir que l'on y a, afin d'éviter également la rusticité et la légèreté. C'est un vice, dit-il expressément, que d'être si rigoureux, agreste et sauvage, qu'on ne veuille prendre pour soi ni

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permettre aux autres aucune sorte de récréation.

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