Oldalképek
PDF
ePub

sentiments et des idées. L'hygiène morale, telle qu'il la conçoit, est tout un grand art, l'art d'embellir la vie, de l'ennoblir, plus encore que de la prolonger. A ce dernier point de vue, quelques objections seraient possibles. Ce n'est peut-être pas une si mauvaise recette pour vivre longtemps, que l'égoïsme qui supprime dans la vie les affections, cette prudente économie du cœur qui supprime les passions, cette application incessante à ménager la sensibilité et à calculer les doses de la vie. D'illustres égoïstes, Cornaro, Fontenelle et bien d'autres, sont d'assez beaux exemples de la longévité acquise à ce prix, d'après un code qui n'est pas précisément celui de notre auteur. Mais quand cela serait, quand bien même les sages préceptes de M. de Feuchtersleben ne pourraient nous donner l'assurance de prolonger notre vie d'un seul jour, qu'importe? On sent, à un demi-sourire socratique qui perce à travers les promesses du bon docteur, qu'il s'en consolerait facilement, et sa figure doucement railleuse semble nous dire « Je n'ajoute peut-être pas une heure à votre vie; mais si je vous ai inspiré un bon sentiment, de quoi vous plaignez-vous?

TROISIÈME ÉTUDE.

LA DIRECTION DES AMES

AU DIX-SEPTIÈME SIÈCLE.

Je viens de faire une lecture qui m'a jeté tout d'un coup dans un autre siècle et dans un autre monde que celui où nous vivons, dans une sphère d'idées et de sentiments si différente que le récit de cette excursion morale pourra n'être pas sans intérêt, au moins par contraste avec notre existence moderne si affairée, si répandue en surface, toute en dehors.

Cette littérature de Lettres spirituelles1 demande pour être goûtée des saisons et des jours propices. Elle ne supporte guère la vie de Paris. Elle veut des conditions toutes particulières de solitude et de silence, une sorte de climat moral qui porte au

1. A propos de la Bibliothèque spirituelle, publiée par M. de Sacy, de l'Académie française.

recueillement. Si vous mêlez cette lecture au tu- · multe de la vie extérieure, il y a bien des chances pour que vous en gâtiez l'impression et que vous en dissipiez le parfum. Mais supposons que vous ayez emporté avec vous quelques-uns de ces petits livres, d'un style exquis et rare, au fond d'une campagne, et que vous en lisiez chaque jour quelques pages sous les ombrages jaunissants d'automne, dans une paix profonde autour de vous et en vous, il semble que vous devrez mieux goûter ce qu'il y a de noble dans ce commerce affectueux entre quelques âmes d'élite. Vous y recueillerez je ne sais quelle saveur de divin qui pénétrera le fond de votre être. Vous vous croirez un instant meilleur, et qui sait ? vous le deviendrez peut-être en mettant votre âme en contact avec ces âmes qui sont la bonté, la pureté même, et dont il émane comme une fortifiante vertu.

Tel est, à un certain degré, l'effet que vient de produire sur nous la lecture attentive et continue de quelques-uns de ces petits livres, dans lesquels l'éditeur, amoureux de son œuvre, a recueilli les plus précieux restes de la littérature de piété au dix-septième siècle. Et qu'on ne se méprenne pas au sens de ce mot. De nos jours, la littérature de piété s'est montrée singulièrement stérile. Je ne comprends pas sous ce nom, bien entendu, les œuvres de haute philosophie ou de polémique

religieuse. Je veux parler de tous ces petits traités de dévotion, écrits avec fadeur ou vulgarité, et qui sentent la pacotille. Au dix-septième siècle les plus grands évêques, les plus grands écrivains ne dédaignaient pas de travailler à enrichir le trésor de cette littérature édifiante. Rien de moins mesquin d'ailleurs que cette vraie piété dont Nicole ou Bossuet, saint François de Sales et Fénelon nous ont retracé les conditions et les règles. Ces maîtres de la vie intérieure ont horreur de tout ce qui rapetisse l'âme, de tout ce qui la tient captive dans la formule et dans la routine. Ils croient la rendre plus digne de Dieu en la faisant plus libre; ils affranchissent son élan pour qu'elle se porte plus droit et plus haut. En même temps qu'elles sont un modèle de piété, leurs œuvres sont un modèle de sagesse, de rectitude, de bon sens élevé et en un sens libéral; car toute chose est libérale qui élève l'esprit ou qui élargit le cœur.

Avouons pourtant, pour être tout à fait sincère, que ce qui nous a invité et retenu à cette lecture c'est l'attrait littéraire autant et plus peut-être que l'attrait religieux. Les habitudes profanes de la vie du siècle, pour parler le langage de notre sujet, nous permettent difficilement de ne rechercher dans ces pieux volumes qu'un fruit d'édification et de foi. Cet idéal de pureté morale

« ElőzőTovább »