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porter dans l'organisme les troubles les plus profonds? Et de là nous devons conclure que l'imagination étant si féconde pour l'homme en maux de toute sorte, elle ne doit pas être inefficace pour son bien. Si pour me croire malade je le deviens réellement, ne puis-je aussi conserver ma santé par une ferme persuasion que je me porte bien? On n'en finirait pas d'énumérer les effets merveilleux que produisent, pour la guérison de certaines maladies, la confiance, l'espoir, la sympathie, la musique, les rêves mêmes. Un malade demande certaines pilules que le médecin lui refuse. Il insiste; le médecin fait semblant de céder et lui administre des pilules de mie de pain dorées. Le lendemain joie et remercîments du malade; les pilules ont eu l'effet désiré. Pour être produit par l'imagination, ajoute M. de Feuchtersleben, cet effet en était-il moins réel? Notez bien que l'excellent docteur rapporte cela très-sérieusement, sans aucune intention de méchante épigramme contre les homœopathes.- Un médecin anglais donnait ses soins à un homme atteint depuis longtemps d'une paralysie de la langue, et que nul traitement n'avait pu guérir. Il voulut essayer sur ce malade un instrument de son invention, dont il se promettait un excellent résultat. Avant de procéder à l'opération il lui introduit dans la bouche un thermomètre de poche. Le malade s'imagine que c'est là l'instru

ment sauveur. Au bout de quelques minutes, il s'écrie plein de joie et s'empresse de prouver qu'il peut remuer librement la langue. La passion produit souvent des effets analogues. Les histoires anciennes parlent de ce fils de Crésus, muet de naissance, qui, voyant le glaive levé sur la tête de son père, retrouve tout à coup la voix et s'écrie : « Soldat! épargne mon père!» On se rappelle aussi l'anecdote du chasseur muet qui, se croyant ensorcelé par une femme, la rencontre, entre, à sa vue, dans un violent accès de colère et recou-vre soudain la parole. Les vives émotions agissent en certains cas, avec une force extraordinaire, sur l'organisme malade. Boerhaave, dans la maison des pauvres de Harlem, guérissait l'épilepsie par la peur.

Voilà quelques-unes des prises que l'âme a sur le corps, soit par un acte énergique de la volonté, soit par quelque secousse de la sensibilité. Comme le remarque judicieusement M. de Feuchtersleben, ce qui a la vertu de guérir des organes malades ne doit-il pas avoir plus d'efficacité encore pour conserver des organes sains? Et ne peut-on pas conclure avec lui de ces faits et de mille autres que l'on pourrait citer, que des forces, dont on ne soupçonnerait pas l'existence, sommeillent dans l'organisation merveilleuse de l'homme? Une volonté de fer peut les révéler d'une façon éclatante.

Mais la volonté même d'un homme ordinaire, par un effort persévérant, ne peut-elle pas s'emparer de sa sensibilité flottante, de son imagination mo. bile, d'abord pour ravir ces puissances au dangereux empire de l'inconnu et du hasard, puis pour les appliquer à la bonne direction des forces secrètes de l'organisme, sous l'autorité de la raison? En tout cela pourtant, il y a un point qui ne saurait être dépassé sans péril et au delà duquel il serait téméraire de conclure, malgré quelques cas singuliers, trop légèrement recueillis peut-être et d'ailleurs trop rares pour justifier des assertions si hardies. Nous ne croyons pas nous tromper en jugeant que ce point délicat, au delà duquel une raisonnable induction ne peut s'étendre, a été plus d'une fois dépassé par le docteur allemand. Il faut laisser ces exagérations aux poëtes. Un exemple va éclaircir ma pensée. Goethe est dans le vrai quand il nous raconte que dans une fièvre putride épidémique qui exerçait autour de lui ses ravages, exposé à une contagion inévitable, il parvint à s'y soustraire par la seule action d'une volonté ferme, et quand il ajoute en commentant ce fait : « on ne saurait croire combien la volonté a de puissance en pareil cas; elle se répand, pour ainsi parler, dans tout le corps, et le met dans un état d'activité qui repousse toutes les influences nuisibles. La crainte est un état de fai

blesse indolente qui nous livre sans attaques victorieuses de l'ennemi.

défense aux

Voilà la vér

rité, saisie dans son trait juste et sa vraie propor

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tion, la vérité physiologique à la fois et morale. Mais Goethe n'exagère-t-il pas, quand il nous dit ailleurs, dans son Egmont, que l'homme n'ap partient qu'à lui-même, et qu'il peut ordonner å la nature d'éliminer de son être tous les éléments étrangers, cause de maladie et de souffrance? C'est au fond la même vérité, mais sous deux formės, l'une précise et scientifique, l'autre toute poetique et sensiblement agrandie. J'ai peur que plus d'une fois M. de Feuchtersleben n'oublie qu'il est médecin et ne devienne poëte. Parfois sa pensée touche le point au delà duquel la science s'a1 venture dans les régions d'un idéalisme crépuscu laire. Je ne citerai que cette page, empreinte sans doute d'une certaine beauté poétique, mais d'où le caractère scientifique a complétement disparu

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Ces phénomènes (de la volonté et de l'imagination) sont les symboles de beaucoup d'autres faits, des faits les plus importants qui s'accomplissent dans le monde. Il est une sorte d'atmosphère morale qui enveloppe la terre comme l'atmosphère extérieure; il s'y fait un flux et jun, reflux de 'pensées, de sentiments, d'idées, qui flottent dans l'air invisibles, que l'homme respire, s'assimile et communique sans en avoir nettement conscience. On pourrait appeler cette atmosphère morale : l'âme extérieure du monde l'esprit du temps est son reflet, la mode en est le mirage.

Aucune sphère de la société n'échappe aux effets de l'influence secrète que l'opinion publique exerce sur le intelligences les plus libres; mais le milieu moral qui agit sur les individus peut être à son tour modifié par l'action d'une force individuelle. Le courage du héros se transmet comme un fluide magnétique; la crainte a une sorte de puissance contagieuse; le rire, la gaieté se communiquent d'une manière irrésistible et gagnent même l'homme le plus morose. De même les bâillements ou l'ennui ne sont-ils pas épidémiques? N'ont-ils pas le même effet que la présence d'un traître au milieu d'une société d'amis? Et l'on refuserait de comprendre comment des hommes bien portants ont pu, sincèrement et de bonne foi, attester la réalité de certains miracles et voir des revenants conjurés par l'exorcistè! Oui, la foi est une force toute-puissante; la foi accomplit des merveilles: la foi transporte des montagnes. Regardez votre frère comme un homme de bien, et il le sera. Ayez confiance dans celui qui n'est bon qu'à demi, et il le deviendra tout à fait. Supposez des aptitudes chez votre votre élève, il les développera. Si vous le jugez incapable, il restera tel. Persuadez-vous que votre santé est bonne, elle pourra le devenir; car la nature n'est qu'un écho de l'esprit, et la loi suprême qui la régit, c'est que l'idée est la mère du fait, et qu'elle façonne graduellement le monde à son image.

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Sans doute, il y aurait manière d'interpréter dans un sens exact ces vagues et poétiques formules, visiblement inspirées par l'esprit de Hégel. Il y a d'ailleurs, dans cette page, beaucoup de vérités de détail qu'il serait facile de mettre en pleine lumière, en les dégageant des hypothèses et des hyperboles voisines. C'est néanmoins un grave péril

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