Oldalképek
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Mêloient au vin grossier le crystal d'une source.
Plus le vase versoit, moins il s'alloit vidant.
Philémon reconnut ce miracle évident;

Baucis n'en fit pas moins : tous deux s'agenouillèrent;
A ce signe d'abord leurs yeux se dessillèrent.
Jupiter leur parut avec ces noirs sourcils

Qui font trembler les cieux sur leurs poles assis.
Grand Dieu, dit Philémon, excusez notre faute :
Quels humains auroient cru recevoir un tel hôte?
Ces mets, nous l'avouons, sont peu délicieux :

Mais, quand nous serions rois, que donner à des dieux?
C'est le cœur qui fait tout : que la terre et que l'onde
Apprêtent un repas pour les maîtres du monde;
Ils lui préféreront les seuls présents du cœur.
Baucis sort à ces mots pour réparer l'erreur.
Dans le verger couroit une perdrix privée,
de tendres soins dès l'enfance élevée ;
Elle en veut faire un mets, et la poursuit en vain:
La volatille échappe à sa tremblante main;
Entre les pieds des dieux elle cherche un asile.
Ce recours à l'oiseau ne fut pas inutile:

Et

par

Jupiter intercède. Et déjà les vallons

Voyoient l'ombre en croissant tomber du haut des monts.
Les dieux sortent enfin, et font sortir leurs hôtes.
De ce bourg, dit Jupin, je veux punir les fautes:
Suivez-nous. Toi, Mercure, appelle les vapeurs.
O gens durs! vous n'ouvrez vos logis ni vos cœurs!

Il dit et les autans troublent déjà la plaine.

Nos deux époux suivoient, ne marchant qu'avec peine;
Un appui de roseau soulageoit leurs vieux ans:
Moitié secours des dieux, moitié peur, se hâtants,
Sur un mont assez proche enfin ils arrivèrent.
A leurs pieds aussitôt cent nuages crevèrent.
Des ministres du dieu les escadrons flottants
Entraînèrent, sans choix, animaux, habitants,
Arbres, maisons, vergers, toute cette demeure ;
Sans vestiges du bourg, tout disparut sur l'heure.
Les vieillards déploroient ces sévères destins,
Les animaux périr! car encof les humains,
Tous avoient dû tomber sous les célestes armés:
Baucis en répandit en secret quelques larmes.
Cependant l'humble toit devient temple, et sés murs
Changent leur frêle enduit aux marbres les plus durs.
De pilastres massifs les cloisons revêtues

En moins de deux instants s'élèvent jusqu'aux ñuès;
Le chaume devient or, tout brille en ce pourpris:
Tous ces événements sont peints sur le lambris.
Loin, bien loin les tableaux de Zeuxis et d'Apelle!
Ceux-ci furent tracés d'une main immortelle.
Nos deux époux, surpris, étonnés, confondus,
Se crurent, par miracle, en l'Olympe rendus.
Vous comblez, dirent-ils, vos moindres créatures:
Aurions-nous bien le cœur et les mains assez pures
Pour présider ici sur les honneurs divins,

Et prêtres vous offrir les vœux des pélerins?
Jupiter exauça leur prière innocente.
Hélas! dit Philémon, si votre main puissante
Vouloit favoriser jusqu'au bout deux mortels,
Ensemble nous mourrions en servant vos autels.
Clothon feroit d'un coup ce double sacrifice;

D'autres mains nous rendroient un vain et triste office:
Je ne pleurerois point celle-ci, ni ses yeux

Ne troubleroient non plus de leurs larmes ces lieux.
Jupiter à ce vœu fut encor favorable.

Mais oserai-je dire un fait presque incroyable?
Un jour qu'assis tous deux dans le sacré parvis
Ils contoient cette histoire aux pélerins ravis,
La troupe à l'entour d'eux debout prêtoit l'oreille;
Philémon leur disoit : Ce lieu plein de merveille
N'a pas toujours servi de temple aux immortels:
Un bourg étoit autour, ennemi des autels,
Gens barbares, gens durs, habitacle d'impies;
Du céleste courroux tous furent les hosties.
Il ne resta que nous d'un si triste débris :
Vous en verrez tantôt la suite en nos lambris;
Jupiter l'y peignit. En contant ces annales,
Philémon regardoit Baucis par intervalles;
Elle devenoit arbre, et lui tendoit les bras:
Il veut lui tendre aussi les siens, et ne peut pas.
Il veut parler, l'écorce a sa langue pressée.
L'un et l'autre se dit adieu de la pensée :

Le corps n'est tantôt plus que feuillage et que bois.
D'étonnement la troupe, ainsi qu'eux, perd la voix.
Même instant, même sort à leur fin les entraîne;
Baucis devient tilleul, Philémon devient chêne.
On les va voir encore, afin de mériter

Les douceurs qu'en hymen Amour leur fit goûter.
Ils courbent sous le poids des offrandes sans nombre.
Pour peu que des époux séjournent sous leur ombre,
Ils s'aiment jusqu'au bout, malgré l'effort des ans.
Ah! si... Mais autre part j'ai porte mes présents.
Célébrons seulement cette métamorphose.
De fidèles témoins m'ayant conté la chose,
Clio me conseilla de l'étendre en ces vers,
Qui pourront quelque jour l'apprendre à l'univers.
Quelque jour on verra chez les races futures,
Sous l'appui d'un grand nom passer ces aventures.
Vendôme, consentez au los que j'en attends;
Faites-moi triompher de l'Envie et du Temps:
Enchaînez ces démons, que sur nous ils n'attentent,
Ennemis des héros et de ceux qui les chantent.
Je voudrois pouvoir dire en un style assez haut
Qu'ayant mille vertus vous n'avez nul défaut.
Toutes les célébrer seroit œuvre infinie;
L'entreprise demande un plus vaste génie:
Car quel mérite enfin ne vous fait estimer?
Sans parler de celui qui force à vous aimer.
Vous joignez à ces dons l'amour des beaux ouvrages;

Vous y joignez un goût plus sûr que nos suffrages;
Don du ciel, qui peut seul tenir lieu des présents
Que nous font à regret le travail ét les ans.
Peu de gens élevés, peu d'autres encor même
Font voir par ces faveurs que Jupiter les aimé.
Si quelque enfant des dieux les possède, c'est vous;
Je l'osé dans ces vers soutenir devant tous !
Clio, sur son giron, à l'exemple d'Homère,
Vient de les retoucher, attentive à vous plaire.
On dit qu'elle et ses sœurs, par l'ordre d'Apollon,
Transportent dans Anet tout le sacré vallon:
Je le crois. Puissions-nous chanter sous les ombrages
Des arbres dont ce lieu va border ses rivages!
Puissent-ils tout d'un coup élever leurs sourcils,
Comme on vit autrefois Philémon et Baucis!

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