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FABLE XVIII.

Le Bassa et le Marchand.

UN marchand grec en certaine contrée
Faisoit trafic. Un bassa l'appuyoit;
De quoi le Grec en bassa le payoit,

Non en marchand: tant c'est chère denrée
Qu'un protecteur! Celui-ci coûtoit tant
Que notre Grec s'alloit par-tout plaignant.
Trois autres Turcs, d'un rang moindre en puissance,
Lui vont offrir leur support en commun.
Eux trois vouloient moins de reconnoissance
Qu'à ce marchand il n'en coûtoit pour un.
Le Grec écoute; avec eux il s'engage.
Et le bassa du tout est averti :

Même on lui dit qu'il joûra, s'il est sage,
A ces gens-là quelque méchant parti,
Les prévenant, les chargeant d'un message
Pour Mahomet, droit en son paradis,

Et sans tarder; sinon ces gens unis

Le préviendront, bien certains qu'à la ronde
Il a des gens tout prêts pour le venger:
Quelque poison l'enverra protéger

FABLES. II.

6

Les trafiquants qui sont en l'autre monde.
Sur cet avis, le Turc se comporta

Comme Alexandre; et, plein de confiance,
Chez le marchand tout droit il s'en alla,
Se mit à table. On vit tant d'assurance
En ses discours et dans tout son maintien,
Qu'on ne crut point qu'il se doutât de rien.
Ami, dit-il, je sais que tu me quittes;
Même l'on veut que j'en craigne les suites;
Mais je te crois un trop homme de bien;
Tu n'as point l'air d'un donneur de breuvage.
Je n'en dis pas là-dessus davantage.
Quant à ces gens qui pensent t'appuyer,
Écoute-moi : sans tant de dialogue

Et de raisons qui pourroient t'ennuyer,
Je ne te veux conter qu'un apologue.

Il étoit un berger, son chien, et son troupeau.
Quelqu'un lui demanda ce qu'il prétendoit faire
D'un dogue de qui l'ordinaire

Étoit un pain entier. Il falloit bien et beau
Donner cet animal au seigneur du village.
Lui, berger, pour plus de ménage,
Auroit deux ou trois mâtineaux,

Qui, lui dépensant moins, veilleroient aux troupeau
Bien mieux que cette bête seule.

Il mangeoit plus que trois; mais on ne disoit pas

Qu'il avoit aussi triple gueule

Quand les loups livroient des combats.

Le berger s'en défait ; il prend trois chiens de taille A lui dépenser moins, mais à fuir la bataille.

Le troupeau s'en sentit; et tu te sentiras

Du choix de semblable canaille.

Si tu fais bien, tu reviendras à moi.
Le Grec le crut.

Ceci montre aux provinces

Que, tout compté, mieux vaut en bonne foi
S'abandonner à quelque puissant roi
Que s'appuyer de plusieurs petits princes.

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Étoit tenu de l'honorer.

C'étoit tout homme sot: car pourquoi révérer
Des biens dépourvus de mérite?

La raison m'en semble petite.

Mon ami, disoit-il souvent

Au savant,

Vous vous croyez

considérable :

Mais, dites-moi, tenez-vous table?

Que sert à vos pareils de lire incessamment ?
Ils sont toujours logés à la troisième chambre,
Vêtus au mois de juin comme au mois de décembre,
Ayant pour tout laquais leur ombre seulement.
La république a bien affaire

De gens qui ne dépensent rien!

Je ne sais d'homme nécessaire

Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien.
Nous en usons, Dieu sait! notre plaisir occupe
L'artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe,

Et celle qui la porte, et vous,

qui dédiez
A messieurs les gens de finance
De méchants livres bien payés.
Ces mots remplis d'impertinence
Eurent le sort qu'ils méritoient.
L'homme lettré se tut; il avoit trop à dire.

La guerre le vengea bien mieux qu'une satire.

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habitoient:

L'ignorant resta sans asile ;

Il reçut par-tout des mépris:

L'autre reçut par-tout quelque faveur nouvelle. Cela décida leur querelle.

Laissez dire les sots: le savoir a son prix.

FABLE XX.

Jupiter et les Tonnerres.

JUPITER, voyant nos fautes,
Dit un jour, du haut des airs:
Remplissons de nouveaux hôtes
Les cantons de l'univers

Habités par cette race

Qui m'importune et me lasse.
Va-t'en, Mercure, aux enfers;
Amène-moi la Furie

La plus cruelle des trois.
Race que j'ai trop chérie,
Tu périras cette fois!
Jupiter ne tarda guère

A modérer son transport.

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