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tal; ou bien nous l'usons par l'ardeur de nos passions; dans ces deux cas extrêmes, la nature est moins cruelle pour l'homme que ne l'est son égoïsme. Une déplorable condescendance à tous nos penchants, une sorte de complicité avec cette force d'inertie qui est au fond de nous-mêmes, l'inaction remplissant notre existence et la désorganisant par l'ennui; d'autres fois l'activité fiévreuse, la précipitation convulsive du désir et du travail, l'impatience de l'ambition exaspérée, la joie maladive du triomphe, les brisements de cœur qui suivent un échec dans cette lutte sociale des intérêts, des vanités et des passions, voilà ce qui trouble si profondément le cours ou trop ralenti ou trop précipité de notre vie, voilà ce qui en corrompt la source ou la tarit prématurément.

Telle est la saisissante leçon qui ressort du livre de M. de Feuchtersleben. Mais ce n'est pas la seule; l'énumération de tous ces maux que l'homme doit s'imputer à lui-même n'est que l'occasion du livre et comme la matière sur laquelle s'exerce l'hygiène morale; ce n'est pas l'hygiène elle-même. Nous devons maintenant donner une idée de cette science qui, tout incomplète qu'elle est, a permis à l'auteur de déployer une ingénieuse sagacité, habile aux secrets les plus délicats de l'âme et par l'âme atteignant le corps.

II

Le principe de l'hygiène morale est dans cette action de l'âme sur le corps. C'est une force réelle, nous dit M. de Feuchtersleben, une force dont l'existence n'est guère contestée, dont on raconte, dont on admire les merveilles, mais dont on a ra rement examiné les lois, dont on a cherché plus rarement encore l'application pratique. Pourtant, si cette force existe, par son origine et par sa nature elle est soumise à la direction de la volonté; l'homme peut en régler l'emploi.

Or, la première condition pour que l'esprit acquière sur le corps un empire salutaire est de croire à la possibilité d'un tel empire. Aussi M. de Feuchtersleben fait-il les plus consciencieux efforts pour amener cette utile conviction dans l'âme de tous ses lecteurs. — Étrange prétention, ditesvous, de vouloir étendre la puissance de l'âme au delà de ses limites, comme si nous pouvions composer à notre gré le tissu de notre vie. Cela est singulier peut-être, mais quoi de plus vrai pourtant? Ce sont toujours les images les plus fortement gravées dans l'âme qui font la joie ou la douleur de la vie. Et qui oserait dire qu'il ne dépend

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jamais de nous, de les faire paraître ou disparaître? Nous sommes, jusqu'à un certain point maîtres de nos impressions. Elles dépendent de nous, plus peut-être que des objets dont elles nous viennent. Voyez, dans Shakspeare, le roi Lear et son compagnon perdus au milieu de la plaine, sous la tempête furieuse : l'un trempé de pluie, tremblant de froid; l'autre impassible, sourd à l'orage, parce qu'il entend rugir à ses oreilles la voix plus haute de sa colère. Une des preuves les plus frappantes de la puissance de l'esprit se tire précisément de son impuissance. Qui ne sait que les malheureux auxquels la démence a ravi la direction de leur pensée sont à l'abri d'un grand nombre de souffrances corporelles qui frappent autour d'eux d'autres personnes. Leur attention, absorbée par une idée fixe, se détourne du corps, et cette concentration de toutes les forces de l'esprit sur un seul point les rend inaccessibles aux influences extérieures. Si cela est vrai, et personne n'en doute, comment une volonté droite, ferme, éclairée n'aurait-elle pas autant de puissance et ne produirait-elle pas les mêmes effets qu'une volonté asservie, inerte comme celle d'un fou?

Qu'est-ce que la vie, sinon le travail de la volonté, qui tend à soumettre les forces extérieures? L'homme est enveloppé de mille influences qui le

pressent; le monde tout entier pèse sur lui, mais rien n'est plus fort que son caractère. Les êtres de la nature n'étant que des forces manifestées, le tout de l'homme c'est l'énergie avec laquelle il se manifeste. Si cette énergie ne s'éveille pas en lui spontanément, il faut que, par une secousse violente, il se place dans un état où il soit forcé de vouloir.

Comme il modifie les forces extérieures, il modifie son propre organisme, il le plie à son désir, à sa passion, aux caprices de son imagination, il le domine, quand il veut fortement. Une puissante volonté a je ne sais quel pouvoir, au moins indirect, même sur la vie et sur la mort. Barthez va jusqu'à dire qu'un grand désir de voir avant de mourir une personne chérie peut prolonger l'agonie. Voici un fait qui prouve qu'il n'y a presque pas de limites assignables à l'action de l'âme sur le corps. Le docteur Cheyne nous assure que le colonel Townsend pouvait se donner toutes les apparences de la mort. Il se couchait sur le dos et ne bougeait plus. Un jour le docteur Cheyne lui prit la main il sentit le pouls baisser peu à peu; il lui mit une glace devant la bouche: aucun souffle ne ternit le verre. Le médecin effrayé crut que la plaisanterie s'était changée en une triste réalité; mais, au bout d'une demi-heure, le mouvement reparut, le pouls et les battements du cœur devin

rent sensibles, et le colonel reprit la parole. Il y a donc des hommes chez lesquels le cœur lui-même, ce muscle non soumis à la volonté, devient un organe volontaire. On a vu, en Amérique, des sauvages qui, lorsqu'ils pensent avoir accompli leur tâche ici-bas, fussent-ils même à la fleur de l'âge, se couchent, ferment les yeux, prennent la résolution de mourir, et meurent en effet. La puissance de la volonté, exercée et dirigée par un constant effort, ne paraît pas être moindre sur certains états qui, par leur origine, se rattachent au système nerveux. On a souvent parlé de l'action très-remarquable qu'exerce un fort vouloir sur les phénomènes de la vision. L'auteur du livre raconte qu'il parvint, par un énergique effort, à se débarrasser des mouches volantes qui troublaient sa vue. N'est-ce pas aussi par une tension énergique de la volonté que s'explique le trait fameux de ce stoïcien qui, cherchant à démontrer, en présence de Pompée, cette proposition que la douleur n'est pas un mal, joignit l'exemple à la leçon en triomphant sur lui-même d'une violente attaque de goutte? C'est Cicéron qui rapporte ce trait, et il n'y a rien là de plus merveilleux que dans les mille exemples dont abonde ce livre.

Mais c'est surtout par l'intermédiaire de l'imagination que l'âme a prise sur le corps. Qui ne sait quelle prodigieuse puissance a cette faculté de

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